Et de quelques entretiens spontanés avec ma bibliothèque avant (quasiment) de me taire

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Introduction à la psychanalyse - Freud

À 12 ans, dans ma chambre, entouré des fantômes qu'offre au regard une solitude trop prolongée. Je décidai ce jour-là de suspendre mes occupations avec le CNED, d'aller jalouser de l'œil, par-delà la fenêtre, les enfants se renvoyant un ballon, tantôt du pied tantôt de la main. Mais las enfin de voir leurs sourires, je pris la résolution de retrouver les bras de mon père, lui tirer la manche, lui qui me tenait lieu de seul ami.

L'ami me proposa alors de se perdre en librairie.

Et ce fut ainsi à 12 ans que je découvris pour la première fois ce conquistador et sa découverte de l'Inconscient, et quelle découverte ! Je fus si frappé par celle-ci que depuis Freud a droit de cité éternellement sur ma table de chevet.

La Nausée - Sartre

"Nous savons où nous allons" me dit avec autorité le prêtre, "sans savoir où nous sommes" poursuit plus prudemment le philosophe.

La réalité est dégoûtante, angoissante ; elle coule toujours plus devant nous. La grimace nous vient alors tout comme quand, subjugué, nous voyons une femme qui par ses vulgaires et grosses larmes anéantit la fixité (mensongère) d'un mascara à bas marché – et il perle d'une encre écœurante sur ce visage de femme (à la pâleur qui, au passage, n'indique rien qui vaille).

Le sens, le vide, le monde – répétez cette formule, debout, sans balancer, face au soleil estival, insupportable ; répétez-la tout en pensant à la personne qui vous a trahi ; répétez-la encore en humant cette fois du mauvais vin – et vous verrez l'absurdité de tout ! Et vous verrez l'originalité de ce livre.

Un jour, le crime - J.-B. Pontalis

Le crime fascine. On admire toujours ce que l'on n'arrive pas à faire : escalader un mur, gravir une montagne, pousser quelqu'un du sommet...

Le crime, c'est l'appel à recroquer dans la pomme, à succomber à la tentation d'un appétit primitif, premier, en somme l'appel à libérer notre moi du "sur".

Le crime fascine, parce que garantie offerte par le passage à l'acte de recouvrer un état de grâce : celui des temps premiers où hurlements et pulsions étaient encore souverains.

Typhon - Conrad

La mer, aussi fascinante qu'angoissante. Sa stabilité portée disparue chaque fois qu'éclate une de ses incessantes crises de bipolarité, et sa surface d'huile tourne alors vite au vinaigre.

Jusqu'à ce que, là, soudain, une lame de fond. Et elle éclipse (ne fût-ce que par son ombre) l'espoir que les marins pourront un jour, une nuit, regagner la terre ferme.

Typhon, monstre des mers, ainsi qu'un drôle de cheval galopant de haut en bas, fond tout à la verticale et tout à coup sur un bateau souffrant déjà sur le roulis d'une mer devenue informe et comme possédée.

Les vagues écument, bavent, enneigent l'équipage et leur bateau ! Et le monde entier dans leurs yeux se retourne sous l'effet du terrible ressac. Les regards s'immobilisent et vertiges et nausées s'intensifient. Reste que le capitaine et ses hommes ne sont pas au bout de leur peine : Poséidon libère contre eux – eux les descendants d'Ulysse ! – Typhon aux embruns sans pareil.

Eloge du risque - Anne Dufourmantelle

Comme tout névrosé digne de ce nom, je hais le risque. Je répugne de toutes mes forces l'idée selon laquelle il faut sortir de temps en temps de sa zone de confort. Recroquevillé dans l'alcôve de ma chère inhibition, moi, je veux à jamais y rester.

Déjà, petit, je me sentais coupable de laisser s'échapper d'entre mes doigts le ballon de baudruche s'envolant alors vers l'éther. Je le concevais comme un grave danger ! ( "Et si mon ballon allait perturber le vol d'un avion et ainsi causer la mort du pilote et de ses passagers..." ).

Ouvrir ce livre, tremblant, fut pour moi le risque de me voir railler par l'auteur ( son spectre : "Quel lâche tu es ! Aucun courage en comparaison à moi !". Chose faite. Humilié, je sentais que je n'avais plus rien à perdre. Mains toujours tremblantes, j'immobilisai mon regard sur l'incipit par peur d'avancer. Mais enfin, le courage émerge, émerge d'on ne sait où. Et à mesure que les pages se tournèrent mon assurance crût jusqu'à bientôt me peindre, au moment où mon goût pour l'aventure n'y tenait plus, le tableau où je me figurai prendre le risque de me mettre debout au milieu des hautes herbes du dehors – sabrant lianes, branches, entraves en tout genre ! J'osai enfin me perdre dans l'inconnu, m'engouffrer dans l'obscurité des maquis et des maquis d'une taille qui défiait véritablement les mots ! Et bonheur, j'aurai ri ! C'est le meilleur épouvanteil contre le Réel que de rire, n'est-ce pas !

