Epistolaire
Mon Adoré,
En regardant mon sillage ces derniers jours, il me semble que quelque chose se dessine : comme une route tracée au crayon à papier sur une carte encore inconnue. Dans ces moments-là, il me paraît naturel de prendre la direction de nos cœurs, et de t’écrire, encore. T’écrire comme j’ai toujours fait. A moins que ce qui sort de la brume ne soit une grève nouvelle où je me tiens pour observer les mouvements de la mer.
Je me sens en effet au bord d’un autre océan. Des rouleaux à la fois familiers et inconnus s’écrasent à mes pieds. Nous avons traversé des années sombres, douloureuses et tremblantes, dans les tempêtes grises d’un hiver implacable. Mais voilà que le printemps a crevé le plafond de nuages pour transpercer d’un puissant rayon la cime des vagues, en illuminer l’écume scintillante.
Ce qui bouillonne n’est pas la mer qui t’enlève à moi, mais bien celle qui portera mes prochaines aventures. Elle convoque tous les souvenirs de Tregana, des Blancs Sablons, du Minou, pour les ériger en rêve à concrétiser, comme un phare à bâtir sur une côte illustre.
Je contemple l’avenir avec dans l’âme suffisamment de fièvre pour devenir ma propre armatrice, et concevoir des plans solides sur mes ambitions les plus folles.
Prête à arracher le voile qui recouvre encore mes capacités d’écriture pour en parer le vaisseau ivre que je suis. Ivre de doutes et de contradictions, mais les cales pleines de trésors ramassés pendant ces années d’air rance.
Mon amour, nous ne voguons pas sur un trois-mâts barque classique. Quel ennui ! Nos existences entremêlées ne sont pas moins qu’une ville flottante où nous travaillons à bâtir pour chacun le transport vers ses plus grandes idées.
Et une idée revient à la surface, en ce qui me concerne. Une idée ancienne et qui paraît impossible : être marin et écrire.
Annotations
Versions