Le patron

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Son patron était un connard.

Poli, mielleux, il souriait et assénait les vérités comme des coups de poignard.

Efficaces.

Et il le savait.

Pas de risque de l'accuser de harcèlement sexuel ou moral !

Il ne faisait qu'énoncer des faits.

Avec son sourire méprisant et ses yeux qui la contemplaient avec...pitié...

Oui, avec pitié !

Elle n'avait pas été à la hauteur, et il le savait, et elle le savait, et il le lui faisait clairement voir.

Oui, un connard.

" Mlle Nantel, je suis vraiment désolé de devoir vous dire que..."

Elle contemplait les cheveux de son patron et comme à chaque fois, elle se demandait si...

" Au regard de vos récents échecs et de votre incapacité à tenir vos délais, nous..."

Ses cheveux étaient trop gris et trop uniformes pour être honnêtes, elle se demandait toujours si...

" Nous sommes au regret de devoir transmettre le dossier Bourguignon à votre collègue, Aubert..."

Oui ses cheveux étaient teints, elle en était sûre !

Vieux con imbu de sa personne !

Puis les mots la frappèrent enfin et Mlle Nantel réagit :

" Pardon, vous allez transmettre le dossier Bourguignon à Aubert ?

- Aubert est jeune, certes, mais il est compétent !"

Lui, implicitement mais fermement.

Elle accusa le coup et releva le front :

" Cela fait dix mois que je suis M. Bourguignon !

- Et cela fait dix mois que M. Bourguignon se plaint de vos chiffres !"

Elle se tut, domptée.

Il la chassa d'un geste vague de la main, nuancé par un sourire amical.

Connard, hypocrite, de patron !

Lorsqu'elle ferma la porte du bureau de son chef de service, Mlle Nantel sentit tous les yeux de ses collègues posés sur elle.

Elle redressa les épaules et resta digne.

Une voix, toute douce et dégoulinante de bienveillance factice, résonna près d'elle :

" Pas trop dur le patron ? Il a ses nerfs aujourd'hui."

Mlle Nantel leva les yeux et regarda sa gentille collègue, Lily Fontaine, et elle eut envie de la gifler.

" Non, pas trop dur. Tu as besoin de quelque chose Lily ?"

Une telle maîtrise de soi surprit la jeune employée qui ne sut plus trop quoi dire.

" Non, non. Je voulais juste te dire que si tu avais besoin de parler, Cathy, je suis là."

Catherine Nantel se redressa et adressa son plus beau sourire hypocrite.

" Merci Lily, c'est gentil de ta part."

Et essaya de ne pas montrer toute l'ampleur de sa haine.

Enfin, avant de lui foutre enfin la paix, Lily lui jeta :

" C'est vrai que c'est Michel qui reprend le dossier Bourguignon ? On se demandait..."

La garce !

La putain de garce !

Catherine sourit toujours, légèrement plus crispée malgré tout, et répondit :

" Oui, il a gagné le dossier."

Lily hocha la tête avec un faux air malheureux et retourna à son bureau, derrière sa protection en plexiglas.

Cathy préféra quitter la salle à la recherche d'un café pour laisser ses "collègues" féliciter le nouveau protégé du patron.

Un café !

Même un café de merde !

Tout pour ne pas voir leurs gueules d'empaffés !

Et comme la journée n'était pas assez merdique comme ça, en cherchant le badge de la machine à café, Cathy fit tomber son téléphone sur le sol.

Cela n'aurait pas été grave si les deux collègues qui bavardaient juste devant la machine à café n'avaient rien trouvé de mieux à faire qu'à le piétiner.

Connasses !

Quelle idée aussi de rester plantées devant la machine à café !

Bien entendu, elles se perdirent en excuses et offrirent un café à Cathy Nantel.

Un café pour un téléphone foutu !

Cathy accepta et remercia.

Que pouvait-elle faire d'autre ?

" Un magnifique smartphone ! Avec toutes les options et une mémoire exceptionnelle et...

- Je le prends," coupa Cathy, fatiguée par le bavardage inepte du vendeur.

Vexé, le jeune homme se tut et finalisa la vente.

Ce soir-là, Cathy Nantel découvrait son nouveau téléphone.

Une folie à 900 euros.

Mais merde, elle l'avait bien mérité vu la journée de merde qu'elle venait de passer.

" Bonjour, je suis Anthéa. Comment puis-je vous aider ?"

D'un geste agacé, Cathy rangea son téléphone.

Elle n'avait pas besoin d'aide en ce moment, juste d'une douche et d'un repas chaud.

Demain...demain, elle retournerait au taf et là...là, elle ne pourrait compter que sur elle-même.

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