Psema-Diri

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 Je vois les yeux de Rihn et de Naidis, regardant par le hublot, briller alors que la sphère colorée de Thralione se découpe dans le vide spatial. N'ayant jamais quitté Nakapolis, ils n'avaient vu de planète qu'à la holotélévision et sur des représentations dans la station. Mais lorsque mon regard aperçoit lui-aussi la surface illuminée de Thralione, je sens mon pouls s'accélèrer.

 C'est une petite planète couverte de montagnes gelées et de forêts sauvages, percée çà et là de villes immenses et brillantes. Le soleil qui la nimbe de sa lumière blanche apparaît derrière sa silhouette, et ses deux lunes, semblables à deux gros astéroïdes grisâtres, se poursuivent dans sa partie ombragée. Mon émerveillement s'estompe lorsque j'aperçois le fin anneau de déchets qui gravite autour de la planète. De nombreux satellites à paraboles le surveillent, et des voyants lumineux s'allument alors que le Pietra s'approche d'eux. Ils envoient une communication qu'EVE récèpte pour moi. Une voix grésillante résonne alors dans la radio, sur le tableau de bord :

 — Sécurité sidérale de Thralione à Furtif B-C-02, votre appareil n'est pas immatriculé dans notre secteur, lance une voix que je peine à déchiffrer. Veuillez vous identifer.

 — Furtif B-C-02 à sécurité, je réponds en prononçant ces mots qui sortent maintenant automatiquement de ma gorge. Vaisseau immatriculé « Pietra 212 », je suis chasseur de prime et je dispose d'une autorisation du Gouvernement d'Atryphon.

 De quelques tapotements sur un clavier à ma gauche, je leur transmets le pass fourni par Tranelli quelques heures plus tôt. Quelques secondes s'écoulent avant que la voix ne retentisse à nouveau.

 — Autorisation acceptée, grésille-t-elle. Une place dans le quai H de l'aérodrome n°1 de Psema-Diri vous a été réservée. Bienvenue sur Thralione.

 Je prends manuellement le contrôle du vaisseau et traverse la barrière formée par les satellites. Mes doigts épais manient les leviers de vitesse et, lentement, je fais incliner le Pietra. La planète se rapproche à vue d'oeil. Je me dirige vers une tache lumineuse, dans la face éclairée de Thralione. Cette ville est immense, bien plus grande que toutes celles que j'ai pu visiter par le passé. J'anticipe l'entrée dans l'atmosphère, et, alors que mon vaisseau s'ébranle et que de la fumée monte de sa carapace, je ralentis, le coeur battant.

 Immense et vivante, Psema-Diri s’étend en-dessous de nous. Les buildings semblent vouloir griffer les nuages, et je distingue les véhicules qui serpentent entre les bâtiments, minuscules points dans cette cité de géants. Les façades des immeubles scintillent dans la lueur matinale. Je sens mon siège ployer lorsque Naidis s’y agrippe. Rejoint par sa sœur, ils paraissent fascinés par le spectacle. Je me rends alors compte qu’ils n’ont jamais vu un lever de soleil, rien que la nuit éternelle qui entoure la station Nakapolis. La simple vue de leur bonheur m'arrache un sourire.

 Une nouvelle communication, de la part de l'aérodrome cette fois-ci, m'indique l'emplacement du quai H. J'amarre mon vaisseau au sas qui s'accroche au Pietra dans un pshttt sonore. Devant la porte, je jette un bref coup d'oeil à Rihn et Naidis. Les armures légères qu'ils portent semblent un peu trop grandes, bien qu'adaptées à la morphologie humaine.

 — C'est moi qui parle, qui prend les décisions, je leur lance, le visage fermé. Ne vous éloignez pas de moi, ou je vous renvoie au vaisseau.

 — On ne fera rien ! promet mon fils adoptif en levant la main.

 — Je suis toujours en colère, grondé-je alors que la porte s'ouvre.

 Nous traversons les couloirs du quai d'un pas vif, je sens mes protégés me suivre en haletant. Je ne suis pas disposé à ralentir pour les attendre. Nous prenons ensuite un transport qui nous mène directement aux bureaux de la Confédération Interstellaire. Dans le taxi, j'entends Rihn et Naidis discuter à voix basse, assis sur la banquette arrière. Le paysage urbain défile sous mes yeux, alors que les premiers rayons d'un soleil très pâle inondent la cime des bâtiments. Perdu dans mes pensées, la voix de Rihn me fait presque sursauter.

 — La C.I. pourrait avoir une piste en ce qui concerne l'attentat de Thralione's Armament Cooperation ?

 Je grimaçe en comprenant que ces petits malins ont lu l'entierté du dossier.

 — J'ai rendez-vous avec la première conseillère de la Confédération, je siffle. Elle est au courant de toutes les affaires de Psema-Diri.