Le temps de cette lecture j'aurai pu sauter à pieds joints au-dessus de mon inhibition, de ma peur pathologique du danger, du nouveau ! J'aurai risqué le risque, oui.

Pour cette femme – immense femme ! – le risque aura été un compagnon de route pour le meilleur – l'écriture, je veux dire le risque de l'écriture, le risque aussi de l'amitié et surtout le risque d'aimer –, mais également pour le pire – quitter avant l'heure ce monde : pour avoir sauvé les enfants d'un homme, son ami, de la noyade.

Introduction à la pensée complexe - Edgar Morin

Complexité, mot problème plus que solution... Penser le complexe, c'est penser contre-intuitivement, c'est penser contre soi-même, à rebours d'une pensée commune, unidirectionnelle.

Je m'interroge beaucoup sur ce que signifie la Vérité. Je me la figure d'ailleurs comme la chouette : toujours on l'entend mais jamais on ne la voit. Oui, j'entends ses hululements – elle chante, nargue, chante encore et nargue toujours de loin en loin. Jeu infernal de va-et-vient. Mais jamais je n'aperçois en effet sa silhouette. Si détestable est-elle, si exécrable, car complexe par nature, qu'il manquerait de pierres sur terre si on décidait tous ensemble de la lapider !

Mais où est-elle cette Vérité ? À Morin de me souffler : "Pour sûr, si elle est quelque part, c'est dans le complexe !". Pêchant par naïveté, à moi de dire : "Mais qu'entends-tu au juste par "complexité" Edgar ?". Et lui de répondre que "la complexité, c'est comme un écheveau à démêler, où plusieurs choses sont intriquées ensemble." Et la Vérité, si Vérité il y a vraiment, se trouvera nécessairement, poursuit-il, au confluent de plusieurs disciplines. Il faut, et là est l'impératif catégorique de Morin, être dans la pluridisciplinarité, c'est-à-dire dans le complexe, à la seule fin de se rapprocher de cette... de cette satanée Vérité !

La faim - Knut Hamsun

Il est des livres qui pour prendre pleinement sens doivent être lus soit avec l'aiguillon de la passion triste, soit sous le traversin de l'angoisse.

Étouffé, asphyxié dans un clair-obscur lors d'une journée indécise, automnale, une détestable, une où le temps est presque arrêté, où le temps suinte à la manière des gouttes noires d'un robinet de campagne. Je me sentais mal. Mon existence et ses affres. La terre s'ouvrait sous mes pieds. Dépression. Chute à la verticale nette. Ça tombait bien puisque mon corps chuta ce jour-là sur ce drôle de livre, à la couverture amortissante et jaune, mais non solaire, un jaune plutôt avarié.

Quelle fut ma stupeur quand je le découvris ! Car pire que le mien était le désespoir de cet homme, et quelle consolation !

Cet homme, à la chair sentant trop le vécu, la putréfaction, cet homme qui ne mange, quand il mange, que pour trouver justification à son fouet invisible de meurtrir son dos !

Manger, et comme le Pharmakon chez les Grecs, était à la fois pour lui panacée et poison, solution et problème. La culpabilité. Héritage de ceux qui ont croqué dans le fruit défendu (celle-ci dissimulée mais pressentie comme l'est le ver rongeur dans la pomme belle mais indigeste). Condamné à se traîner aux limbes d'une détresse, à la complaisance par espoir d'être sauvé, poussé à l'intérieur, toujours à la fringale mais dont il ressentait, étrangement, un manque et parfois aussi son manque : le manque du manque.

Quand dire, c'est faire - J. L. Austin

"Je vous déclare mari et femme". Voilà une parole faisant monde comme par enchantement. La langue trempe son pinceau dans la palette bariolée du symbolique pour peindre une réalité concrète, matérielle – langage performatif (mais devient cependant "perforatif" quand le langage lui-même se retourne contre nous).

Acte parlant, ou parole actant, c'est ce geste permettant de conférer au symbolique un pouvoir matériel. Ce qui peut lui donner une visibilité matérielle, tout comme le fantôme qui tente de se vêtir d'un manteau pour s'offrir au regard du rêveur.

