Oasis

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Les fantaisies de mes créatures intérieures sont devenues les caprices de dieux promus ! L'oasis que l'homme vit devant lui était un mirage. Elle était tout de même là, cette chose, et il y croyait durement quand bien même il savait l'illusion ; et il y but l'air et y respira l'eau. C'est alors qu'au-dessus de lui, soudain, non que le ciel s’ouvrît, mais l'absence de tout s'éleva à la dignité d'une présence comme l'absence de divinité dans son cœur se transforma en mère de toute divinité... ! Croire pour voir et non plus voir pour croire ! Il hurla de rage et de joie dans un même et dernier souffle ! L'impasse avenue ; ciel, terre… ! Et perdit l'équilibre. Sur le dos, un tamis de poussière sur le visage, il se mit à peindre du pinceau de son âme les contours d'une étoile, dont il entendait remplir l'intérieur d'une lumière qui guiderait bientôt sa descendance – eux, les Fils à venir d'un Incroyant, qui croit en l'incroyance ! Il poursuivit (en apnée) l'exclamation de ses vérités successives tandis qu'une espèce inédite de vautours, née des flammes, des rires et des enfers, embrasserait sous peu, tout à tour, le rose de sa chair.

Le vent, le soleil et les monstres le dévoraient petit à petit par morceaux toujours plus gros, dans un va-et-vient infernal. Lui, pourtant, ne sentait que le parfum des fleurs bordant l'oasis, là où il se rafraîchirait bientôt tout en contemplant l'eau claire. Et il y murmurerait avec bonheur des secrets qui s'en iraient couler paisiblement vers le fond.

Sa peau se détachait toujours plus. Et presque tous les ongles plantés dans le noir plumage, et le gros de la chair dans les airs.

Son visage néanmoins souriait, toujours, en se détournant du reste : la salive et la folie carnassière des assaillants… mais son œil se détournait surtout du froid de la mort, qui rampait, elle, à bonne allure sur l’homme. Le corps, lui, ne se débattait déjà plus, immobile ; et quand il le faisait encore, par légères convulsions, c'était seulement par réflexe animal.

Dans un clair-obscur, en terre et sous lune germaniques, un être émergea alors comme par magie tout comme l'Arche quelques millénaires plus tôt sur le Mont Ararat. Il se leva, seulement quand il en eut la force – au crépuscule de sa vie. Et brutalement, il vit jour dans la nuit, il vit ce que les contemporains de toute époque ne peuvent et ne pourront jamais sentir, vit ce que les yeux eux-mêmes ne pourraient jamais dessiner. Loin du Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, Nietzsche de son nom, Friedrich de son prénom, dansa sous l'étoile non loin de l’homme, dansa jusqu’à détourner son regard, dansa jusqu'à ce que mort s'en suive.

Aujourd'hui l’aîné de mes frères n'est plus qu'un souvenir et l’homme plus que poussière ; le temps est gris. Mais peu importe ! Car, à mon tour, j'apprends, j’apprends à danser – dans la ronde et l'ivresse entre rires et sorcières du dernier et éternel sabbat – pour être prêt, le jour dans la nuit, où moi aussi je verrai – et du peu alors que je vivrai, je vivrai enfin.

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