Chapitre 4

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Nul ne dormit beaucoup la nuit suivante. Tous pensaient à la matinée décicive qui les attendait. Bien au chaud au fond de leur terrier, Pimpin, Pimpine et Piminou discutèrent longtemps du dévouement du vieux lièvre.

A l'aube, la forêt semblait encore endormie. Tout était calme et silencieux. Les oiseaux se taisaient. La biche ne s'aventura pas jusqu'au ruisseau pour contempler son reflet dans le miroir d'eau pure. Aucun lapin ne batifola dans l'herbe des clairières.

Pourtant, derrière chaque bosquet, au fond de chaque nid, se terrait une présence attentive.

Pimpinou ouvrait ses oreilles toutes grandes : il était angoissé. Il croyait entendre au loin les pas des chasseurs... Mais ce n'était rien que la brise, qui faisait frissonner les feuilles du grand chêne. La pensée que peut-être, les chasseurs ne viendraient pas ce matin-là lui était pénible ; ils s'étaient tous si bien préparés !

A cet instant précis, le merle siffla une fois, puis deux, puis trois. Il venait de voir le fermier et son fils pénétrer dans la forêt et se diriger tout droit vers le fourré qui abritait le vieux lièvre : ils n'étaient plus qu'à quelques mètres... Ils approchèrent encore... Alors, lui, sortit comme une flêche de son abri.

La suite se passa si vite que même Belle, qui épiait la scène derrière un rideau de branchages, eut à peine le temps de se rendre compte de ce qui arrivait. La terrible détonation claqua dans l'air à l'instant même où les brindilles qui recouvraient le piège cédaient sous le poids des chasseurs.

Ce fut alors un vacarme assourdissant : d'un bout à l'autre de la forêt les animaux s'interpellaient tout en courant vers les lieux de l'événement.

D'abord, ils n'osèrent pas trop approcher de la fosse, mais très vite ils s'enhardirent. Les hommes, dans leur chute, avaient lâché leurs fusils, les branches enchevêtrées les empêchaient de se relever, et ils se débattaient comme des fous sans pouvoir se dégager, sous le regard menaçant de Groin. Leurs costumes de chasse, si beaux tout à l'heure, étaient maintenant tout tachés de boue, et leurs carniers s'étaient remplis de feuilles mortes. Ils avaient de la mousse dans les cheveux et la barbe.... Et comble du ridicule, ils répétaient sans cesse le même mot : "Aïe ! aïe ! aïe !".

Pimpinou éclata de rire quand il vit que le fils du fermier avait perdu sa chaussure et que sa chaussette jaune était toute trouée.

- Ce n'est pas le tout, gronda le sanglier, il faut maintenant se débarrasser d'eux.

Et il se mit à gratter le sol d'un air furibond.

- Je me charge de les éventrer, les étriper, les mettre en pièces.

- Oh non ! Pitié ! balbutia le jeune homme, aïe ! aïe ! aïe !

Mais Groin continuait à les regarder méchamment.

- Il me semble que tu te presses un peu, lui dit Pimpin. Tout criminel a droit à un jugement !

- Pas de jugement qui tienne, répliqua le sanglier d'une voix de tonnerre. Ecarte-toi de mon chemin et laisse-moi les éventrer, les étriper et les mettre en pièces !

- Pitié, intervint le fermier. Laissez-nous partir ! Nous ferons ce que vous voudrez, mais laissez-nous partir !

- Vous venez d'assassiner notre ami, nous déciderons d'une peine exemplaire, intervint calmement Belle.

- Tuit ! Tuit ! siffla à cet instant une mésange bleue. Non, non, il est vivant. Et voici l'objet de mort qui a échoué à prendre sa vie.

Aux pieds de Pimpin, elle déposa la balle qui n'avait causé au vieux lièvre qu'une blessure légère et qu'elle venait de lui extraire de son bec délicat.

Chacun des animaux poussa un long soupir de soulagement.

- Je l'ai mené à votre terrier où Pimpine s'occupe de lui, continua la mésange. Il vous fait dire de ne pas être trop méchants avec ceux-là.

- Laisserez-vous vos fusils ici ? interrogea Zip en se tournant à nouveau vers les accusés.

- Oui, oui, si vous voulez.

- Nous laisserez-vous vivre en paix à l'avenir ?

- Oui, oui, bien sûr.

- Renoncerez-vous à la chasse ?

- Oui, souffla le fermier.

- Y renoncerez-vous définitivement ? demanda encore Pimpin.

Comme la réponse se faisait attendre, Groin revint à la charge :

- Trève de diplomatie, gronda-t-il. Il n'est de remède qu'en les éventrant, les étripant et les mettant en pièces !

- Nous renoncerons à la chasse, oui, oui, pour toujours, c'est promis ! Laissez-nous sortir !


Ce n'est qu'à midi passé que les animaux permirent aux chasseurs de rentrer chez eux, après qu'il eurent juré, solennellement, en levant la main droite, qu'on ne les verrait plus JAMAIS un fusil à la main.

Il leur fallut bien du temps pour se hisser hors de la fosse. Enfin, l'un soutenant l'autre, ils quittèrent la forêt en titubant, les yeux hagards, les cheveux en bataille et les vêtements en loques.

- Je suis bien content, sourit le sanglier. Je crois que nous leur avons donné une bonne leçon !

Au crépuscule, le vieux lièvre sortit sur le perron du terrier de Pimpin et salua ses amis. Il fut ovationné et applaudi durant de longues minutes, ce qui lui arracha des larmes de joie.

Puis Pimpine, d'une voix tremblante (elle n'était guère habituée à prendre la parole en public) annonça que le héros resterait vivre avec sa famille.

- Il sera comme mon papy ! se réjouit Pipinou en sautant de joie.

Et sa phrase fut à nouveau applaudie de la foule, dont chacun des membres se promit interieurement de tout faire pour que plus jamais leur héros ne souffre un seul instant de la solitude.


Ces événements-là se passaient avant l'hiver.

Aujourd'hui les animaux vivent tous en paix dans la chère forêt qui sent la mousse et le champignon. Pimpin, Zip, Belle et tous les autres sont devenus très, très heureux.

C'est le printemps. Les violettes poussent au pied du grand chêne et Pimpinou danse au soleil : si tu entres dans la forêt et que tu ne fais pas trop de bruit, tu le verras peut-être.

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