La Fièvre de l'Aède

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Les mains tremblantes, le regard hagard, le cœur aux battements branlants ; il fouillait, renversait, bousculait.

C’était là ; quelque part.

La pièce avait étée secouée par une furie vertueuse, mais l’objet de sa curiosité n’était pas encore révélé. Il fallait encore chercher.

Il se souvenait pourtant du regard de la Femme. Ses yeux, ils lui avaient murmurés les secrets les plus insensés, ils lui avaient contés les plus majestueuses contrées, des lacs d’une pureté inégalée, des monts flambants sous la lumière d’étoiles nitescentes.

Oui, ses astres qui le consumaient depuis les prémices de ses souvenirs.

Oui, au fond de Ses yeux il avait vu le signe qu’il avait tant espéré trouver.

Il avait suivi la Créature, glissé dans Son ombre comme une bête obéissante.

Il L’avait idolâtré, vouant un véritable culte aux fantasmes qui dormaient en Elle.

Mais Elle l’avait repoussée.

Et il L’avait enlacé, en dépit de Ses récris ; caressait Son buste, cajolait Ses joues, effleurait Son visage ; jusqu’à serrer son coup au sang.

Ses lèvres rubescentes avaient dévêtues des connaissances cabalistiques ; elles murmurèrent des mots d’une haine moribonde.

Ses pupilles avaient dénudées une splendeur dérobée ; maintenant, la lueur était éteinte, laissant un œil invariable, vultueux.

C’était là ; quelque part.

Son regard dansait sur ces toiles grossières et gracieuses ; schémas chimériques des chants étranges ; icônes d’oracles sanctifiées d’autres siècles, d’autres cycles.

Ces yeux agités le jugeaient, jaugeant le prix de son crime ; tout ce sang au nom d’idées illusoires.

L’astre peint était apaisé.

L’étoile étalée dès lors calmée.

L’air enragé, il agrippa le cadre doré.

Son inspiration, ses aspirations, lui donnaient la force de l’arracher.

Brisant le bois précieux, balafrant la peinture pernicieuse ; derrière laquelle s’était dissimulée une serrure sibylline.

Sale Garce !

Elle continuait de le tourmenter même après sa dernière prosternation, Elle continuait de s’ébattre avec lui, Elle continuait de le mystifier, de le tromper !

Mais Elle ne l’avait pas quittée avec la clé.

C’était là ; quelque part !

Il tira tous les tiroirs, claqua chaque cabinet.

Que de babioles, de jouets, d’idoles et de jolis effets.

Sur la table, un cierge de verre dont les reflets lie-de-vin le charmaient.

Il s’en saisit, le confisque à qui en souhaiterait ; s’assit sur le lit Sultane, non loin d’Elle.

Elle est non moins brûlante ; Ses yeux toujours brasillants, sa bouche désirable bruissant quelque babil.

Il épanche la bouteille, inondant le feu de son cœur creux ; flamme qui réclamait cette humeur amarante avec mesquinerie.

Seule l’opulente collection d’ouvrages, volumes et opuscules demeure. Elle avait survécue à la frénésie.

C’est elle qui gardait les secrets suprêmes.

C’est elle qui le gardait de toucher à la sagesse, à l’omniscience.

C’était là, juste là !

La flasque vola, versant flaque se mêlant au carmin, retraçant sillon vermillon jusques à la Vénus endormie.

Il plongea ses mains dans les livres, naviguant de vers en versets, nageant de sujets en registres, voguant devers la vérité des veuves, se noyant dans ses voix ou ses voies.

La chambre s’était changée en mer de papiers ambrés, un flot de feuilles gravées d’encre.

Ancré ; comme un fanal au foyer de la calamité ; la clé dorée était à ses pieds.

Frémissant, vacillant. Il se saisit de l’objet, jalon de son souhait.

Hésitant, haletant. Il poignit l’Arche, surin vrillant dans le verrou antique.

Là, juste là ?!

Hanté, harponné. En plein cœur, peur et bonheur s’intriquaient.

Dominé, miré. Mirant le motif de sa faim, de son impatience couronnée.

Juste là !?

Il avança sa main offensante, ensanglantée et gantée de vanité.

Prit la relique sacralisée par les spectres de son esprit ; sussurrations des astres du ciel sempiternel ; sages irrépressibles, irrésistibles, irraisonnés.

Plume.

De Colombe au rameau ?

De Chouette teintée d’olive ?

Quelle importance ?

Cette précieuse Sirène ; Cette Harpie furieuse.

Elle lui avait ravi tout ce qu’il était.

Il lui avait arraché Son ultime sublimité...

Et derrière la fenêtre.

Loin, là-bas.

Par delà le voile de l’usuel, du banal, du trivial.

Bien après les derniers replis de la conscience.

A l’extrémité des mils mots anonymes.

Au long du rivage où se brisent les vagues de nuages.

Là où les soleils jumeaux s’écroulent dans le lac intact.

Là où les sommets communs miroitent comme l’empyrée.

Là où les lunes licencieuses tournent au ciel du soir.

Là où la nuit idéale brille d’étoiles noires.

Dans la Cité inavouée.

On se gausse.

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