Chapitre 19

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Asseyant de reprendre mes esprits et soutenue par ma femme, j’entrais dans le cimetière, où certaines familles étaient présentes. Océane m’indiqua où se trouvait la tombe d’Estelle et sa mère. On s’y rendit sous les regards des familles. Les civiles tombées durant l’attaque avaient été enterrées séparément des soldats.


— Elles sont ici, ajouta ma femme. Je reste derrière si tu as besoin.


Le cœur lourd, je m’agenouillais devant leurs tombes. De voir leurs noms gravés sur une pierre de marbre fut le coup de grâce. Je prenais enfin conscience de ce qu’il s’était passé, qu’elles avaient vraiment été tuées pour avoir voulu me sauver des mains de Marc.


— Je n’ai plus envie de lutter, Océ. Ce serait tellement plus simple si je pouvais tout abandonner. Nous vivrions dans une maison à la campagne, loin de toute habitation. Nous aurions un jardin d’une taille convenable. On n’aurait aucune pression politique et où notre seule préoccupation serait l’éducation de nos enfants, notre vie de famille.

— Tu aurais envie d’abdiquer ?

— Si je pouvais, oui. Je n’ai jamais voulu de ce pouvoir. Je ne voulais pas prendre la couronne, être sous le feu des projecteurs, être sous pression en permanence. Si ma mère n’avait pas subitement disparu, si elle ne m’avait pas abandonnée…

— Ne me dis pas qu’elle te manque ? Sérieusement, Elena !

— Tu ne sais pas tout, Océ.

— Je vois. Ça ne sert à rien de discuter maintenant de toute façon. Tu n’es pas en état de réfléchir correctement.


Comprenant que j’avais encore blessé en Océane avec mes paroles, je baissais la tête avant de me relever. Son bras autour de ma taille, on sortit du cimetière, mais on fut interpellé par une femme.


— Vos Majestés ? Excusez-moi de vous déranger, mais…

— Qui avez-vous perdu, Madame ? la questionna Océane à ma place.

— Mon mari et père de mes enfants.

— Toutes mes condoléances, Madame.

— Au début de l’attaque, il m’a appelé. On a eu le temps de discuter au téléphone. Il m’a dit que s’il n’en revenait pas vivant, il voulait quand même que j’envoie notre fils étudier avec la garde impériale. Il avait confiance en vous, et je sais qu’il s’est battu pour vous jusqu’à la fin. Même s’il est mort en vous protégeant, je ne peux que vous remercier, Votre Majesté. Merci d’avoir permis à mes enfants d’aller à l’école. Merci de nous permettre d’aller à l’hôpital sans avoir peur de payer des sommes astronomiques. Merci pour tout ce que vous avez fait pour nous, Votre Majesté. Un jour, mon fils fera partie de la garde impériale, comme son père. Je vous en fais la promesse.


Je ne voulais pas que son fils intègre la garde impériale et qu’il se retrouve à devoir sacrifier sa vie pour moi. Mais j’étais trop épuisée pour lutter contre elle. C’était les dernières paroles de son mari et elle l’écouterait, quoi qu’il arrive. La tête toujours baissée, je me rapprochais d’Océane et elle comprit mes attentions.


— Excusez ma femme, ajouta-t-elle, nous étions sur la tombe d’une jeune femme que nous avons quand elle avait cinq ans et de sa mère. Ce sont les premières à être venue au secours d’Elena, au village. Mais ce que vous nous dites compte beaucoup, même si ma femme ne vous le montre pas. Si vous souhaitez, quand votre fils serait près et que la situation sera plus favorable, prenez rendez-vous avec moi et on discutera de sa carrière.

— Merci, Votre Majesté. J’ai entendu que vous aviez, vous aussi, subi des pertes durant cette attaque et j’en suis navrée. Je ne suis pas psychologue, mais j’ai repris mes études de psychologie il y a quelques années. Si vous avez besoin…

— Laisse-moi votre contact dans ce cas.


Océane sorti son téléphone de sa poche et le tandis à la femme pour qu’elle y inscrive sur numéro. Elle la remercia et on rentra à la maison où je partis immédiatement me coucher. J’avais eu beaucoup trop d’émotion pour la journée et la mort d’Estelle n’avait fait que rajouter plus d’horreur dans tout ce qu’il s’était passé. Une fois dans mon lit, je laisser mes larmes éclater en silence. J’avais tout fait pour Estelle, jusqu’à payer ses études et aider sa mère financièrement, sans jamais que la petite sache. Mais elle avait été tuée à cause de ça, à cause de notre lien. Parce qu’elle avait voulu me sauver à son tour, comme j’avais fait avec elle quand elle avait cinq ans.


— Maman ? m’appela timidement la voix de mon fils. Est-ce que je peux entrer ?

— Oui, lui répondis-je séchant mes larmes.


Avec la plus grande douceur, il s’allongea derrière moi et glissa son bras autour de moi, tout en faisant attention à mon épaule. Je sentis son souffle dans mon cou, mais je ne bougeais pas. Je ne voulais pas qu’il voie mes yeux rougis par les larmes et par l’épuisement.


— Je t’aime maman. Même si je ne suis pas tous les jours facile avec toi, je t’aime. Je suis content que tu sois toujours en vie.


Entendre ses mots, venant de mon fils, m’arracha une nouvelle crise de larmes. Il n’avait jamais prononcé ses mots envers moi et le faisait aujourd’hui, quand j’en avais le plus besoin.


— Maman ? Pourquoi tu pleures ? J’ai dit quelque chose qu’il ne fallait pas ?

— Non, excuse-moi chéri, je… merci. Moi aussi je t’aime mon grand.

— Ah bah enfin.


Près de la porte, j’entendis ma femme soupirer. Ce que j’avais tant attendu arrivait enfin. Océane avait raison, j’avais une famille qui m’attendait, je ne pouvais pas abandonner. Mon fils avait réussi à surmonter sa plus grande faiblesse, il avait réussi à me dire qu’il m’aimait et je devais désormais en faire de même. Ce serait compliqué, je le savais, mais j’allais devoir faire des efforts. Ou au moins essayer.


— Chéri, viens de l’autre côté s’il te plait. J’aimerais dormir et ce sera plus confortable pour nous deux.

— D’accord.


Toujours avec plein de délicatesse, il sortit du lit et je pus m’allonger sur le dos. Je tendis mon bras gauche pour qu’il puisse s’installer. Sa tête posée contre mon bras, il se tourna vers moi, et glissa à nouveau son bras autour de ma taille. Cela faisait tellement longtemps que je n’avais pas serré mon fils contre moi. Du jour au lendemain, il avait grandi et je l’avais perdu. Il revenait vers moi, petit à petit, permettant de recoller peu à peu les morceaux de mon cœur brisé. Mon fils auprès de moi, je réussis à m’endormir. Cette fois-ci, mon sommeil ne fut pas interféré par mes souvenirs. Pour une fois, je pus enfin dormir correctement, mais surtout me reposer.

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