Star Trek, sinon rien

10 minutes de lecture

Note de l'auteur : j'ai emprunté les personnages de l'Enterprise.

========================================================================

L'effet lumineux cessa et les trois hommes s'immobilisèrent, l'arme à la main.

« Rangez vos armes, messieurs, nous allons la jouer discrétion. On ne sait rien, potentiellement, du comité d'accueil. Pas de pancartes, pas de fléchage ».

« Affirmatif, capitaine », deux voix se firent entendre et les pistolets furent baissés, rangés dans les étuis que chacun des trois hommes portaient à la taille. Aussitôt les réflexes des trois hommes les firent se mettre en action : observation intense et minutieuse, prise d'informations, enregistrements divers et variés. Repérage d'éventuelles traces de vies humaines, signaux sonores, débris quelconques, radiations possibles. Les appareils tournaient à plein régime, s'agitaient en tout sens, on entendait sans cesse les bip des enregistreurs qui fixaient sur les bandes tout le panel sonore des environs.

« Où sommes-nous, Mr Spock ? »

« Capitaine, nous sommes dans une espèce de hangar ou de cave. Mes capteurs ne révèlent rien, ni de bon, ni de dangereux. On est dans un supposé calme». Une pseudo lumière semblait traverser les lattes du plancher au-dessus de leur tête et sur les murs latéraux.

«Et je n'entends rien, je ne relève rien non plus, Scotty et le lieutenant Uhura ont bien fait mention d'un appel de détresse » répondit le capitaine, dubitatif.

« Il va peut-être falloir cesser de nous précipiter au moindre appel de détresse, vous ne croyez pas , Jim ? »

Bones venait de faire part de son sentiment à cet instant, partagé entre son souci de donner de sa personne et de se mettre à l'abri des embrouilles. Il avait tellement pris cher par le passé que cela l'avait rendu méfiant et un peu râleur ; peu enclin à foncer la tête première.

« Chat échaudé craindrait l'eau froide, Prof ? » ironisa le capitaine, ce qui interpella le troisième larron, celui aux oreilles pointues.

« je ne vois ni chat ni eau, ici », annonça-t-il calmement.

« C'est peut-être parce qu'il n'y en a pas un seul, de chat , ici » s'entendirent-ils répondre. Les trois se regardèrent, stupéfaits :

« QUI EST LA ? QUI A PARLE ? », interrogea le capitaine, d'une voix qu'il voulait assurément ferme.

Il n'obtint nulle autre réponse qu'un sifflement strident qui leur fit mettre les mains sur les oreilles, ce truc était en train de leur vriller les tympans. Seul le Vulcain restait impassible, regardant ses deux compagnons courbés en deux, grimaçant et gémissant. Il allait ouvrir la bouche mais se rendit compte que ce n'était pas le moment de digresser sur l'origine de la perturbation, il devait mettre ses amis à l'abri. Il n'avait pas de tampon, de coton, et encore moins de casques à distorsion acoustique, il ne lui restait plus qu'une solution. Pas la plus appréciable, mais l'urgence commandait. Il allait, pour la première fois, opérer doublement. Il se savait plus performant de la main droite mais la gauche allait devoir être à la hauteur.

« Venez Capitaine, Docteur ».

Il venait de se placer entre eux deux, sans éveiller le moindre soupçon. Inhabituel chez lui, ce geste qu'il fit, devait cacher son intention. Il leva les deux bras pour les passer au-dessus de ses deux compagnons pour les emmener loin de la source sonore et précisément, d'un geste bref et intense, il les immobilisa. Une double prise Vulcaine simultanée, au ralenti ils furent attirés par le sol et s'immobilisèrent en position fœtale contre les bottes noires du Vulcain. Il savait que l'effet serait de courte durée, il les avait juste rendus inconscients, afin de protéger les oreilles de ses acolytes. Il sortit son phaser, le régla sur la fonction «protection» et l'activa en un geste circulaire autour des deux, créant une bulle insonorisée, ce qui les tiendrait à l'écart au cas où la source sonore persisterait. Il comptait bien découvrir d'où elle venait. Il n'avait pas eu le temps de le dire à Mccoy et au capitaine, c'était des Larsen qui avait surgi et qui continuaient de déchirer le silence par intermittences irrégulières, rendant impossible une quelconque saisie d'une fréquence ou une mesure de décibels.

