Chapitre 30

9 minutes de lecture

Plus on approchait de la clinique spécialisée, moins je tenais en place. En sortant de la voiture, Océane nous fit entrer dans le bâtiment par une entrée à l’abri des regards indiscrets. Ma main dans la sienne, mon cœur battait à tout rompre. Mes mains étaient de plus en plus moites, mais cela ne semblait pas déranger ma femme.

— Vos Majestés, nous accueillit le Dr Blake. Si vous voulez bien me suivre.

Toutes les deux souriante, on la suivit dans une petite salle d’examen.

— Je vous laisse vous installer.

On resta dans cette pièce pendant plus d’une heure. Pourtant, c’était très vite pour moi. Tout s’était enchaîné alors que je n’étais que spectatrice. La main de ma femme dans la mienne, je me retrouvais enfin.

— J’ai terminé. Je me dois de vous rappeler qu’il se peut que ça ne fonctionne pas du premier coup.
— Merci Docteur.
— Je vous laisse un instant.

Après le départ du Dr Blake, Océane se redressa et je m’assis à côté d’elle.

— Et si on partait en vacances ? demandais-je subitement. Là où personne ne nous connait.
— Et on irait où ? Tout le monde connait nos visages en Eryenne, mais aussi à Kelnya.
— En Eldusia ? C’est le seul royaume avec qui on a peu de contact. Je ne suis même pas sûr que les dirigeants se souviennent de nous.
— Le Royaume d’Eldusia est grand, Elena.
— Restia, la Capitale ? enchaînais-je. J’ai toujours voulu la visiter. Personne ne nous connait là-bas. Une fois la frontière passée, nos gardes pourront s’habiller en civil et se faire discrets pour qu’on puisse passer de vraies vacances.
— D’accord. Va pour Restia. Je préviendrais le Général. Il s’occupera du château pendant notre absence et je lui demanderais à ce que notre départ se fasse en toute discrétion.
— Merci mon amour.

Dès qu’on a eu l’autorisation, on rentra au château. Tandis que j’allais ranger ma valise dans la chambre, ou plutôt, que je l’actualisais, Océane était déjà en rendez-vous avec le Général pour programmer nos vacances.

— On peut partir dès demain, mon amour, m’avertit Océane à son retour. Pour deux semaines.
— Si vite ?
— Oui. Le Général et Mélanie s’occuperont de tout pendant notre absence. Tu veux prévenir Ben ?
— On fait comme ça.

J’embrassais ma femme avant de rejoindre mon fils dans sa chambre. Quand j’entrais, son regard était suspicieux.

— David, tu peux nous laisser un instant ?
— Bien sûr, Votre Majesté.
— Qu’est-ce qu’il se passe ?
— J’aimerais discuter avec toi. Si tu veux bien.

Je m’assis sur son lit et il me rejoignit. Il avait ses cheveux indomptables habituels, un stylo posé au-dessus de son oreille.

— Je tenais à m’excuser, mon grand. Pour ce qu’il s’est passé ces derniers, mois. Je sais que ça n’a pas été facile pour toi.
— J’ai fait comme j’ai pu. Quand j’ai vu que tu n’arrivais pas, j’ai demandé à la maîtresse de t’appeler. Mais tu ne répondais pas alors elle a appelé maman.
— Alors c’est grâce à toi que je suis toujours en vie ? Merci mon grand.
— J’ai eu tellement peur maman.

Il se logea dans mes bras, laissant ses yeux briller. Il exprimait enfin ses émotions. J’entourais ses épaules et me mis à jouer avec ses cheveux.

— Tu sais, j’étais rassuré que vous ne soyez pas au château ce jour-là. Je n’aurais pas supporté qu’ils vous fassent du mal. C’était déjà assez compliqué de le voir tuer Kaitlyn. Mais si ça avait été toi, ta sœur ou ta mère…
— On n’a rien, c’est le principal.
— Tu as raison. Faudra quand même qu’on se fasse cette sortie, d’accord ?
— Demain ? s’enthousiasma-t-il.
— Ça ne va pas être possible.
— Mais pourquoi ?
— Parce qu’on part en vacances. Deux semaines à Resta en famille, ça te tente ? Hôtel, restaurant…
— Carrément ! On part quand ?
— On doit encore déterminer l’heure et le traité avec ta mère, mais ce sera demain. Tu peux commencer ta valise.
— Yeah ! Merci maman, je t’aime.
— Je t’aime aussi Ben.

Souriant, il m’embrassa avant d’attraper sa valise, rangée au fond de son armoire.

