Shābath

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Le noir de la nuit mordant de ses dents transies.
Le feu rouge lèche ces chairs fiévreuses ; peaux suintantes, scintillantes, sous la nitescente Sélène.
Les murmures diffus, soufflant dans ces sylves solitaires, ravivent les flammes d’un enfer dissimulé ; fournaise née des affres des astres, de la souffrance et errance des puissances.

 On geint, on pantelle.
 Princesse, rênes en mains.
 On embrasse, on s’étreint.
 Étalon dompté, envoûté.

 On se ceint, on enlace.
 Elle chevauche, il lâche prise.
 On enivre, on oint.

Il ouvre les yeux, ose un regard béant sur la Faunesse auréolée qui le domine.
Il tend un bras vers cette déesse, sans décence, crainte, convenance, contrainte.
Ses doigts dessinent des sillons sur sa peau sombre. Délicatesse, douceur, délice, désir ; ce sont les mots qui taraudent son crâne, son cœur ; qu’aspire, inspire, respire son esprit.

 Il se cabre, elle se cambre ; la transe ne doit pas s’arrêter, pas encore.
 Pas encore, la Nymphe a soif, a faim.

Embrasement des passions, allées et venues prennent ampleur, présage de la virulence, de la vigueur, de la fureur.
La pierre, fille du sol, se fait partenaire de cette exhibition cornue, grotesque figuration ; elle retentit, elle trépide, elle porte aux nues de son chant aphone la perfection, la pureté, la splendeur de l’Amante de toutes les âmes.
Les étoiles, filles du ciel, clignent, contemplatives ; alors elles éloignent leurs larmoyants, leur famine ne sera pas satisfaite ce soir ; seule la Maîtresse se rassasiera. Un à un, les soleils se taisent et disparaissent.

 Leurs flancs se font plus forts ; les hanches plus échevelées ; et les reins plus païens.
 Saints d’une dilection emballée.

Il pousse le vice et l’insolence jusques au seuil suprême. Ses mains impies caressent ce buste ébène ; serrent ce sein ensorcelant ; glissent sur ce cou délicat, exquis ; et s’arrêtent sur ces lèvres fuligineuses.
Il en réclame le nectar, exige d’en jouir, de déguster ce fruit furtif !


JE VEUX.

Elle sourit, passant une langue flexueuse, sinuant le long du membre offert ; tirant vers elle la corde, le collier de sa chose.

DONNE.

Elle s’amuse, lui vouant l’objet de son obsession ; violant son temple de la parole, ravissant toutes ses attentes, ses espoirs ; s’enfonçant dans les tréfonds où s’est étouffée sa psychée.
Il frissonne d’allégresse, secoué par une force fusque, une euphorie sans égal, sans pareil, sans précédent.

Une délivrance au creux du brasier ; constante, incessante, persistante ; apothéose et anathème.

À MOI.

Il tremble d’une terreur neuve, alors inouïe.
C’est un cri étouffé par le baiser énamouré qui, le prime, transsuda.
Suivi de larmes véraces, qui coulèrent le long de son visage émacié ; s’unissant à un fleuve de feu, glissant sur les galets faits glace.
Son regard effaré par la géhenne, un voile hagard couvrant sa conscience ; défait dans son élan lucide, il observa une main tannée tourner au cramoisi.
Plongée dans le torse de l’homme, elle fouillait, cherchait, grattait, creusait, dans une culbute qui ne cessait pas.

 Puis le temps se suspendit. Les corps se bloquèrent, pétrifiés en plein élan.

Les ongles de la Sylphide avaient dénichés la richesse pourchassée.
Un muscle battant sans discontinuer, dérobé derrière des viandes chaudes parcourues de palpitations.
Son Cœur.
Voilà ce qu’il lui avait offert. Le siège de son essence, de ses sentiments.
Ses doigts courtois, raffinés, caressèrent l’organe angoissé, comme ils avaient flattés le pilier ; s’enroulèrent autour avec amour, dans une étreinte maternelle.

À MOI !


Et le bras s’extirpa avec vigueur du ventre suffocant.


La Dryade cessa son subtil baiser, laissant sa longue langue lascive parcourir la face figée de l’infortuné réjouissant, avant de s’en retourner. Serpent cinabre, elle s’élança sur le fruit de la chair, encore grelottant entre deux seins aimants, au creux de deux mains saillant.
Il suintait son liquide ferreux, souillant la peau en sueur de la Muse.

Délicieux breuvage !

Elle le fixa avec envie, soif, et appétit.

Mets divin !

Ses dents démesurées, disgracieuses, s’y enfoncèrent tendrement, déchirant l’aliment, dévorant cette manne avec un enthousiasme orgiaque.
Elle mâchait d’une bouche déformée, tendue de spasmes voluptueux, ce joyau où s’étaient crystallisés plaisir, désir et détresse.

Dans le noir de la nuit.
Léché par le feu rouge.
Sous la seule veille de la Lune.

À lier son sang à ceux du Néant,

Il s’était fait don, délectation.

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