******

« Non, mais je rêve, qu'on me pince, là tou…. AIIIIIIIIIIIIIIE, » se fit-il interrompre en prenant conscience que le muscle de son bras lui faisait mal.

« désolé Prof, mais c'est vous qui l'avez demandé ! » lança le capitaine, un peu moqueur, mais tout aussi bluffé que l'était son voisin. Il leur avait déjà fallu émerger de leur torpeur, ils étaient bien incapables de dire ce qui avait bien pu se passer, ils avaient dû ensuite se sortir de ce champ magnétique, de cette bulle invisible contre laquelle ils avaient effectué une étrange chorégraphie, repoussant et poussant cette illusion. C'est le docteur qui l'avait désactivé en la perçant avec une des seringues qu'il avait dans son mini étui portatif. Ils regardèrent autour d'eux, la même grange, le même plancher poussiéreux au-travers duquel passait le même rayon de soleil qu'auparavant. Seuls, ils étaient seuls, Spock n'était pas là. Ils étaient sur leurs gardes, le phaser en position «neutralisation» dans la main, prêts à défendre chèrement leur peau. Le vrombissement avait cessé mais pas la douleur ; leur tête leur faisait mal. Ils se sentaient désorientés, comme si le bruit, en meurtrissant leurs tympans, avaient fait basculer les cristaux de leur oreille et ils étaient chancelants.

« j'ai autant d'énergie qu'une cacahuète rassie », protestait Bones, en essayant de garder son équilibre. « peut-être devrions-nous reculer contre ce mur, au moins on tiendrait debout ».

« acculés pour acculés, autant que ça nous serve, c'est ça, Prof ? Peut-être avez-vous quand même assez d'énergie pour nous dire ce qui nous est arrivé», demanda le capitaine, un peu exaspéré. Il passa nerveusement sa main dans ses cheveux, cherchant, creusant sa mémoire pour essayer de retrouver la chronologie des événements.

« trou noir complet, capitaine, impossible de me rappeler quoi que ce soit. Bon sang. Et où est Spock ? C'est déjà assez compliqué comme ça, mais en plus il a disparu. On a nos communica… »

Il resta bouche bée, ne finissant pas sa phrase, en voyant devant lui ce spectacle incongru.

« oh, wahoo », lâcha le capitaine, blême. Le plancher vermoulu s'écarta, lentement, en faisant tomber une pluie de poussière sur eux, mais pas un ne bougea, pétrifiés par ce à quoi ils assistaient. Le docteur laissa tomber le phaser, en relâchant les muscles de sa main. Devant eux, qui les surplombait, un rideau rouge était en train de s'ouvrir. Ils furent saisis d'étonnement, ils étaient toujours aussi seuls devant cette immense scène qui s'offrait à eux. Et sur cette scène, il y avait 150 hommes et femmes, musiciens, qui se mirent à produire la plus belle des mélodies jamais entendue à 1000 années lumière à la ronde. Une mélodie douce et puissance, charmeuse et apaisante. Bones et le Capitaine Kirk avaient oublié leur faiblesse et se tenaient là au milieu de cette ivresse harmonieuse. Ils buvaient à la source de cet enchantement, lapant chaque note comme un antidote à leur mal-être, oubliant les pourquoi et les comment, se laissant pénétrer par chaque sonorité cuivrée et chaque envolée de cordes. Mais, soudain, ajoutant encore à leur sidération, si tant est que cela fut possible, ils virent surgir du centre de la scène, un petit promontoire circulaire, s'élever lentement. Sur ce promontoire, un soliste inattendu : Spock qui grattait les cordes de son luth stellaire, faisant monter dans les airs une mélodie tellement irréelle que le Capitaine avait l'impression que ses pieds allaient quitter le sol. Bones, à côté, était médusé, muet, saisi, réduit au silence, incapable de dire un seul mot. Il écoutait. Et là, se produisait en même temps quelque chose d'incroyable, la douleur dans sa tête s'était évanouie. Il avait toute la technologie de son temps, réduite et immédiatement efficace, son tri-cordeur pouvait tout analyser, tout guérir, enfin presque tout, car à y repenser, il n'avait pas pu... , il n'avait rien pu faire. Oui c'était exact, son proto-plaseur stoppait les hémorragies et les épanchements, mais il n'avait su supprimer cette incessante douleur dans son oreille. Et quelques notes sur un instrument improbable avait eu ce pouvoir là ? Non, Léonard Mccoy n'était pas homme à se laisser bercer par ce genre de frivolités ? Et pourtant, le calme était revenu sous son crâne. Et ça, il devait bien l'admettre. C'était logique. Ah non, voilà maintenant qu'il se mettait à paraphraser le gobelin au sang vert.

