L'explication

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Le lendemain matin, je me réveillais avec le sourire. Ce soir, j'aurai Florent tout à moi, jusqu'à demain. Il devait faire partie du jury de son ancienne école d'ingénieurs. Nous nous retrouvions pour le déjeuner avant de prendre la route. Bien évidemment, j'avais réservé une chambre d'hôtes à proximité de l'école, un lieu où je pourrais découvrir la ville en quelques pas ou en transports en commun. Aussitôt installée dans sa voiture, je sentis que quelque chose n'allait pas. Florent était distant, semblait stressé. Mettant son humeur sur le compte de sa tâche du lendemain, je faisais la conversation et ne lui en tenait pas rigueur. Ses yeux noirs sur moi brillaient tellement en me regardant que je n'avais pas de doutes à avoir. Je m'approchais de sa peau douce pendant notre trajet l'après-midi, voulait me laisser envahir par son odeur. J'avais cette homme dans la peau et nos moments partagés se voulaient toujours plus intenses. Mes doutes de la veille s'éloignaient avec les kilomètres.

Une fois seuls dans la chambre, je le vis envoyer plusieurs messages pendant de longues minutes. Au bout d'un moment, il sortait pour téléphoner. Quand il revint, je lui demandais ce qui se passait.

"Rien". Il avait prononcé ce mot bref sans plus ample explication, sans agacement non plus. Il me positionnait simplement en dehors de ses problèmes.

- On ne dirait pas rien, tu es taciturne depuis que nous sommes partis. Si ça t'ennuyait que je t'accompagne, il fallait me prévenir avant de partir.

- Non, je suis heureux que tu sois là.
- Alors tu peux me dire où est le problème, que nous le laissions derrière nous".

Son silence. Il m'imposait son silence et ça me faisait bouillir à l'intérieur. Il ne parlait plus, ne me regardait plus.

- Florent, tu me dis ce qui se passe, s'il te plaît?

- Je suis un peu stressé, c'est tout.

- Je suis là pour toi. Mais je ne partage pas totalement ta vie. Alors soit tu m'exclus totalement, soit tu me laisses t'aider. Mais je ne peux pas juste rester à t'observer aller mal, cela m'est insupportable. Hier, tu étais tout souriant quand tu te promenais avec ta femme. Alors dis-moi ce qui ne va pas.

- Je ne suis pas certain que tu veuilles entendre ça."

Je m'approchais de lui, le prenait dans mes bras. Il posa alors sa tête sur mes genoux et je passais la main dans ses cheveux, prête à entendre ce qu'il avait à me dire. Prête surtout à le libérer de ce qu'il gardait pour lui et visiblement, le rongeait de l'intérieur. Nous restâmes silencieux quelques minutes. Quand il se sentit prêt, il commença à parler.

" Tu sais, avant de te connaître, je recevais des textos et parfois, je mettais 3,4 jours à répondre. Parfois même, je ne répondais pas. Maintenant, j'attends des nouvelles de toi, et forcément, je ne suis pas très discret...Alors depuis quelques semaines, quand je rentre, il faut que je montre mon portable, que je justifie mes retards...Elle m'appelle au boulot pour vérifier que j'y suis, je dois donner l'heure à laquelle je rentre.

- oui, mais ça, c'est à toi de le gérer.

- oui, je sais bien, mais c'est bien au-delà de ça...

- C'est-à-dire?

- En ce moment, au boulot, c'est compliqué. Le secteur est en crise. Nous devons nous séparer d'un certain nombre de sous-traitants, j'ai des gens qui pleurent dans mon bureau..Bref, c'est super tendu. Le PDG a été remplacé par le Conseil d'administration. Les équipes doivent tenir la cadence et franchement, c'est pas une période facile. Alors, je stresse, j'ai une pression énorme et...

- parle-moi...

- et bien, j'en ai parlé à la maison. Et une nouvelle fois, elle n'est avec moi que pour la condition sociale. Ce qui l'intéresse, c'est que je garde mon bon boulot, peu importe ce qui se passe, que je ramène la paye à la maison, que j'ai une grosse voiture, une belle maison, que je paye les vacances, l'école pour les filles...Elle se fout totalement de moi.