 — Excellent ! s'exclame Naidis d'un ton espiègle. Ne le prends pas mal, Ixuliat, mais je te vois assez mal parler affaires avec une conseillère gradée !

 — Tais toi, imbécile ! grogne sa soeur avec amusement. Ixuliat n'a qu'à lui demander les informations récoltées, puis il se lance à leur poursuite !

 — Désolé. J'imaginais juste un mercenaire Norhian plutôt balèze parler poliment à quelqu'un possédant dix fois plus de neurones.

 Agacé par son insolence, je me retourne et lui lance un regard assassin qui le fige sur place.

 — Souviens-toi, Naidis, que le Norhian en question n'a qu'à donner l'ordre pour que tu te retrouves immédiatement dans le vaisseau. J'espère avoir été clair.

 L'adolescent détourne les yeux, fixant ses chaussures. Une brève secousse nous informe soudain de l'arrêt de la navette, alors que la voix désincarnée de l'ordinateur du taxi annonce :

 « Vous êtes arrivé à : Bâtiments de la Confédération Interstellaire. »

 Les portes s'ouvrent et notre trio s'extirpe du taxi. Le centre est immense, cerné de baies vitrées. Des arbres grimpent vers le ciel depuis des jardinières entourées de barrières protectrices. L'allée, recouverte de longues plaques de métal, est ornée du logo de la Confédération : Un C en forme de lune suivi de son I surmonté d'une étoile. Je m'avance d'un pas décidé vers le sas d'entrée, tandis qu'un message pré-enregistré me souhaite la bienvenue. D'un coup d'oeil en arrière, je vois les regards éblouis de mes protégés qui semblent détailler la structure dans le moindre détail. Rien que de se trouver pour la première fois dans une atmosphère naturelle paraît les avoir chamboulés.

 Des pas de talons claquant sur le carrelage me font tourner la tête.

 — Aaah, Monsieur Txann ! s'exclame une voix féminine puissante qui m'ébranle tout entier. J'ignorais l'heure précise de votre arrivée. Je suis Jathala Izo, première conseillère de la Confédération Interstellaire. Bienvenue à Psema-Diri !

 La conseillère est une Psoridienne. De taille moyenne, équivalant à celle d'un humain mâle adulte, Jathala Izo est de stature mince et agile. Sa peau bleue luisante brille sous les lueurs de spots électriques du plafond, ses trois yeux rouges semblent me dévorer avidemment. Les coins de ses lèvres, retroussés, me donnent l'impression qu'elle sourit en permanence. Ses vêtements moulants sont rouge et vert vif, la teinte puissante et l'aura qui émane de cette créature me perturbe et me donne la nausée.

 — Notre amie commune, Madame la courtière Tranelli, m'a affirmé que vous étiez un homme charmant ! ajoute la Psoridienne. Vous imaginez mon soulagement lorsqu'elle m'a annoncé que l'un de ses chasseurs de prime était déjà sur le coup. Vous ne voyagez pas seul, à ce que je vois.

 — Ce n'est pas important, soupiré-je. Je préfère ne pas perdre de temps, si vous le voulez bien.

 — Evidemment, s'enquiert la première conseillère. Suivez-moi dans mon bureau.

 Jathala Izo grimpe les marches d'escaliers et je lui emboite le pas. Mes chaussures grincent sur la surface cirée. Tout est d'une propreté harassante, ici. Je n'ai pas l'habitude d'autant de lumière. La conseillère Psoridienne nous entraîne, moi et mes deux ados humains, dans une salle aux vitres opaques qui surplombe l'accueil des bureaux. Elle nous désigne des sièges d'un geste conciliant et s'assoit elle-même derrière ses ordinateurs.

 — Je voulais aussi vous remercier pour votre travail, sur Asralo, ajoute-elle. Leur police locale nous a transmis les données que vous leur avez fourni, elles nous sont d'une grande utilité aussi. Si nous avions su qu'un gang criminel responsable d'enlèvements à l'interplanétaire se trouvait ici, à Psema-Diri...

 — Vous n'avez pas eu d'autres manifestations depuis l'attentat de la coopération d'armement ?

 — Non, aucune, affirme Jathala. Si, comme nous l'avons pressenti, cet acte répondait à la capture de Rahbahr Uaza, cela signifie peut-être que ce dernier est bien plus important que nous le pensons.

 — Il n'était que leur opérateur principale, sur Asralo, je déclare en me grattant machinalement le cou. Du moins, je pensais qu'il était leur chef, avant d'apprendre ce pourquoi je suis là.

 — J'espère vraiment que vous saurez résoudre ce mystère et envoyer ces terroristes à l'ombre, soupire la Psoridienne. Malgré tous nos efforts, la police de Psema-Diri reste surmenée.

 — Si Ixuliat les a trouvés avant, il pourra recommencer ! lance Rihn que je foudroie du regard.

 — J'imagine que la jeune Humaine dit vrai, sourit la première conseillère. En attendant, voici ce que nous avons pu trouver...

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