Boeſ d’Écoumène était figé, le corps persécuté de spasmes.
Son regard s’égarait, multiplié par l’inopiné.
Son verbe sapé par l’insane aberration.
Son souffle confisqué par cette assemblée ; ni absente, ni présente ; sans concupiscence, sans indifférence. Tempérée. Déchaînée.

Boeſ était figé. Flottant à la dérive, suivant des ressacs invisibles, imperceptibles, qui le poussaient partout et nulle part.
Figé au cœur d’un chaos d’éclats de bois ; de feu, foudre et vague saisies dans l’instant ; de formes fracturées, visages balafrés d’effroi.
Un vivant parmi les morts, ou un mort mimant les vivants.

Il sentait ses ruminations s’émietter, ses souvenirs devenir éther, taraudant son être à mesure qu’ils s’évanouissaient, s’unissaient à cet absent espace.
Il se savait ne devenir. Son identité réduite en poussière de néant ; il s’incarnait feuille vierge, blanche de volonté, d’humanité, sur laquelle s’imprimaient des idées de l’ailleurs.
Ils, elles, on. Idées, Déesses, Dieux.
Nous.
Balayons son futur, présent et passé.
Oublions son Monde, sa Mère et son Navire.
Dictons les directions des artificiels et virtuels réels.

Mire la machinerie des mondes !
Écoute l’aphone cacophonie de ces concevables abscons !
Vis ces mille vies, meurs dans l’horreur de l’heur inane !

À mesure que ta chair se détache, admire tes limites.
Ta Terre ; matrice d’orgies de délices, de tous les précipices ; flotte avec futilité, naïf esquif, sur notre fleuve qui ne saurait quelconque fin !
Ce n’est qu’une sinistre sentine qui se casse au contraste saillant sous nos ouvrages sans échéance ni prémice.

Là.
Ils se font Raison, Évidence, Absolu, Lumière, Implacable, Ténèbre, Éternité.

Ça y est. Ses yeux par les icônes consumés, ses poumons affamés par le vide étouffés, l’esprit pétrifié, vitrifié, brisé. Boeſ se savait réduire, rongé par une essence qui lui refusait le Feu Sophiste, consumant ses chairs ; par des consciences qui l’asphyxiaient, l’empêchant de toucher ses sensations.
Il n’avait plus froid. Il n’avait plus chaud.
Il ne ressentait ni douleur, ni plaisir.
Il n’était plus que témoin forcé de ses hôtes.

Ses maîtres.

Un.
Dix.
Cent.
Mil.
Milliard.
Une kyrielle cruelle de soleils aux contours dentés de doigts dorés ; comme autant d’anneaux inestimables qui dominent sa vue vulnérable de ver nu ; comme autant d’engrenages frénétiques et coruscants qui guident la course aveugle de la Création.
Ils écrasaient ses croyances. Pauvre fou, poussé par la Foi, il espérait deviner le divin, Providence régencée par les anges.
Mais il n’avait trouvé que la souffrance de l’ignorance. Une défaillance d’autant plus délétère à mesure qu’il comprenait et oubliait ; il saisissait que cette vision lui resterait à jamais insondable.
Et ils riaient. Ils pleuraient. De pitié et de raillerie. Des éclats abominables que son âme s’imbibait, croyant s’y reconnaître.

Oh Miséricordieux.
Seigneur des cieux radieux, ce ne sont pas de pieux adieux.
Car mes yeux ont vus l’insidieuxe Vérité.
Ils ont vus le Vrai.
Ils ont vus les Dieux.
Purs.
Authentiques.
Artisans antiques.
Artistes de nos Sépultures, de nos Progénitures ; de la Nature, de l’Azur.
Les Dieux.
J’ai vu les Dieux. Les Dieux. Les Dieux. Les Dieux. Les Dieux. Les Dieux. Les Dieux.
Les Dieux. Les Dieux. Les Dieux. Les Dieux. Les Dieux. Les Dieux.
Les Dieux. Les Dieux. Dieux. Dieux. Dieux. Dieux.
Dieux. Dieux. Dieux. Dieux. Dieux.
Dieux. Dieux. Dieux. Dieux.
Dieux… Dieux… Dieux…
Dieux… Dieux…
Dieux…

Dieux…

Par-delà le Firmament, au-delà de la Toile ; il existe une vérité, un murmure, que l’ignorance caresse.