Une visite précoce

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La sonnette de ma porte retentit. J’ouvre, d’un geste naturel, aussi innocemment que je suis. Un être se dessine devant moi : ses orbites vides, son manteau sombre, sa faux imposante. Si reconnaissable est-elle, la Mort…

Elle me salue d’un geste de la main alors que ma personne se fige sur l’instant, étonnée mais surtout effrayée de sa présence. Est-ce mon heure ?

Elle flotte et franchit le seuil de mon humble demeure, prenant place sur le premier siège.

-- Ne crains en rien ma présence. Car je suis là uniquement en tant que visiteuse et oreille attentive.

Elle se penche vers moi, telle une ombre froide.

-- Que désires-tu donc, âme éphémère ? Quelles pensées, quels secrets caches-tu ? Parle sans crainte face au témoin silencieux de tes jours passés.

Je m’assois face à elle, tremblante, devant l’énigme qui s’impose.

Les mots se chahutent dans ma gorge, aucun capable de laisser correctement la place à l’autre. Mon for intérieur s’interroge : ais-je des regrets, des espoirs perdus, des rêves brisés ? Tout ce que j’ai haï et tout ce que j’ai aimé se bousculent dans ma tête.

-- Chère Mort, je te confie ceci : j’ai vécu des peines, j’ai ri des erreurs commises et j’ai pleuré des amours perdus.

La Mort hoche la tête, sans jugement. Ses mains osseuses reposent sur ses genoux.

-- Ainsi est la vie : un souffle, un éclair fugace. Mais les mots, eux, restent et persistent, gravés dans le temps et l’espace, indélébile.

Nous nous sourions mutuellement. Enfin, si je peux deviner qu’elle puisse sourire.

Confiante désormais, je lui raconte mes voyages et mes folies. Je lui décris mes propres étoiles que j’ai touchées du bout des doigts. Elle écoute, immobile, attentive, sage. Et le long de mon récit, je sens que mes histoires ne sont pas vaines, que quelque chose de profond sommeille, se réveillant doucement. La curiosité me domine soudainement.

-- Dis-moi, qu’y a-t-il après ? Un néant, un paradis, une renaissance ? J’aimerais savoir, j’aimerais connaître la suite. Je veux comprendre avant que tu ne m’emportes dans ton silence.

La Mort laisse planer un silence lugubre. Puis, doucement, elle me murmure :

-- Chaque âme trouve et choisit sa réponse en temps voulu. Je n’incarne pas la fin, mais une transition, un passage vers l’inconnu, ou vers l’éternité.

Les heures passent et nous discutons toujours : de la vie et de la mort, d’elle et de moi, de maintenant et de l’au-delà. Nous nous parlons, jusqu'à ce que nous n'ayons plus rien à nous dire.

Subitement, elle se lève et s’en va, légère comme une plume. Elle disparaît dans l’encadrement de l’entrée, sans rien dire ni ajouter, tel un nuage de vapeur. En une fraction de minute, je me retrouve de nouveau seule, sans compagnie, abandonnée à mes doutes. Mais je reste souriante.

Un jour, je la retrouverais dans un autre monde, dans un autre temps. Pour l’instant, je vis, j’aime et je respire. Un bien que je dois chérir.

-- Je te remercie pour ta courte venue, La Mort, visiteuse bienveillante. Nous nous reverrons dorénavant comme de vieilles amies.

Mais pas de suite. Pas de suite…

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