Bark 1

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Bark, tu n'es pas comme eux.

J'ignorais ma voix intérieur et secouais la tête. Le jeune homme en face de moi me regardait d'un air bizarre. Je congédiais le messager. Il m'avait apporté ma nouvelle assignation. Ural Styrk était mort dans des conditions mystérieuses, laissant une place libre pour intégrer les douze démons. Aussi loin que remontaient mes souvenirs, c'était mon rêve d'intégrer cette unité légendaire, comme tous les possesseurs du Don de Styrk. Je pensais que j'étais le mieux placer pour remplacer Ural, mais à la place, la lettre du messager m'assignait comme garde personnel du général. Un poste qui me permettait de côtoyer des personnes hauts placés, mais qui m'éloignait de toute possibilité de combat. Et c'est dans les guerres et les batailles que nous pouvons montrer notre bravoure. J'avais l'impression d'être mis de côté.

Souviens toi qui tu es.

Tais-toi ! Hurlais-je à moi même. Je fouillais dans mes affaires dans mes affaires et sortis un morceau de fleur de mélissine. C'était le seul moyen de faire taire cette petite voix qui ne cessait de m'importuner. Je restais quelques secondes sur mon lit, à attendre que ma drogue fasse effet. Lorsque je n'étais pas sous son emprise, Je me sentais différent des autres Styrkiens. Heureusement, nos supérieurs en distribuaient régulièrement, particulièrement à l'approche des batailles.  

Je sortais de mes appartements. J'avais besoin de prendre l'air. Cela faisait maintenant deux semaines que nous étions en attente d'ordre à la forteresse de Kravos, à l'est du royaume de Styrk. Nous avions tous notre petite idée sur ce qui allait se passer. Le royaume de Popincourt se trouvait à quelques kilomètres à l'est et tout le monde connaissait les envies d'expansion du roi Karl Styrk. Après l'annexion du Royaume Fendil il y a dix ans, tout portait à croire que le prochain adversaire serait les Popincourt. Ils étaient de valeureux combattants, baignés comme nous dans l'art de la guerre.

Bark... tu...

La voix s'estompait pour mon plus grand bonheur. J'en profitais pour me balader sur les remparts. La forteresse comptait environ dix mille hommes. De l'infanterie et des phalanges pour la plupart. L'armée Styrkienne était très structurée, chaque unité était composée de cinquante soldats et les chefs de chaque unité devaient obligatoirement posséder le Don de Styrk. Avant mon assignation en tant que garde du général, je dirigeais une unité de phalange. Cette unité était idéale pour contrer la cavalerie des Popincourts. Les longues lances couplées aux immenses boucliers permettaient de bloquer n'importe quelle charge de cavalerie. La phalange était la fierté de l'armée Styrkienne, sans compter les douze démons évidemment. J'avais une soudaine envie de sang et de bataille.

Je décidais de monter dans la tour de la forteresse pour me présenter à mon nouveau poste. Le général était Ralf Styrk, ancien membre des douze qui avait montrer son courage lors de la guerre contre les Fendils. Il était connu pour avoir tué deux guerrières-danseuses à lui tout seul lors de la bataille de la vallée d'Ix. Suite à cette guerre, il avait estimé qu'il était trop vieux pour le combat. On le nomma alors général de l'armée. Il était petit et trapu, avec une longue barbe brune grisonnante. il inspirait le respect et la force. Quand j'entrais dans la pièce, il était plongé dans l'étude d'une carte. Il se tourna vers moi et me fit un grand sourire.

– Bark, te voilà ! Je suis heureux de te voir. J'ai demandé personnellement à ce que tu sois mon garde personnel.

Je ne savais pas comment le prendre, je ne lui avais jamais adressé la parole et j'ignorais comment il me connaissait. Je me contentais de lui rendre son sourire. Il reprit un air sérieux et pointa son index sur la carte.

– Nous allons attaquer les Popincourts dans deux jours. Et plus précisément Carrinville. Un tournoi va avoir lieu là-bas, et ils seront certainement trop occupé à festoyer pour nous voir arriver. Nous assiègerons la ville. Si nous arrivons à créer l'effet de surprise, ils ne pourront pas se préparer, et se retrouveront bien vite sans ressource. Je compte sur une reddition rapide, cela nous permettrait d'acquérir une place forte et stratégique sans verser de sang.