- Pardon mais...pourquoi tu restes avec elle?

- Parce que c'est comme ça. Pour mes filles.

- Tu sais, tes filles, elles doivent percevoir vos tensions...Et puis l'image de leur père qui ne sert que de porte-monnaie...c'est pas top.

- Non mais, je suis désolé de te parler de tout ça.

- Non, au contraire, tu as bien fait. Tu sais, chaque fois que je la vois, je me dis qu'elle est parfaite. Elle est gracieuse, belle, élégante. Je me dis que c'est le genre de femme que tu dois avoir à côté de toi. Je la vois forte, indépendante, charismatique. Je n'imagine pas une seule seconde qu'elle ne soit là que pour ton compte en banque.

- Pourtant c'est le cas. Elle veut que je fasse la discussion pendant les dîners, que j'étale mes avantages, mon travail. Je ne suis qu'un faire-valoir pour elle. Un faire-valoir qui subvient à tous les besoins de la famille."

Il se redressait et je vis quelques larmes sur son visage.

" Je ne pleure jamais devant personne, tu sais.

- je ne suis pas personne." Je lui souris et il me rendit le sien. Je lui dit à quel point je l'aimais. Sa réponse me fit l'effet d'une douche froide.

- Tu m'aimes et pourtant tu ne peux pas comprendre.

- Je ne peux pas comprendre quoi?

- Tout.

- Qu'est-ce que ça veut dire?

Il se levait et s'éloignait.

- ça veut dire que je n'y arrive plus.

- Tu n'arrives plus à quoi?

L'angoisse naissait dans ma gorge, je sentais mon coeur battre un peu trop vite.

- Florent, tu n'arrives plus à quoi?

- Nous. Tout ça.

- Mais qu'est-ce que tu racontes?

- Je n'y arrive plus. J'ai trop de pression. Au travail, c'est tellement tendu que je ne peux pas me permettre de subir tout ça à la maison.

- Je comprends. Si tu veux, je pourrai éviter de t'appeler les weekends, elle deviendrait peut-être moins soupçonneuse avec le temps.

- Tu ne comprends pas.

- Non, je ne comprends pas que tu restes avec une personne que tu n'aimes pas et qui visiblement, ne t'aime pas non plus. Je ne comprends pas pourquoi tu veux gâcher ce qui t'apporte un souffle de bonheur dans la vie. Je ne comprends pas!"

Les mots s'étouffaient dans ma gorge. J'étais choquée. Il s'approcha de moi, je tentai de l'embrasser. Il détourna alors la tête et se leva.

" Je te dégoute tant que ça?

- Tu ne me dégoutes pas, c'est simplement que je ne peux plus.

- C'est elle qui te l'a demandé ?

- Ce n'est pas la question.

- Pourquoi m'as-tu emmenée avec toi? Pour me jeter comme ça?

J'avais du mal à contenir ma colère. Qui avais-je en face de moi? Pourquoi était-ce aussi soudain? Je le vis enfin qu'il pleurait. Un déchirement. Cette homme souffrait et je l'aimais. Je me sentais totalement impuissante. Il ne voulait pas détruire son monde totalement artificiel. Sa lâcheté me confondait de suprise. Je pris mes affaires et m'avançai vers la porte.

- Où tu vas? Nous sommes à 300 km de chez toi, sois raisonnable.

- Je ne peux pas rester. Tu as le droit de tout gâcher mais je ne suis pas obligée de rester à regarder. Je t'aime tellement. Je m'en veux de ne pas être à la hauteur. Mais j'ai trop mal là, Florent. Mal comme rarement.

Mes mots peinaient de plus à plus à sortir. Je chuchotais, mes larmes prenaient le dessus. J'avais envie de m'écrouler. Florent, assis sur le lit, pleurait à chaudes larmes et me regardait. L'image de moi qui allait rester dans son esprit était celle-là. Moi, défaite, malheureuse et en colère. J'ouvris la porte et partis sans me retourner.

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