Partie 2, Le dernier sourire :

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 Un bruit sourd résonne dans mes oreilles. Il résonne, encore et encore. Ce bruit est insupportable. Il doit s’arrêter. Que quelqu’un l’arrête. Je n’en peux plus.

 Le réveil sonne. Le réveil sonne. Il sonne tant de fois et si fort que cela me tire de mon sommeil. Je ne veux pas me lever. Je déteste le lycée. Je ne veux pas y aller. Je ne veux pas encore passer une journée là-bas. J’éteins le réveil et me fais tirer péniblement du lit par mes responsabilités. Je descends les escaliers et mon visage se tord pour former un magnifique sourire.

 Je croise mes parents, et les salue le plus chaleureusement que je le peux. Puis, en commençant à manger, je me souviens de la promesse que je m’étais fixée. Aujourd’hui serai le jour où j’arrêterai toutes mes pensées négatives et le faux sourire que j’ai donné jusqu’à maintenant. Aujourd’hui sera le jour le plus heureux de ma vie.

 Tous les autres jours de ma vie, je me sentais vide. Je ne ressentais rien, juste un vide remplit de douleur. La seule chose qui me rend heureuse, c’est d’aider les autres. Je ne supporte pas qu’on s’occupe de moi encore moins que l’on s’inquiète pour moi. Le seul but de ma vie est de ne pas inquiéter mes parents. La seule façon de parvenir à ça est de passer une vie normale. Me faire des amis est devenu ma priorité.

 Je me suis construit un monde. Un monde où je suis heureuse. Un monde où personne ne souffre à cause de moi. Un monde parfait. Mais ce monde n’est qu’illusions. Jamais je n’ai été heureuse. Jamais je n’ai ressenti un seul sentiment positif. Jamais je n’ai ressenti de la colère ou du dégoût. J’ai besoin de ressentir ces choses. J’ai besoin d’être normale.

 Le pire dans cette histoire, c’est qu’il ne m’a jamais rien arrivé de mal. J’ai des parents aimants, je ne manque de rien, jamais personne ne m’a agressé. Je me suis fait de superbes amis et je passe de merveilleux moments avec eux. Du moins, en façade. Bref, j’ai tout pour être heureuse, mais je ne l’ai jamais été.

 Je sors finalement de chez moi et je souris. Je ne peux pas m’empêcher de sourire. C’est devenu une sorte d’automatisme pour moi. Je ne peux pas, et je ne pourrais sûrement jamais arrêter de sourire. Je peux avoir passé la pire journée de ma vie, je ne pourrais jamais arrêter de sourire.

 Je déteste sourire. Il y a bien des moments où j’arrête de sourire. Des moments où je ne peux plus sourire. Des moments où je ressens une once de bonheur. C’est tellement satisfaisant. Je prends ces moments comme une pause dans le monde réel, comme un petit plaisir de la vie sombre que je possède pour aller voyager dans un monde rempli de bonnes choses. Paradoxalement, je ne peux pas sourire dans ces moments-là. Je préfère être seule. Je ne peux pas vivre ces moments avec quelqu’un d’autre. Dans ces moments, je m’isole. Je cherche un endroit de répit où personne ne me trouvera pendant quelque temps.

 La première fois que j’ai ressenti ces moments d’infime bonheur, je me suis enfermé dans un couloir caché entre deux salles de classe. C’est le premier endroit que j’ai pensé. Cette fois-là, tous mes amis se sont inquiétés, mais cette fois, je m’en fichais. Je voulais recommencer. Ces moments remplissaient une part du vide infinie coincé en moi. Dans la nuit suivante, je n’ai pas dormi du tout. Je ne pouvais pas. Mon excitation ne voulait pas me quitter. Je voulais revire ce moment. J’avais besoin de revivre ce moment.

 Le lendemain matin, j’attendis que ce moment, magique pour la triste personne que je suis, reviennent vers moi. Mais ce moment n’est pas venu. Le sur-lendemain, je l’attendais toujours. Mais il n’est pas venu ce jour-là aussi. Je continuais pendant des jours entiers à sourire pour les autres. Quelques mois plus tard, j’avais perdu tout espoir de ressentir encore une fois cette sensation. Mais c’est à ce moment-là qu’elle est arrivée. Sans prévenir, je me suis senti bien. Réellement bien, pas “bien” au sens de physiquement bien. Non, j’étais bien intérieurement. Tout était parfait, comme j’avais toujours rêvé.

 Ce sentiment apparaît toujours aléatoirement dans ma vie. Si seulement je pouvais exploiter ce sentiment. Je serais enfin heureuse.

 Je déteste mon physique. Physiquement, je suis, on peut se le dire, affreuse. Mes cheveux sont constamment emmêlés. Je n’aime pas les laisser détachés, donc, je les attache de différentes façons chaque jour. Mes yeux transmettent l’énorme vide que je ressens. Je suis blanche de peau sur tout mon corps excepté mes joues qui rougissent dès que je parle à quelqu’un. J’ai beaucoup de mal à communiquer, mes joues rougissent d’efforts lorsque je m’adresse à une personne.