Il semblait fier de son plan. J'étais assez sceptique. Pour ce qui est de la stratégie, elle paraissait bonne. Mais une bataille sans verser de sang, c'était pas vraiment inscrit dans les mœurs Styrkienne. 

– Une fois la ville prise, que ferons nous ? Lui demandais-je.

– Le reste de l'armée nous rejoindra, plus de cinquante mille hommes dont les douze démons, et nous marcherons sur Richebourg, la capitale du royaume de Popincourt. Le roi Guillaume III est jeune et inexpérimenté. Nous voulons une guerre rapide pour qu'il ne puisse pas avoir le temps de rassembler son armée. Une fois que Guillaume III aura abdiqué, les comtés du royaume de Popincourt ne pourront que reconnaitre Karl Styrk comme roi légitime. Que penses-tu de ma stratégie Bark ?

– Vous êtes un fin stratège général Ralf, mais pour cela fonctionne, il est impératif que personne ne puisse sortir de Carrinville lorsque nous arriverons.

– C'est une excellente remarque, tu as raison. Tu peux disposer maintenant. Je suis ravi d'avoir fait ta connaissance.

– Merci beaucoup, je suis heureux d'être à votre service.

Je me dirigeais vers la sortie quand il ajouta.

– Comme tu te doute, je n'ai pas vraiment besoin de garde. Si j'ai voulu tes services, c'est pour une autre raison.

– Puis-je vous demander laquelle ?

– Tu la découvriras bien assez vite.

Il me fit un sourire espiègle, puis retourna à l'étude de sa carte. Ralf Styrk m'avait vraiment fait une bonne impression. Finalement, cette nouvelle assignation n'était peut-être pas si mal. Néanmoins, j'étais intrigué par ses derniers mots. Pour quelle raison me souhaitait-il en particulier. Je savais que j'étais fort, même pour quelqu'un de la lignée Styrk, mais je ne m'étais jamais fait remarquer dans le moindre fait héroïque. Je vagabondais dans la forteresse, perdu dans mes pensées. Machinalement, je sortis un peu de mélissine de ma besace et l'avala. Alors que j'arrivais vers le terrain d'entrainement, j'entendis la voix agaçante d'Ikmar derrière moi.

– Bark, j'ai appris que t'étais devenu le p'tit chien du général ! Beugla t il.

Ikmar Styrk était un chef d'unité d'infanterie, une brute épaisse, avec un cerveau de taille inversement proportionnel à sa musculature. Il avait toujours en travers de la gorge que je fus nommé chef d'unité avant lui. 

– Je suis dans sa garde personnelle, pas son petit chien. Je vais l'assister sur la stratégie de l'armée. Si tu réfléchissais un peu plus, peut-être que tu pourrais comprendre.

– Répète un peu ce que tu viens de dire ! Cria t'il en en me postillonnant au visage.

– Laisse tomber, je n'ai pas de temps à perdre avec toi.

– Tu fais l'malin, mais ce que tu sais pas, c'est que t'as devant toi le nouveau membre des douze démons. Tout le monde connaitra bientôt le nom d'Ikmar l'invincible, et personne celui de Bark le toutou.

Il rigolait tellement à sa propre blague que son visage boursouflé était devenu rouge. Je tombais des nues. Comment un être aussi abject pouvait t il faire parti des douze.

– Je... je suis heureux pour toi. Articulais-je difficilement.

– Ouais, c'est ça. Ce soir, avec mes gars, on va fêter ça. Viens te joindre à nous si t'es pas trop occuper à lécher les bottes du général.

– Oui, je viendrais.

J'étais décontenancé par son annonce. Il était fort, mais il n'avait aucune sagesse ni discipline de combat. Tout ce qu'il savait faire, c'était agiter son gros fléau et taper sur tout ce qui passait. Sans me l'avouer réellement, j'espérais qu'une place se libère vite chez les douze, la sienne.