———

C’était enfin le grand départ. Nos valises avaient été faites dans le plus grand secret. Afin de pouvoir partir discrètement, on monta dans la voiture d’Océane au beau milieu de la nuit, les enfants à moitié endormis. Après plusieurs heures d’avion, on arriva à Restia vers dix heures.

— Ben, Elise, regardez par le hublot, on arrive, les interpella Océane.
— Que c’est beau !

La capitale n’avait rien à voir avec Glenharm. Il y avait plus de grands bâtiments, neuf, à la fois blanc et coloré. Il y avait plus d’immeubles que de maison individuelle. Quand l’avion se posa, je glissais mes lunettes de soleil sur mon nez. Nous étions officiellement une famille ordinaire. On remonta dans la voiture et Océane conduisit jusqu’à l’hôtel qu’elle avait réservé.

— Bienvenue à l’hôtel du Lion d’or. Vous aviez une réservation ? nous accueillit-on.
— Au nom de Luisard. Deux adultes et deux enfants.
— Vous avez demandé nos deux plus grandes suites communicantes, c’est exact ?
— Tout à fait.
— Tu n’as pas fait ça, sérieusement Océ !
— On est en vacances ou on n’est pas en vacances, chérie ? Je compte bien en profiter.
— Puis-je vous demander d’où vous venez ?
— De partout et de nulle part, enchaîna ma femme.
— Réponse confidentielle ? Nous avons l’habitude dans cet hôtel. Quel âge ont vos enfants ?
— Dix ans.
— Toutes les après-midis, le club neuf-douze ans propose des activités gratuites. Voici la brochure. Le petit déjeuner est ouvert de sept-heure trente à dix heures, plateau en chambre disponible si vous commandez la veille. Le restaurant de l’hôtel est ouvert de midi à quatorze heures et de dix-neuf heures à vingt-trois heures.
— Merci beaucoup.
— Avez-vous besoin d’une place au garage ?
— Oui. Mais nous allons bouger aujourd’hui, pas la peine de la garer.
— Très bien. Je vais vous accompagner jusqu’à vos chambres.

Des hommes récupérèrent nos valises et ont suivis la réceptionniste jusqu’à découvrir une suite incroyable. J’étais habituée au luxe depuis toujours, mais j’étais encore surprise. La décoration était à la fois fine, chaleureuse et beaucoup plus travaillée qu’au château.

— N’hésitez pas à appeler la réception si vous avez besoin de quoi que ce soit.
— Merci Madame.
— Je vous souhaite une bonne installation.

Les enfants étudièrent toutes les pièces avant de s’allonger sur les lits, très confortables. Ce séjour allait être très reposant pour tout le monde. Ici, personne ne nous connaissait et nous venions d’en faire l’expérience avec la réceptionniste. Elle avait l’habitude de recevoir des personnalités importantes tout en gardant le secret. Elle savait quand arrêter de poser des questions.

— Chérie, tu étais vraiment obligée de réserver dans l’hôtel le plus luxueux de Restia ?
— Bah oui. Arrête de te poser et des questions et profite, mon amour. Nous sommes impératrices et notre chambre n’est même pas aussi impressionnante que celle-ci.
— J’ai compris, merci, mon amour.
— Installons-nous, on mange en ville à midi.

Munis de leurs valises, les enfants s’installèrent dans leurs suites tandis qu’on faisait de même. A onze heures et demie, on se retrouva tous pour partir en ville. Océane avait revêtu un beau chemisier ainsi qu’un jean et j’avais choisis une robe plutôt sobre. Elle conduisit pendant une dizaine de minutes avant qu’on arrive au restaurant. La Capitale était bien plus grande que Glenharm. Le règne de ma mère y étant pour quelque chose.

Le restaurant choisi par ma femme était l’un des plus renommés de la ville. Hormis Ben et Elise, il n’y avait d’ailleurs aucun enfant dans la salle. On resta à table jusqu’à quinze heures et je sentais que les enfants commençaient à s’impatienter. Pendant qu’on fit un tour aux toilettes, Océane partie payer. Après avoir bien mangé, on se promena en ville. On finit par arriver sur la place principale où il y avait de l’animation. Attiré par la musique, on s’approcha. Comme il y avait beaucoup de monde, j’attrapais la main d’Elise et Océane en fit de même avec celle de Ben. On réussit à se frayer un chemin, aux plus grands malheurs des soldats qui nous suivaient de loin. Une fois devant, on aperçut une jeune femme danser avec d’autres jeunes. Son diadème était clair, c’était la Princesse d’Eldusia. Elle avait de longs cheveux blonds, une robe de fleurs, des ballerines et ses cheveux volaient au vent.