***

« comment on résiste à ça, Bones ? » Le médecin fit un signe de la tête, indiquant à son supérieur qu'il n'y avait pas de réponse positive à cette question. Les yeux du médecin oscillaient entre mélancolie et incrédulité doucereuse. Le capitaine Kirk, chaviré par ses propres remontées émotionnelles, doucement laissait lui aussi venir à lui les sensations et les souvenirs. Ils lui brûlèrent les yeux, ils étaient couleur de cendre, ils avaient la saveur des matins gris et tristes, ils avaient le parfum d'une femme seule qui avait essayé de le faire avancer droit sur le chemin de la vie. L'ombre au-dessus de lui était immense, si vaste, le poids d'un nom était si lourd sur ses épaules. Comment être Jim quand Georges avait été tellement autre chose que Georges ? Il était né le jour où son père avait été arraché à la vie. Il était le fils de l'amour, il le savait, mais il était surtout le fils d'un héros qui avait donné sa vie pour sauver son équipage.

Tandis qu'il relevait lentement la tête, il saisit quelques larmes dans les yeux de son praticien. Ses mains s'étaient mises à trembler, des mains de chirurgien qui n'avaient jamais tremblé auparavant. Devant lui flottait l'image d'une petite chimère, sa fille, toute fragile comme une étincelle. On lui avait déposé dans les bras un petit nid d'ange et il l'avait délicatement soulevée. Il l'avait tenue dans ses bras, il l'avait aimée immédiatement, à l'instant où il avait posé ses yeux sur elle, qu'il avait effleuré sa petite joue. Il avait juste prononcé ces mots « oh mon dieu, elle est si belle ». Oui, leur beauté endormie était tellement belle, si paisible dans son silence, si immobile, dénuée de tressautements ; ils n'avaient cessé pendant de très longues secondes de lui toucher la joue, les doigts, de lui caresser les cheveux, de s'imprégner de la douceur de ses traits. Une empreinte de son petit pied, une empreinte encrée de sa petite main, une mèche de cheveux, et beaucoup de portraits en noir et blanc pour fixer son petit minois. Si peu de temps à l'avoir eu dans les bras, avant de se séparer d'elle, sans pouvoir rentrer à la maison avec elle, sans pouvoir la présenter à sa grande sœur, sans pouvoir l'amener ailleurs que dans son berceau de terre, mais garder d'elle tant de choses.

***Bones poussa un long soupir en entendant le silence autour de lui. La musique s'était éteinte, les instruments s'étaient tus et le rideau s'était lentement refermé. Mais ce silence qui suivit était encore de la musique, il tourna lentement, très lentement la tête, respirant profondément. Il était hors du temps, emmêlé dans un tourbillon de sensations, ne sachant pas comment, n'osant pas dire un mot. A cet instant précis, il se sentait aussi démantibulé, émotionnellement parlant, que lorsqu'il avait été ramené à bord du vaisseau, la première fois où la bestiole à dispersion d'atomes avait fait son œuvre sur lui. Désorienté, propulsé hors de son ressenti en une fraction de seconde. Pour sûr, l'atterrissage était quelque peu violent. A ses côtés, le capitaine tentait, lui aussi, de recouvrer ses esprits, de se refaire une contenance. Il fut aidé par le bip-bip d'un de leurs appareils. Restait juste à le localiser celui-là.