J'avais envie de me changer les idées, et comme je me trouver à côté du terrain d'entrainement était proche, je décidais d'aller y faire un tour. Des hommes s'entrainaient à la hache et au bouclier. C'était l'équipement classique de notre infanterie. Les haches Styrkiennes étaient composées de deux lames tranchantes et d'une pointe au bout pour les coups d'estoc. Ce n'était pas mon arme de prédilection. Celle-ci, j'avais appris son maniement à l'académie du Don, à la capitale du royaume, Dunin. Les possesseurs du Don de Styrk sont recensés de manière très stricte, afin de savoir précisément leur nombre exact à l'intérieur ou à l'extérieur du royaume. Par exemple, si nous avions un fils, nous étions dans l'obligation de prévenir l'académie, sous peine de mort. Cela permettait d'avoir la mainmise sur le Don et d'éviter qu'il se propage dans d'autres royaumes. Ainsi, lors de notre dix-huitième anniversaire, nous devions nous rendre à l'académie du Don, pour être formés, puis affectés à nos unités. Cette formation durait deux années, durant lesquelles nous apprenions les stratégies et tactiques de guerre ainsi que le maniement des armes. Nous avions également des cours d'histoire, particulièrement sur le Don Styrkiens, les récits des douze démons et des rois. Dès la première année, nous devions choisir notre arme, qui deviendrait notre arme de prédilection. Beaucoup aimaient prendre le marteau de guerre, car ils adulaient Vlad, le mythique chef des douze et son marteau légendaire en pierre de lune Séisme. La plupart des étudiants choisissaient des armes contondantes, car celles-ci, couplées à notre force surhumaine de Styrk permettaient d'écraser n'importe qui, quelque soit l'armure portée. De mon côté, je trouvais le marteau de guerre et les masses d'arme trop rudimentaires, pas assez subtils. Mon choix s'était donc porté sur le bâton de combat. Une arme autant offensive que défensive, dont l'efficacité reposait autant sur la force que sur la technique. C'était également l'arme de notre roi. Et je pense que c'est pour ça que je l'ai choisi. 

J'attrapais donc un bâton d'entrainement en bois et commença à m'entrainer. Pendant des heures, je travaillais mes enchainements. La répétition était la clef du mouvement parfait. Je frappais et faisais tournoyer mon bâton dans toutes les directions. Mes gestes étaient précis et puissants. Au bout d'un moment, je me rendis compte que je faisais mon petit effet sur les hommes qui s'entrainaient en même temps que moi. La plupart avaient stoppé ce qu'il faisaient pour me regarder. Bientôt, une petite foule admirative m'encerclait et admirait la pureté de mon style. Lorsque je finis ma démonstration, ils se mirent à applaudir. Ikmar était là aussi. Il n'applaudit pas. Au contraire, il me fixait d'un regard froid. Il s'approcha de moi.

– Que penses-tu d'un duel mon cher toutou ?

Ne rentre pas dans son jeu Bark

Pour une fois, je décidais d'écouter la voix. 

– Je viens de finir Ikmar, une prochaine fois peut-être.

– T'as peur le toutou ? T'as toujours en mémoire les nombreuses fois où je t'ai envoyé bouffer le sable quand nous étions à l'académie ?

– Je ne suis plus le même que lors de nos entrainements, je pense même être plus fort que toi maintenant.

– Viens et montre le alors.

– Très bien, combattons.

Bark, non...

Je prenais une bouchée de mélissine pour que ma voix cesse. Les soldats autour de nous criaient de joie et pariaient sur leur favori. J'empoignais une hache en bois ainsi qu'un bouclier. Ikmar fit de même. Alors que je finissais de me mettre en place, Ikmar me fonça dessus. Je parvins à lever mon bouclier au dernier moment pour parer son coup, mais sa hache pulvérisa mon bouclier en mille morceaux. Il m'avait pris par surprise. Il enchaina avec un coup en plein ventre avec le manche de sa hache. Ma respiration se coupa. Je tombais à genou pendant que mon adversaire levait déjà les bras vers la foule. Je peinais à respirer. 

– Vas donc te réfugier dans les pattes du général, laisse la guerre aux vrais combattants.

Il se tourna ensuite vers la foule en délire.

– Admirez donc Ikmar l'invincible, le nouveau membre des douze démons. Rien ni personne ne peut m'arrêter. Prononça t il d'une grosse voix irritante.

Pour ma part, je regardais par terre. J'avais mal d'une douleur autant physique que morale. Je devrais plus souvent écouter ma voix. 

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