Chapitre 5

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Trois jours plus tard, le paysage, tout enchanteur qu’il soit, avait perdu de son charme. La forêt était aussi calme qu’un lac de montagne.

Et Lysabel s’ennuyait. Cette mission était pire que ce qu’elle avait imaginé.

Heureusement qu’il y avait les autres pour se distraire un peu. Kith était agaçant mais sympathique par moments, elle adorait s’entrainer avec Roxx et le duo atlante Jamila/Vertille.

Seul Io, le Massilien, l’avait mise en difficulté. Ça se voyait qu’il avait appartenu quelques temps aux Mecers, même s’il avait abandonné avant de devenir Émissaire. Axel était bien plus doué, sauf qu’il n’était pas là.

Io… Io n’usait d’aucune subtilité, en tout cas, pas contre elle. Il ne cherchait qu’à l’écraser de sa force ; parer ses attaques était impossible et elle s’épuisait en esquives. Elle commençait à sérieusement le détester, surtout quand son visage se parait de ce sourire suffisant qu’elle aurait aimé effacer à coups de poings rageurs.

Malheureusement, la force était inutile contre Io. Et ça l’enrageait. Elle refusait d’être faible, juste parce qu’elle était une femme. Elle voulait être forte, physiquement forte, et travaillait dur pour atteindre ses objectifs, s’astreignant à des séries d’exercices tous les matins. Son père avait beau lui soutenir que la force brute n’était pas essentielle aux guerriers, elle n’en démordrait pas. C’était si satisfaisant ! Pouvoir résister à un bras de fer lors d’une soirée dans une taverne, lire la surprise et la stupéfaction sur le visage de son adversaire, c’était si jouissif !

Lorsqu’il lui proposa une « escapade » dans les bois, après leur entrainement, elle fut estomaquée. Et elle lui rappela que ça ne serait pas du goût d’Edward. Son éclat de rire lui transperça le cœur.

— Ma pauvre Lysabel, dit-il enfin. Tu crois vraiment à son retour ?

— Évidemment ! Il me l’a dit !

Io croisa les bras, sourit. Un sourire mielleux qu’elle détesta.

— Il te l’a dit clairement ? Moi, je crois me souvenir qu’il a dit « j’ai besoin de temps pour réfléchir », et tu sais comme moi ce que ça veut dire.

— J’attends, justement ! protesta-t-elle.

— Et si tu savais comme il en rit. Pourquoi tu t’accroches ainsi, Lys ? Nous serions nombreux à ne pas te dire non.

Elle pinça les lèvres. Donc lui aussi s’y mettait. Elle ne l’aurait jamais imaginé tenir le même discours que Soren. Edward avait-il vraiment tourné la page ? Io pouvait très bien tourner les choses à son avantage juste pour obtenir ses faveurs.

— Je travaille, Io, répondit-elle enfin. Je ne mélange pas.

— Quel dommage. Eh bien, si tu changes d’avis… tu sais où me trouver.

Il lui adressa un clin d’œil qui lui fit lever les yeux au ciel. Satané fils de plumé. Un vent frais la fit frissonner et elle rengaina avant de rejoindre son chariot pour la nuit. Io avait-il raison ? Perdait-elle son temps à attendre Edward ? Soren ne l’avait jamais aimé, alors même si elle adorait son ami, elle n’avait jamais voulu croire à ses paroles, alors que Io… non, Io voulait juste s’amuser avec elle lui aussi. Quelques années plus tôt, elle n’aurait pas dit non à un moment de détente. Maintenant, elle en attendait davantage.

Quel dommage que les jeux de l’amour ne soient pas aussi simples que les combats.

*****

Trois jours de voyage et Josh commençait à se détendre. Au début il avait sursauté au moindre bruit suspect, s’attendant à une attaque à tout moment, sous le regard narquois de la mercenaire.

Eh bien qu’elle se moque !

