(#`д´)ノ

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Ça m'a bousculé.

Mais poussez-vous, putain ! Vous voyez bien que j'ai un sac, que mon pas est rapide, mes pupilles dilatées et que je me dirige vers la gare. Faites un effort pour comprendre, pour être moins con et agir en conséquence !

C'est pas possible ce que les gens peuvent être égoïstes.

Putain, c'est ma chance ! Deux petites vieilles en train de discuter et qui prennent les trois quarts du trottoir.

Collision dans

90 pas

à vue de pif. Enfin, si on peut appeler ça un trottoir, avec tous ces putains de travaux ! On est parqués comme des bestiaux derrière leur barrière en tôle. Impossible de couper à travers rail. C'est une atteinte à notre liberté de mouvement !

80 pas.

Deuxième ligne de tram. Ça avait été l’enfer pour la première et voilà qu’ils remettent le couvert. Je t’en foutrai des mobilités douces, là ! Attends, je suis arrivé sur Brest en 2009…2008… à l'école des mousses... Va savoir pourquoi j'étais attiré par la mer, moi qui viens du fin fond du Berry. C'est plat, tellement plat. Avec des champs agricoles à plus savoir retrouver tes points cardinaux tant tous se ressemblent. Là, du blé, là, du blé et là encore, du blé pour changer.

Le grenier de la France.

70 pas.

Juste en plein dans la diagonale du vide.

Et mes génies de parents qui en ont rajouté une couche en s'enterrant dans un village de 500 habitants, enfin à vue de pif parce que quand je l'ai quitté on tournait plutôt autour des 300 âmes en peine, perdues, entourées de rien d'autre que d’horizons céréalières. Et puis, c'était clairement pas l'image d'Épinal du petit village français. L'église au milieu, ragots à la messe, on se connaît tous et même si les nouvelles vont vite, au fond on s'aime et on forme une communauté soudée.

60 pas.

Non, rien toutes ces conneries. Il y avait Chartres à une trentaine de kilomètres et on était un village dortoir, toussant son lot de travailleurs le matin, les ramenant à lui aux tombées de la nuit. La grande ville enivrante de promesses foutrement plus palpitantes que les aprèms coincées chez les uns ou chez les autres.

50 pas.

...

Ça me bouscule.

Repenser à tout ça.

Je me demande si Jérémy y est toujours. On pouvait pas dire qu'il avait l'esprit aventurier, lui. Partir dans le patelin d’à côté pour aller au collège, fallait pas lui en demander plus. On avait l'impression qu'un cordon ombilical invisible le reliait à chez lui, que s'il passait un certain rayon ça se cassait et qu’il allait manquer d'air.

Dépérir.

Le contraire de la chèvre de Monsieur Seguin.

Faudrait que je vois sur Facebook si je tombe sur sa page.

40 pas.

C'est con d'y penser que maintenant. J’y rentre quasiment tous les Noël. Enfin, j'y rentre… Je rentre surtout chez mes parents. On mange non-stop pendant 3 jours et retour à la case gare, pour rentrer sur Brest.

30 pas.

Brest, l'arsenal and co.

"Engagez-vous qu'ils disaient."

J'aime bien cette phrase dans Astérix.

Quatre ou cinq ans de contrat avec ces mots en bas de la page, juste avant ta signature "... jusqu'au sacrifice ultime.". Ultime ? Suprême ? Bref, ça fait toujours son petit effet. T'as les poils qui se dressent pendant que ton cerveau te bombarde d'images guerrières hollywoodiennes. Tu te vois arme au poing, en train de tirer héroïquement sur des ennemis embusqués. Ton dernier chargeur arrache la victoire à ton régiment. Pour la gloire et l'honneur de la France.

20 pas

Et puis un jour, tu grandis. Tu es en mission en Méditerranée du côté de la Libye et un missile explose pas si loin de la coque de ce que tu croyais être un insubmersible. On crie de faire demi-tour mais le bruit, et la peur, et l'imagination qui en a découlés te restent chevillé au corps.

"Rengagez-vous qu'ils disaient.".

Et tu resignes pour 5 ans.

10 pas.

Et pourtant, je retrouve cette excitation des premières fois quand je remonte sur un bateau.

Ce que j'aime, c'est les mers d'huile. Au nord, à l'est, au sud, à l'ouest.

Un horizon aqueux à perte de vue.

...

Ça me rappelle les blés.

...

Collision imminente avec les vieilles.

Je ne dériverai pas.

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