Chapitre 2

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À peine descendu de la voiture, Ben entraîna sa mère vers sa librairie préférée. Le plus loin possible de moi. Luna, la plus grande des filles de Stephania, lui demanda si elle pouvait accompagner Ben et Océane. Je me retrouvais donc avec Élise, Stephania et Lyra. Je proposais à ma fille de nous conduire à sa boutique préférée. Délicatement, elle attrapa la main de la petite et marcha devant nous.


— Qu’est-ce qu’il se passe exactement avec votre fils ? M’interrogea alors Stephania.

— Élise pense qu’il se sent coupable de mon malheur, à cause de son père alors que tout ce que je vois, c’est qu’il me déteste. C’est vrai que ce n’est pas facile d’élever un garçon en n’ayant eu aucun modèle masculin, mais je fais ce que je peux. J’essaye de me rapprocher de lui, mais il s’éloigne à chaque fois.

— Avec vous, essayez de discuter rien que tous les deux ?

— Plus d’une fois oui. Mais il ne veut pas se trouver dans la même pièce que moi. Le problème, et c’est Élise qui me l’a dit, c’est qu’ils ont appris seuls ce que Marc m’avait fait. Parce que je n’ai pas réussi à leur dire.

— Ça se comprend, Elena. Ils sont encore jeunes. Vous voyez, je n’ai même pas encore parlé de ma mère à mes filles. Vous n’êtes pas en tort, Elena et vos enfants sont bien élevés.

— Pourtant, quand je vois Ben…

— Je suis sûr qu’il va finir par revenir vers vous si vous êtes patiente.

— Je l’espère.

— Maman ! m’interpella ma fille. On est arrivé.


Toute souriante, Élise entra dans son magasin préféré. Stephania m’adressa un dernier regard avant de suivre ma fille et la sienne. À l’intérieur, l’ambiance était chaleureuse. La raison pour laquelle Élise aimait ce magasin c’était grâce à la sympathie de la gérante. Elle lui trouvait toujours les meilleures robes possible, unique et lui offrait soit un bonbon, soit un chocolat.


— Bonjour Madame Guns ! s’écria Élise joyeusement

— Bonjour Princesse répondit la concerné en sortant de son atelier. Que puis-je bien faire pour vous aujourd’hui ?

— Deux nouvelles robes s’il vous plaît. Dont une particulière pour demain.

— Qu’est-ce qu’il y a donc de si particulier demain ?

— Vous ne savez pas ? s’étonna-t-elle.

— Je vous taquine, Princesse. Bien sûr que je connais la date d’anniversaire.

— Bonjour Madame Guns, enchaînais-je.

— Bonjour, Votre Majesté. Avez-vous un contraire particulier pour les robes de Mademoiselle Élise ?

— Seulement pour la robe de demain. Il faut que ce soit une robe de bal, adapté à l’âge de cette demoiselle. N’est-ce pas Élise ?

— Mais non ! Tes robes de bal sont beaucoup mieux maman !

— Tu n’as que dix ans, chérie. Je ne vais pas te laisser te présenter à un bal avec une robe trop extravagante.

— Bon d’accord.

— Je vais voir ce que j’ai en réserve.


Tandis que Madame Guns s’éloignait dans l’arrière-boutique, je me tournais vers Stephania et Lyra. La petite restait cachée derrière sa mère qui, elle, faisait le tour des vêtements exposés.


— Si Lyra souhaite une robe, qu’elle n’hésite pas à demander, tentais-je.

— C’est aimable à vous, mais Lyra n’est pas une fan de la mode. Chérie, tu veux une nouvelle robe ?

— Non merci maman, répondit-elle.

— Ce n’est pas grave.


Tout en observant ma fille déambuler devant les présentoirs, j’attendis le retour de la vendeuse. Elle revint avec plusieurs robes qu’elle fit essayer à Élise pendant près d’une heure.


— Chérie, il est temps de choisir maintenant. On a d’autres choses à faire.

— Désolé maman, je me dépêche.


Grâce à mon intervention, Élise choisit deux robes parmi toutes celles que la vendeuse lui avait proposées. Une pour le bal de demain et une pour tous les jours. Une fois les robes payées, on se rendit au lac pour attendre le reste de la famille. À notre arrivée, Ben, Océane et Luna étaient déjà installés. Ben était déjà dans l’eau, mais Luna était sur le sable. Je m’installais à côté de ma femme pendant qu’Élise, Stephania et Lyra faisaient de même.


— Tout s’est bien passé ? questionnais-je Océane.

— Plutôt bien. Ben savait exactement ce qu’il voulait comme livres. Et Élise ?

— Elle a eu des difficultés à choisir ses robes, comme d’habitude, quoi.

— Je suis encore là, maman ! rigola le concerné.

— Et ça ne m’étonne même pas, chéri, critiqua Océane.

— Puisque c’est comme ça, je vais aller nager.

— Fait attention quand même, ma puce, ajoutais-je.

— Promis, maman.


Ma fille retira sa robe pour rester en maillot de bain deux pièces. Comme je le lui avais appris, elle prit le temps de mouiller sa nuque avant de plonger dans l’eau.


— Ils savent déjà nager ? nous questionna Stephania.

— Oui. On le leur a appris tôt, répondis-je.

— J’avais oublié que vous étiez une très bonne nageuse. Les filles, suivez Élise s’il vous plaît. Il faut qu’on discute entre adultes.

— Bon d’accord.

— Faites attention l’une et l’autre.

— Oui maman, répondit la plus jeune.


Main dans la main, les deux sœurs s’approchèrent de l’eau sans pour autant y entrer. Elles ne devaient pas savoir nager.