En attendant, elle profitait des repas à titre gracieux et lui serrait les dents devant son appétit. Comment c’était possible de manger autant ? À moins qu’il ne s’agisse d’une particularité du métabolisme des ailés. Il n’en n’avait jamais approché, jusque-là, et c’était peut-être l’occasion d’obtenir quelques réponses.

Ce soir-là, comme chaque soir, il quitta rapidement le feu commun après le repas et revint vers son chariot. Il se glissa sous la bâche, vérifia que personne ne regardait dans sa direction, et déplaça les sacs. Les trois caisses étaient toujours là, bien fermées, bien attachées. Il rabattit l’épaisse couverture et empila de nouveau les différents sacs d’herbes et de marchandises diverses qu’il comptait revendre.

Jusque-là, tout se passait bien. Ces trois caisses de reine des forêts lui rapporteraient gros, à Poris. Il avait mis des jours à les récolter, puis plusieurs longues semaines pour les faire sécher. Des heures d’effort dans le plus grand secret. Une seule de ces fleurs se vendait le prix d’un cheval et leur commerce était strictement encadré par la Fédération des Douze Royaumes qui limitait leur usage.

Les herboristes s’enrichissaient sur le dos des guérisseurs, car ces fleurs étaient excellentes contre les douleurs, sans avoir l’effet dépendant de la racine de Linpo.

Alors oui, depuis quelques années, ces fleurs se raréfiaient. Normal, vu qu’il fallait les cueillir avant qu’elle ne donne leur fruit, ce qui limitait leur renouvellement, et qu’elles ne se trouvaient qu’en forêt, au pied de certains arbres. Josh avait béni Eraïm le jour où il avait trouvé le parterre, tout à fait au hasard, alors qu’il était parti ramasser des champignons. C’était un signe du destin, à coup sûr. Une manne providentielle dont il refusait de se priver, tout ça sous prétexte que seuls les herboristes étaient habilités à les récolter.

Ce n’était pas la première fois qu’il transportait des herbes en contrebande. La demande était forte, à Poris. La ville était loin des grands forêts nécessaires au développement de la plupart des herbes médicinales. Alors elles étaient cultivées en plaine, pour la plupart. Josh trouvait qu’elles perdaient de leurs propriétés. Et puis, la reine des forêts portait bien son nom : impossible de la trouver ailleurs, elle n’aimait que les endroits frais, humides et ombragés.

Si les propriétés de la fleur étaient imbattables, le feuillage et les racines étaient toxiques. Méchamment toxiques, d’ailleurs, parce que l’ingestion d’une seule feuille conduisait à la mort sans prise en charge rapide. Évidemment, les feuilles ressemblaient beaucoup aux fleurs. Seule la couleur était différente, sauf que, une fois séchées… difficile de faire la différence entre les deux.

Josh comprenait que pour éviter tout accident, on réserve la cueillette aux professionnels. Mais pourquoi uniquement les herboristes ? Les guérisseurs aussi connaissaient les plantes ! Et bien trop d’herboristes s’octroyaient le droit de soigner des gens, d’ailleurs. Il y avait même eu un scandale sur Niléa, quelques années plus tôt, il l’avait appris en écoutant les nouvelles dans une auberge.

Là, bizarrement, la règlementation n’avait pas changé.

Josh connaissait son affaire. Chaque caisse ne contenait qu’un petit sachet de reine des forêts, bien camouflé au milieu d’autres sachets herbes beaucoup plus communes ; du thym, du romarin et de la lavande. Il avait choisi des herbes odorantes pour éviter tout soupçon et se montrer irréprochable : ainsi son chargement résisterait à tout examen approfondi.

Il étendit ses couvertures et s’allongea, satisfait. Tout se passait au mieux, la caravane avait trouvé son rythme de croisière et bientôt, de belles et lourdes pièces d’or remplaceraient les sachets d’herbes sèches.

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