Chapitre 16

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Léonard trouva Francesco dans son atelier, assis devant une œuvre qu’il n’aurait jamais dû voir. Léonard sentait poindre les ennuis, les gros ennuis. Salai, son diable, avait encore frappé. Il avait tout compris le jour où il avait découvert le tableau. Les traits, les couleurs, l’intensité mise dans le dessin ne pouvaient dire qu’une chose. Salai était amoureux. Léonard avait toujours su que ce jour viendrait. Il avait l’habitude de partager Salai et il comprenait les besoins de sa jeunesse. Lui-même avait déjà nourri des sentiments pour des femmes alors que sa préférence allait à son genre. Il avait perdu la bataille dès lors que Salai ne le laissait plus l’approcher. La dernière fois, il avait été abruptement rejeté. Il en avait eu presque mal. Lui aussi l’aimait ce beau diable aux boucles blondes.

Léonard s’approcha avec prudence d’un Francesco qui regardait le tableau atterré. Le teint pâle, trop fier pour laisser les larmes de rage, qu’il avait au bord des yeux, perler. Il resta silencieux un long moment. Regardant sans le voir un Léonard qui, passé la surprise de le trouver là, avait relevé les épaules, prêt à l’affrontement. La voix blanche de Francesco, atteignit Léonard au plus profond de ses entrailles. L’empathie qu’il avait toujours cultivée prit, à cet instant précis, tout son être.

« Ce tableau. Dit Francesco en pointant du doigt l’objet de son cauchemar.
Léonard garda le silence.
- Ce tableau, ma femme, comment avez-vous… Comment a-t-elle ?
- Francesco.

- Taisez-vous ! Je ne veux pas entendre un mot de votre bouche. Si seulement j’avais imaginé laisser ma femme dans les mains d’un pervers.

La tension se faisait de plus en plus forte. Léonard restait stoïque. Il ne pouvait pas révéler la vraie nature de ce tableau. Le pauvre homme ne supporterait pas savoir sa femme adultère. Il avait déjà l’œil meurtrier, en rajouter ne ferait que le pousser à l’acte. Léonard n’avait absolument pas envie d’être l’objet de sa vengeance. Il l’imaginait déjà responsable de la dépravation de sa femme qu’il ne l’imagine surtout pas en facilitateur d’un amour coupable. Et il tenait trop à Salai pour risquer de voir son joli visage amoché par la colère d’un mari ou pire encore. Il ne dirait rien.

- Rien, vous m’entendez Léonard. Vous n’aurez rien, pas un sou. Vous pouvez crever la bouche ouverte au fond d’un caniveau. »

Sur ce Francesco donna un grand coup dans le panneau de bois du revers de la main. Le visage souriant de sa femme percuta le sol avec violence, écornant son bord. Il ne daigna pas regarder Léonard lorsqu’il sortit de l’atelier faisant claquer la porte.

Léonard mit quelques minutes à reprendre ses esprits. Il s’accroupit au sol pour ramasser la toile. Il resta un instant contemplatif devant le travail de Salai qui avait très bien rendu les traits de l’élue de son cœur. Indéniablement, il avait progressé. Léonard remit le panneau sur son trépied et tourna le dos à la femme aux seins nus qui lui souriait avec cet air satisfait des femmes amoureuses.

Francesco débarqua fulminant dans la salle à manger où Lisa jouait avec Camilla. Il s’arrêta un instant devant la grande table en bois, dominant sa femme de toute sa hauteur. L’œil froid et implacable qu’il jeta sur elle, fit se raidir Lisa qui crispa ses doigts sur le bras de chiffon de la poupée. Il s’approcha, lui enserrant le poignet avec force et vivacité. L’entraînant prestement dans son bureau dont il ferma la porte d’un coup de pied. Il lâcha enfin son poignet pour soigneusement tourner la clef dans la serrure. Lisa sentit un frisson la traverser. Elle serra contre sa poitrine la poupée qu’elle n’avait pas lâchée. Elle n’avait jamais vu son mari dans un tel état d’agitation. Il se retourna et la gifla violemment. Elle recula d’un pas, tombant presque. Elle porta la main à sa joue dans un cri qui mêlait surprise et douleur. Son corps se mit à trembler, consciente de ce qui mettait Francesco au bord de lui-même. Elle n’osa pas le regarder.

« J’espère que vous vous êtes bien amusée pendant vos séances de pose ?

L’aigreur qui se déversait de sa bouche, lui serra l’estomac. Elle resta silencieuse.

- Vous ne répondez pas ? Vous avez honte peut-être ?

Lisa restait toujours les yeux baissés. Non, elle n’arriverait pas à le regarder en face. Mais qu’avait donc t’elle fait ? Le remords et la culpabilité s’écoulaient dans ses veines, asphyxiant son cœur. Elle contenait difficilement ses larmes.

- Il est trop tard pour les larmes Lisa.

Elle en avait conscience, mais que pouvait-elle bien faire d’autres. S’excuser. Un homme comme Francesco ne se contenterait pas d’excuse. Il faudra lui raconter. Elle ne pouvait pas. Que raconter d’ailleurs ? Son esprit s’embrouillait. Comment justifier ?

- Pas un sou pour ce pervers, et j’irais moi-même brûler ce tableau.

Lisa releva les yeux brusquement. De quel tableau parlait-il ? Elle osa d’une toute petite voix s’exprimer :

- De quel tableau parlez-vous ?

- De quel tableau je parle ? Vous osez me le demander ? Je vous parle de votre portrait, ma chère, celui pour lequel vous avez exposer vos seins devant ce pervers.

- Comment ?

- Arrêter de feindre l’innocence. Je l’ai vu de mes yeux vus.

Il avait donc vu le dessin que Salai avait fait d’elle à moitié nue ! Mais comment ? Pour autant, il ne semblait pas comprendre, ni même savoir, ce qui était à l’origine de ce nu. Il semblait penser que Lisa s’était dévêtue devant Léonard sans autre gêne. Combien il se trompait ! Une chose était sûre, Lisa devait le dissuader de son interprétation, tout en cachant l’horrible vérité.

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