— Tu attires les têtes couronnées, chuchota Océane en rigolant.
— Elle ne nous connait pas, laissons la tranquille.
— Tous ceux qui veulent danser avec nous sont les bienvenues, ne soyez pas timides, expliqua la princesse en regardant tout le public.

Cette jeune femme d’une vingtaine d’années était sans réserve. Son statut de princesse l’indifférait. En cet instant, elle s’amusait avec tout le monde, peu importe qui elle était. Comme ma famille en ses vacances. Elise me regarda avec un grand sourire, mais n’osait rien me demander.

— Oui, tu peux y aller, répondis-je à sa question silencieuse.
— Elle est trop belle, soupira mon fils.

Quand il se rendit compte qu’il avait dit ça à voix haute, il rougit et baissa la tête. Je rigolais doucement, mais ne l’embêtais pas plus. La princesse accueillit immédiatement ma fille auprès d’elle, sans même la questionner. Pendant plus d’une vingtaine de minutes, je la regardais s’amuser et sourire. Alors que ma fille, comme la princesse, commençait à fatiguer, la foule se dissipa, laissant passer deux autres têtes couronnées. Le Roi et la Reine venaient d’entrer en piste.

—Battle! Battle!

La foule scandait et ma fille fit une révérence. La princesse lui attrapa la main pour qu’elle se relève puis lui chuchota quelque chose à l’oreille. Elise hésita, nous regarda puis acquiesça. Une nouvelle musique se lança et les deux dirigeants se mirent à danser, contre leur fille et la mienne. Tous avaient un grand sourire sur le visage.

— Katerina, que fais-tu encore dans la rue à cette heure-ci ? Tu as un mariage à préparer, je te rappelle, commença la Reine, une fois la musique finie.
— C’est bon, j’ai le temps, rigola-t-elle, sereine.
— Tu m’exaspères, enchaîna le Roi. Tu ne pourras t’en prendre qu’à toi-même si tu prends du retard.
— Ne rentre pas trop tard, ma chérie, ajouta sa mère.
— Je ne suis plus un bébé, maman.

Comprenant qu’il s’agissait désormais d’une discussion privée, j’avançais discrètement afin de récupérer Elise. Pourtant, au moment où je glissais ma main dans celle de ma fille, la Princesse en fit de même et me regarda.

— Excusez-moi Votre Altesse. Ma fille…
— Votre fille est adorable, Madame. Maman…
— J’ai compris, on rentre. N’oublie pas à quoi te sert ton téléphone, Katerina.
— Merci maman.

Ses parents s’éloignèrent et la Princesse s’agenouilla pour être à la hauteur de ma fille. Elle replaça une mèche derrière son oreille, comme j’avais l’habitude de faire. Je vis ma fille rougir et retiens un sourire.

— Comment tu t’appelles ?
— Elise, Votre Altesse.
— Enchanter Elise. Je suis ravie d’avoir pu danser avec toi. Vous n’êtes pas d’ici, n’est-ce pas ? me questionna-t-elle en se relevant.
— En effet. Nous sommes en vacances dans votre royaume.
— C’est un plaisir de vous accueillir.
— Votre Altesse.

Océane s’était approché et la salua. Ben quant à lui, il se cacha derrière sa mère, nous faisant toute rire.

— Je viens danser ici tous les après-midis, si tu veux revenir, expliqua-t-elle à Elise.
— Merci, Votre Altesse.
— Tu peux m’appeler Katerina. J’aime bien connaitre les étrangers. Est-ce que ça vous dérange si je vous invite à boire un verre ?
— Et bien… c’est que nous venons à peine d’arriver, tentais-je.

Si la Princesse nous avait déjà repérées, je pouvais déjà dire adieu à nos vacances secrètes. Si elle nous invitait au palais royal, nous serions obligées de venir en tant que dirigeantes d’Eryenne.

— Nous n’avons même pas encore ouvert nos valises, Votre Altesse, repris-je avant que ça ne tourne au vinaigre. Mais d’ici quelques jours, voire la semaine prochaine, je serais ravie d’accepter.
— Et bien faisons comme ça. Dans quel hôtel logez-vous ?
— L’Hôtel du Lion d’Or, Votre Altesse, répondit Océane. Nous sommes la famille Luisard.
— Je vous recontacterais, à votre hôtel, la semaine prochaine dans ce cas. Ce fut un plaisir Mesdame. Elise.

D’un signe de tête, elle nous salua et on en fit de même, d’une révérence. En cet instant, elle était la Princesse, nous n’étions qu’une famille ordinaire, en vacances. Et ça faisait un bien fou.

Annotations

Vous aimez lire Le studio d'Anaïs ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0