 Je déteste les gens qui m’aiment. Il y a bien des gens qui on eu la folie de m’aimer malgré mon physique. Des gens qui ont eu l’audace de demander à une fille aussi vide que moi, de sortir avec eux. Mais je ne pouvais pas accepter pour quatre raisons. La première est que je ne les aimais pas en retour. La deuxième est que je ne suis pas prête pour ce genre de relation. La troisième est que je ne veux pas leur faire honte. Et la dernière raison est que je ne mérite pas de sortir avec quelqu’un.

Personne ne peut me comprendre. Et même s’ils comprennent, ils ne comprennent pas.

 Je déteste ces personnes qui ne tentent même pas de me comprendre. C’est assez compliquer à expliquer, mais, la dépression, ou du moins, le sentiment que je ressens lorsque j’écris ces lignes, nous enferme dans notre tête, dans une pièce sombre, sans meubles et sans issues, et seul. Ce sentiment nous fait croire que l’on est seul et que personne ne viendra jamais nous sortir d’ici. Et malheureusement, il a raison. Personne ne viendra me chercher. Ils sont tous dans leur monde parfait, pourquoi viendraient-ils aider une fille désésperée, alors qu’ils peuvent juste me laisser mourir là. Cette société abandonne toutes les personnes dans le besoin. Si je disparais d’un jour à l’autre, personne ne s’en rendra compte ! Jamais personne ne viendra ! On me laissera seule ! Encore ! Et encore ! Seule…

 Je déteste mon corps. Je le déteste tant et si bien que je lui afflige des choses. Des choses affreuses. Chaque soir, je m’enferme dans ma chambre. Mes parents, si tendres et innocents, pensaient que je faisais ma crise d’adolescence. Oh ! Qu’est-ce que j’aurais rêvé faire ma crise d’adolescence. Non. Si la douleur ne pouvait prendre qu’une forme, ce serai celle-là. Le pire, c’est qu’il n’y a personne à blâmer. On ne peut s’en vouloir qu’à sois même. La seule façon de cacher cette catastrophe, est de mettre des choses devant. On ne peut pas le soigner. On ne peut que mettre des manches longues dessus...

 Je déteste le travail. Je déteste encore plus le lycée. Tout est affreux. Je veux rentrer chez moi. Je veux dormir, et ne jamais me réveiller. Pourtant, je comprends les cours, là n’est pas la question. Je n’en vois juste pas l’intérêt. À quoi bon étudier des choses qui sont déjà acquises ? Pour attendre les autres ? Aucun intérêt. Je les aide déjà pour les monter à mon niveau. Pour respecter le programme ? Si nous pouvons aller plus vite, nous ne le refusons pas. Pour rendre ma vie aussi floue qu’une nuit pleine de brouillard ? C’est la seule explication. Tout le monde est contre moi.

 Je me déteste. Je ne vaux rien. Même le pire des perdants pourrait vivre mieux que moi. Tout simplement, car, le pire des perdants aura vécu un moment heureux qu’il comparera au reste de sa vie de perdant. Je n’ai jamais connu de moment heureux, à part, mes moments de rêveries et d’isolement. Je ne peux rien comparer au reste de ma vie. Néanmoins, je sais que je ne suis pas, et ne serai jamais heureuse. Je ne suis rien. Si je meurs, qui s’en souciera ? Qui se souciera d’une pauvre fille qui n’a jamais goûté à la vie ? Qui se souciera d’une fille qui n’a jamais connu le bonheur ? Personne ? Je le savais. Personne ne se soucie de moi. Je vais partir et je ne reviendrais pas.

 Je rentre finalement chez moi. Je n’attends personne. Je rentre le plus vite possible. En passant dans la forêt, je me suis sentie extrêmement seule et vulnérable. Serai-ce la fin qui m’appelle ?

 J’ouvre la porte de la maison vide. Tout est silencieux. C’est parfait. Personne ne pourra me stopper. Personne. Je monte les marches qui me séparent à ma chambre. On n’entend que mes pas. J’arrive enfin au seuil de ma chambre. Je m’arrête. Je respire profondément et me décide à rentrer. J’avance vers mon bureau. Ouvre un tiroir et prends d’une main tremblante ce qu’il referme. Malgré l’ambiance pesante, je souris. Je vais enfin goûter au bonheur. J’observe l’objet qui se tient dans ma main, quand soudain, je ressens quelque chose.

 Ce sentiment… Est-ce le bonheur ? C’est horrible ! JE DÉTESTE LE BONHEUR ! Ça n’a rien à voir avec ce que j’ai ressenti lors de mes moments d’isolements. Je ne peux pas supporter. Je dois arrêter tout ça ! Cela rendra mon bonheur plus optimal, mais je n’en ai rien à faire. Je tourne le couteau dans ma main et finis ma tâche. Avec le sourire

Meurtre dans notre ville paisible

 Drame dans la famille Lavoie, leur fille unique, Rebecca Lavoi, a été trouvée morte dans sa chambre tard le soir. Ses parents, boulversés, accusent un meurtre plutôt qu’un suicide. Ils témoignent en pleurs : “Jamais notre fille adorée ne se serait suicidée. Elle était souriante. Elle avait tout pour être heureuse, je m’en suis occupé. IL Y A FORCÉMENT QUELQU’UN !!! TROUVEZ-LE !! VENGEZ MA FILLE !!” Suite à cela, une enquête policière s’est ouverte. Aucune piste n’a été trouvée pour le moment, mais la police se jure de trouver un jour le ou la coupable.

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