Chapitre 11

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Le temps des caresses, de l’émoi, des plaisirs, s’étirait pour eux. Un temps qui trainait langoureux, savoureux. Voilà ce que vivait Lisa. Un rêve cotonneux et aérien. Elle en oubliait sa culpabilité. Elle se sentait enfin femme. Salai occupait la moindre de ses pensées. Ils vivaient tous les deux des moments de pur bonheur. Rien ne pouvait décrire leur amour naissant pas même l’éclosion d’une rose.

Lisa prenait tous les risques. Son envie d’être avec lui, l'obnubilait. Elle se débrouillait pour se libérer du temps. Elle en oubliait sa famille. Ses enfants tyrans de son monde, se voyaient relégués au second plan. Au bon soin d’Anna. Son mari ne s’en doutait pas. Elle s’arrangeait pour s’absenter en journée. Elle ne soupçonnait pas son talent pour la manipulation.

Les séances avec Léonard, elle les vivait avec impatience. Impatience de se retrouver peau contre peau avec Salai. Le besoin qu’elle avait de lui était grand. Parfois trop. Elle sentait comme un vertigineux vide dès qu’il s'écartait d'elle.

Alors que Lisa était couchée, sa poitrine offerte aux yeux de son amant, Salai pris place dans le siège à côté du lit. Un fuseau à la main, il commença à tracer les courbes rondes de la belle assoupie. Lisa dans un soupir de complaisance contempla son amant à travers le rideau de ses cils.

« Que fais-tu ?

- Je capture l’instant.

Elle lui sourit s’étirant langoureusement.

- Il faut que je rentre maintenant. Dit-elle avec regret.

- Non pas encore.

Il l’immobilisa d’un regard. Elle s’assit sur le lit, prenant la pose pour lui. Après quelques minutes, elle se leva et remis sa robe. Désolée de devoir le quitter.

En rentrant chez elle, elle trouva une Anna affolée. Marietta avait la fièvre. Le médecin l'auscultait déjà. Lisa pâlit, cela ne pouvait recommencer. Elle ne supporterait pas de perdre un autre enfant. L’angoisse lui coupa le souffle. Elle frémit, victime d'un léger malaise et se retint de la main au mur qui longeait l’escalier qu’elle gravissait deux par deux.

Dans sa chambre, la petite Marietta, cheveux collés de sueur, les joues rouges, respirait avec difficulté, le souffle sifflant. Le médecin à son chevet, palpait son petit corps tremblant. Lisa s’accroupit au bord du lit, une main sur le front de sa fille, elle leva des yeux effrayés vers le praticien.

« Il va falloir la saigner.

- Non !!

Son cri venait du cœur, elle se souvenait de l’effet désastreux sur Piera. Elle ne le laisserait pas recommencer une autre fois. Elle était trop jeune pour être saignée.

- Il faut faire sortir les humeurs madame. Nous n’avons pas le choix.

- J’ai dit non.

Elle soutint l'oeil sévère de l’homme de science. Quelques minutes s'égrennèrent en tension. Francesco profita de l'instant pour entrer. Elle l’implora du regard. Surtout qu’il ne contredise pas sa décision. En son âme et conscience, elle savait qu’elle avait raison. La main de sa fille dans la sienne, elle commença une prière silencieuse. Dieu ne saurait lui prendre un autre enfant. Mais Dieu l’avait peut-être abandonnée. Elle, la femme adultère, ne méritait sûrement plus son pardon. Sa passion l’avait aveuglée et éloignée de ce qu’elle avait de plus cher. Elle s’était volontairement détournée du droit chemin et voilà que la sentence arrivait. Fatidique. Marietta n’avait que 2 ans, devait-elle subir le courroux de Dieu à sa place ? Bartolomeo vint s’accroupir à côté de Lisa, une main se voulant rassurante sur son épaule. Elle tourna les yeux vers lui, une larme coulant sur sa joue. Tous les deux étaient unis dans une même pensée, celle de la mort de Piera. Tous les deux, revivaient l’inquiétude qu’ils avaient eu il y a quatre ans.

Francesco discutait avec le médecin dans le fond de la pièce. Lisa ne pouvait pas entendre ce qu’ils se disaient. Puis Francesco serra la main du médecin, l’invitant ainsi à se retirer. Lisa souffla de soulagement. Il ne saignerait pas sa fille. Sa belle mère avait apporté un bol d’eau fraîche. Lisa y mouilla un linge qu’elle déposa sur le front de son enfant.

Sa belle-mère de son amabilité coutumière ne pu s'empêcher une remarque acerbe :

" J'espère que vous savez ce que vous faites. Si jamais Marietta venait à... "

Pour une fois, son époux s'interposa, imposant le silence à sa mère.

Elle la veilla deux jours et deux nuits. La fièvre finit par tomber. La petite Marietta était hors de danger. Lisa avait les cernes bleus, creusées. L’épuisement se lisait sur son visage. Pourtant, elle ne se coucha pas tout de suite. Elle décida de se rendre à l'église de Santi Apostoli. Elle longea les rangées de bancs, remontant la nef jusqu’à l’autel au pied duquel elle s’agenouilla. Elle leva les yeux vers la croix, pénitente, elle joignit les mains et s’oublia dans la prière. Elle remercia, fit la promesse de revenir sur le droit chemin. Elle ne risquera plus le châtiment qui pouvait s’abattre sur ce qu’elle avait de plus cher.

Le lendemain, Lisa prit le chemin de l’atelier de Léonard, bien décidée à mettre un terme à sa coupable relation avec Salai. Le revoir lui fit mal. Son cœur se contracta à sa vue. Sa beauté angélique, son sourire en la voyant, son corps souple qui s'avança d'un pas vers elle. La souffrance qui la traversa. Léonard qui s'affairait au dessin à sa table, leva la tête :

« Ma Dona, que nous vaut l’honneur. Nous ne sommes pas jeudi.

- Oui, je sais. J’ai besoin de parler à Salai. »

Léonard se tourna vers Salai, en fronçant les sourcils, l’air agacé. Salai et Lisa sortirent de l’atelier. Au détour d’une ruelle, Salai embrassa Lisa tendrement. Elle se laissa faire avant de le repousser avec force :

« Je ne peux plus.

- Comment ?

- Je ne peux plus me comporter de la sorte.

- J’ai peur de ne pas comprendre

- Nous, notre histoire…C’est terminé.

Salai recula d’un pas, le visage soudain fermé, les lèvres pincées. L’air meurtri.

- Salai, comprends-moi, j’ai failli perdre ma fille.

- Quel rapport ?

- Quel rapport Salai ? Ne vois-tu pas ? C’est le châtiment de dieu.

Salai se retourna, prit d’un fou rire, laissant Lisa interloquée, choquée de sa réaction.

- Lisa, tout ça, ce ne sont que des fadaises et tu le sais.

Il l’attrapa par le bras, l’amenant contre sa poitrine.

- Tu es à moi Lisa. Je le sais. Tu brûle pour moi, tu ne pourras pas vivre sans moi, sans mes mains sur ton corps.

Les larmes coulaient sur les joues de Lisa. Consciente de la justesse de ses paroles. Elle devait être forte. Dieu la mettait à l’épreuve. Elle ferma les yeux un instant. Incapable de supporter plus longtemps son regard.

- Je suis désolée Salai.

- Non, tu ne peux pas me quitter.

- Il le faut pourtant. »

Sur ces mots, elle se dégagea de son étreinte et s’éloigna de l’homme qui la regarda immobile, atterré.

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