« capitaine, j'ai le mien » ajouta Bones, en se retournant vers la source sonore.

« Et le mien est dans ma poche. Ce qui fait que c'est celui de Spock qui sonne » conclut le capitaine avec un petit sourire.

« Répondez. Enterprise à Capitaine Kirk, répondez. Où êtes-vous, RÉPONDEZ », scandait la voix métallique dans l'appareil. Voix déformée par les distorsions spatio-temporelles.

«Oui, oh, ça va. On vous cherche, minute papillon » grommela Bones en repoussant quelques encombrants sur son passage, se dirigeant au bruit. « c'est ça, continuez de biper, on arrive ». Le capitaine, juste derrière lui, bifurqua soudainement vers la droite et se trouva nez à nez avec son premier officier en charge du commandement scientifique du vaisseau. Ce dernier était là, debout, comme si de rien n'était, impassible. Sans dire un mot, il avança vers un recoin de la grange, localisa son communicateur près d'une bâche, le ramassa et repoussa le rectangle grillagé doré qui protégeait les boutons.

« Spock à Enterprise, Communication établie, parlez ». Le capitaine Kirk et Bones allaient ouvrir la bouche quand Spock leva la main, leur faisant signe de ne pas poursuivre.

« Spock, ici ingénieur Scott, commandant suppléant. Enfin nous vous tenons. C'est quoi ce fourbi ? Ça fait des heures qu'on essaie de vous joindre, on a perdu la liaison quand on vous a téléporté. Qu'avez-vous trouvé ? Où êtes-vous ? Quelle menace pèse sur la population? Et Y en a-t-il ? Nos relevés ne donnent rien, juste une position vers laquelle on vous a téléportés. »

« Illogique, Commandant suppléant. Il est légitime pour vous de vouloir des réponses, alors cessez de poser des questions, ou laissez-moi le temps d'y répondre. » Bones se sentit tout autant visé, c'était évident qu'il aurait eu, lieu aussi, posé quelques dix milliards de questions.

« Nous avons été séparés et avons perdu la notion du temps. Nous allons effectuer une ronde d'observation et nous vous recontacterons. Spock. Terminé » ajouta t-il calmement, avec tout le sang froid dont sa carcasse au sang vert était capable.

« Si ça ce n'est pas une ellipse taille XXL, je ne m'appelle plus Bones » ironisa le médecin chef officier de l'Enterprise, tandis que le Capitaine commençait à faire une inspection des lieux.

« Pardon, docteur. Mais il n'est nullement question d'éclipse » s'interrogea Spock. Et le docteur vit se lever le sourcil gauche du Vulcain, seul signe de son étonnement.

« V'là autre chose. Vous étiez trop près de la sono, hein, c'est ça ? Vous voilà à demi-sourd. J'ai dit ELLIPSE.

***A bord de l'Enterprise.

"Carnet de bord du capitaine, coefficient espace-temps 4807.7. Sommes remontés d'une mission de sauvetage suite à un appel de détresse reçu en salle de commande. Me suis téléporté avec Mr Spock et le docteur Mccoy. N'avons rencontré absolument personne. Sommes demeurés dans une vieille grange vermoulue et poussiéreuse. Avons subi des désagréments, le docteur et moi, avons assisté à un étrange spectacle auquel fut mêlé Mr Spock. Il est à cet instant, incapable d'expliquer ce qui s'est produit, il a juste la sensation d'avoir pris part à une expérience. Avons été réunis sans qu'il ne soit possible de fixer une quelconque notion de temps écoulé. Avons très peu de données relevées. Sommes revenus à bord de l'Enterprise avec quelque chose qui est en train d'être décontaminé et analysé ».

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire muriel Maubec ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0