— Qu’est-ce qu’il y a de si important ? interrogea ensuite Océane.

— C’est à propos de votre mère, Elena. De mauvaises nouvelles la concernant me sont parvenues.

— Comment ça ? Elle est morte depuis presque onze ans.

— Je sais. Mais j’ai entendu parler d’une terre, au-delà de la mer d’Eryenne, qui aurait entretenu des relations avec elle, de son vivant. Et le dirigeant actuel suivrait sa voie.

— Le royaume de Thiéra, celui de mon ex-mari, oui. Je sais déjà ce qu’il s’est passé là-bas et ça ne m’étonne pas que Marc suive son chemin. Ma mère a autant manipulé ce royaume que moi.

— Vous parlez de papa et grand-mère, c’est ça ? intervint Ben.


Je ne l’avais pas vu arriver, mais il avait entendu notre conversation. J’avais expliqué à Ben et Élise ce qu’il s’était passé avec eux, mais sans entrer dans les détails, ils étaient encore trop jeunes.


— Oui chéri, on parle bien d’eux. Tu as des questions ?

— Pourquoi vous parliez d’eux ?

— Et bien… Stephania a déjà eu affaire à ta grand-mère. En fait, sa mère voulait m’aider et…

— Pourquoi la mère d’une autre voudrait t’aider ?


La façon dont mon fils sortit cette phrase me fit plus de mal que je ne l’aurais imaginée. Regrettait-il d’être mon fils, d’être né ? J’avais pourtant tout fait qu’il ne se sente ni rejeté ni détesté par qui que se soit. Mais peut-être que je l’avais trop couvé. Mon bébé devenait grand et j’étais incapable de discuter avec lui ni de le comprendre.


— Si la mère de Stephania a voulu aider ta mère, c’est parce qu’elles ont toutes les deux vécu la même chose, intervint Océane.

— Ma mère était orpheline et une enfant battue, reprit Stephania. Quand elle a rencontré Elena, elle a compris ce qu’elle vivait. Elle voulait aider ta mère qui était, elle aussi, une enfant battue.

— Tu ne nous as jamais parlé de ça, maman.

— Je sais chéri, mais… toute mon enfance et mon adolescence, c’était une période compliquée pour moi. Tout ce que j’ai vécu avec ma mère, je ne veux pas que toi et ta sœur viviez la même chose. Tu comprends, Ben ?

— Je comprends pourquoi tu es… comme ça, oui.


Tel le Ben que j’avais toujours connu, il s’éloigna avant de me laisser ajouter quoi que ce soit. Il savait que ce type de phrase me blessait, mais il les disait quand même.


— Ça voulait dire quoi, ça ? questionnais-je Océane.

— Ça voulait dire que tu es toi. Surprotectrice, attentionnée, aimante, mais légèrement trop têtu, comme ton fils. Mais c’est pour ça que je t’aime, Elena. Et contrairement à ce que te fait croire Ben, tu es une mère formidable.

— Franchement, parfois j’en doute.

— Ne doutez jamais de ça, Elena, ajouta Stephania. Ben est un garçon et vous une femme. C’est normal que vous ayez des difficultés à communiquer. Surtout à cet âge. Malheureusement, ça risque même de se compliquer par la suite. Vous pourriez demander de l’aide à frère d’Océane ou même à votre père ?

— Je vais essayer de le contacter. J’espère vraiment que notre relation va s’améliorer. Mais il n’a que dix ans et ce n’est déjà pas simple. Qu’est-ce que ce sera dans cinq ans ?

— Votre relation aura évolué. En mieux peut-être. Seul l’avenir vous le dira.

— Je vais essayer de faire en sorte qu’elle évolue positivement. Si vous voulez bien m’excuser, je vais aller nager un peu.


Nager m’avait toujours fait le plus grand bien, et ce depuis toujours. C’était pour ça que même après une conversation difficile, Océane ne me retenait jamais quand je lui disais que j’avais besoin de nager. Elle c’était le karaté et moi la natation. Avant de commencer à nager, je vis Ben et Élise discuter. Quand j’eus terminé, mon fils s’approcha, avant que je ne sorte de l’eau.


— Qu’est-ce qu’il y a chéri ?

— Élise dit que je suis trop méchant avec toi et…

— Qu’est-ce que tu en penses ?

— Je crois… est-ce que tu m’aimes vraiment, maman ? Tu ne fais pas semblant ?

— Mon chéri, bien sûr que je t’aime. Jamais je ne ferais semblant.

— Tu es sérieuse ?

— Ma mère me haïssait, chéri. Je sais ce que ça fait de ne pas être aimée. Mais oui, je suis sérieuse. Je t’aime autant que j’aime ta sœur, Ben. Si tu as besoin, on peut passer du temps rien que tous les deux.

— Je ne sais pas… mais je te le dirais.

— Faisons comme ça alors. J’attendrais que tu fasses un pas vers moi, pour être sûr que c’est ce que tu veux.

— Merci maman. Je… je t’aime, tu sais… même si…

— Je sais, chéri. Tu n’as pas besoin de te justifier.


Il m’embrassa rapidement sur la joue avant de retourner auprès de sa sœur et des filles de Stephania. Finalement, il fallait juste que je laisse un peu de temps à Ben pour savoir qui il était et pour comprendre pourquoi j’étais qui j’étais. Heureusement, j’étais aidé par Élise, Océane et Emma. La famille dont j’avais tant rêvé enfant, je l’avais enfin. Sauf que j’étais à la place de la mère et non de l’enfant. Ce n’était pas facile, surtout avec Ben, mais j’avais tout ce dont j’avais toujours désiré. La liberté et une famille.

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