Elle en était là de sa vie et ses sentiments quand son mari l’interpella.

« Lisa, avez-vous un moment ?

Lisa leva les yeux de son ouvrage de couture qui retenait toute son attention. Elle n’avait nul besoin d’acquiescer. Sa question n’était que de politesse.

- J’ai pensé qu’il serait de bon ton de recevoir nos amis et les notables de la ville. Nous fêterions ainsi la maison.

Elle le regarda un peu interloquée, réfléchissant déjà à l’organisation d’un tel événement.

- Je ne sais pas. Répondit-elle

Elle ne pouvait s’empêcher de se faire l’avocat du diable.

- N’est-ce pas une dépense inutile ?

- Oui mais recevoir nos pairs est indispensable. Nous devons leur montrer que nous sommes à leur niveau.

Il voulait donc faire étalage de ses avoirs ? Où trouverait-elle le temps de s’occuper d’un tel évènement ? Le doute et l’envie se bataillaient dans son esprit. Et sa méchante petite voix lui disait que refuser ferait fulminer son mari. Elle n’y résista pas.

- Nous n’avons rien à prouver. Et puis, je ne trouverais jamais le temps de m’occuper d’un tel évènement.

Elle savoura le regard qu’il lui lança. Elle baissa tout de même les yeux pour ne pas être dans la confrontation directe.

Son ton autoritaire ne la surprit pas outre mesure.

- Ma décision est prise. Je ne suis pas venu demander votre avis. »

Il était agaçant dans ces moments où il lui faisait sentir qu’il était le maître en toute chose. Elle n’avait pas d’autorité à faire valoir, et elle s’en désolait. Sans rien dire, elle lui laissait deviner son mécontentement. Elle se leva lentement, hautaine. Evitant de rencontrer son regard pour qu’il ne voit pas son air narquois. Dans le fond, elle était enthousiaste pour ce dîner mais elle ne voulait pas lui avouer. Il la regarda s’éloigner dubitatif sur ce qu’il venait de se passer. Il était venu lui annoncer une nouvelle qui aurait dû lui faire venir le sourire et la reconnaissance mais elle partait fâchée. Décidemment il avait du mal à comprendre les escalades émotionnelles de son épouse.

Lisa traversait la place Della Signoria accompagnée de Bartolomeo, Piero et Camilla. Le spectacle de marionnette qui se tenait ce jour-là avait ameuté une foule importante. Les enfants étaient excités à l’idée du spectacle et avaient été d’une sagesse inhabituelle. Lisa les avait menacés de les priver dudit spectacle s’ils n’écoutaient pas.

La fin approchait et elle donna une pièce de monnaie à chacun des enfants pour qu’ils puissent les déposer dans le chapeau qui ne tarderait pas à passer entre les rangs des enfants émerveillés.

La représentation terminée, ils remontèrent la rue qui les menaient chez eux. Les étals des marchands s’étendaient le long du chemin. Ils ravivaient le plaisir des sens, vue, odeur, touché, tout était là pour vous donner l’envie d’un fruit, d’un tissu, d’un objet artisanal. La tentation était là, toujours à portée de main. Lisa suivi de Anna sa servante, accrochée à son panier, s’arrêta vers le stand d’un maraîcher. Ses pommes, appétissantes, étaient rouge sombre, vert limé. Elle en acheta 3, pour chacun des enfants. Une sucrerie bienvenue en ce milieu de matinée. Ils déambulèrent lentement au milieu de la foule dense, des cavaliers tentant de se frayer un chemin sur les pavés encombrés. Les voix haut perchées des marchands emplissaient l’atmosphère créant un brouhaha sourd. Lisa aimait cette ambiance tumultueuse propice aux rencontres. Cette fois ci ne fit pas exception. Son amie de toujours, Albina, devenue Dame Alighieri, se tenait juste devant elle, à l’étal du marchand de pain. Elles se saluèrent poliment. S’embrassant sur les 2 joues. Elles continuèrent le chemin ensemble, bavardant sur des sujets anodins, leurs enfants, leurs maris, leurs vies tout simplement. Elles se quittèrent au croisement de la rue Della Stuffa. Elles se reverraient dans deux jours lors du repas que Lisa organisait chez elle.