Ce livre m'a performé et de telle sorte que tout ce que j'écris depuis lors, je l'écris avec le souvenir toujours présent dans mon esprit que, en effet, "dire, c'est faire".

Toute l'histoire du monde - Barreau et Bigot

Petit garçon, j'avais coutume de trouver sur les genoux de mon grand-père un trône où je me sentais siéger en roi quand lui me racontait des histoires.

Et tantôt grand-père grossissait sa voix – "Ah Jules César, regarde ! il franchit le Rubicon !" – et tantôt sa voix murmurait, pour alors me faire part de son admiration et si grande qu'elle en devenait presque silentieuse, toute discrète, voire quasiment inaudible – "Ah, Napoléon, d'abord petit Corse, puis chef de l'artillerie, et enfin empereur...".

Sur ses genoux, sa voix passionnée poursuivant la lecture passionnante, j'aurai voyagé, tellement voyagé ! Dans ce livre ouvert, j'aurai tant remonté le Nil, apostrophé l'épaule de Socrate, pris les complots contre Henry IV en flagrant délit et parmi mille autres choses que j'aurai faites encore ! Mais j'aurai aussi beaucoup ri avec lui ! Ri par exemple de la candeur d'un Christophe Colomb pensant fouler la terre d'un continent maintes fois déjà foulée et ri encore !...

Les Souffrances du jeune Werther - Goethe

L'Iliade comme livre de chevet pour le jeune Werther, bréviaire pour une vie ailée ! Dans ce livre le héros plonge comme on le fait dans un baptême : tête sous l'eau et on en ressort plus frais et inspiré que jamais !

Ah l'amour ! Lorsqu'on aperçoit celle qu'on aime, l'instant s'ennoblit alors ! s'éternise ! se transforme en palpitations ! en baisers, en rires, en tout !... Elle, cette élue. Désormais notre centre de gravité.

Sur les nuages de l'Olympe, la vue est plus belle certes. Mais l'air est plus rare. De même sur les échasses de l'amour la vue est belle, magnifique, mais le vent plus menaçant, le vertige grise enfin et la menace d'une chute, plus fatale que jamais. Au moins le jeune Werther aura pu profiter d'une telle vue avant de...

La vie devant soi - Romain Gary

Mort d'une balle dans la bouche. Son corps tombe avec sa robe rouge sur le sol et son âme, son regard et son sourire s'évanouisent dans la nuit.

Il aura toujours aimé le noir.

Petit Gary s'imaginait (en tout cas moi je l'imagine pour lui), enfant, qu'il pourrait, et si Dieu l'eut permis alors, faire de la balançoire au-dessus des étoiles et des hommes – le moment et surtout la nuit venus.

Pour moi aussi la tentation est grande... Mais je me rappelle quand même que la vie est encore devant moi.

Tractatus logico-philosophicus - Wittgenstein

La Vérité jaillira-t-elle d'une contradiction entre deux choses (ou plus) à la manière d'une flèche propulsée par deux cordes se bandant dans un sens contraire ?

Est-on jamais sûr que le soleil se lèvera demain. Fruit trop mûr de l'arbre du "tropisme cognitif", l'homme s'enivre jusqu'au cyanure de son noyau. Son nom : l'habitude. L'apparition et la réapparition du soleil, rien d'autre qu'une sorte d'abus de langage ? (Hume, ce prophète).

Et enfin, ne doit-on taire ce dont on ne peut parler ?! Au risque, sinon, de se heurter au roc du réel. Celui, innommable en réalité, qui est au non-réel ce que par exemple le vide dans et en dehors du vase est au vase lui-même.

Poétique - Aristote

Aristote, ah ! Homme d'autant plus fascinant que ses prouesses sont plurielles : père de plusieurs enfants et qui répondent aux noms de Biologie, de Psychologie, de Littérature, de Métaphysique, de Politique (même si celui-ci il est vrai a Platon pour grand-père)... Père illustre d'une famille non moins illustre et nombreuse !

Balzac n'a-t-il pas dit, de mémoire, qu'il peut y avoir une plus grande différence entre deux hommes qu'entre un homme et un animal ? Et je crois qu'Aristote illustre parfaitement le propos, semble même signaler, par sa personne, ce grand homme, une plus grande proximité avec la pieuvre (encore que ce ne soit pas le meilleur exemple) qu'avec les hommes !

Ce livre ne serait pas aussi tragique si la comédie n'y faisait défaut. Hélas, le temps et ses dégâts, toute une histoire...

Le Procès - Kafka

Comme si on se réveillait d'un rêve incestueux. Nous affleurons à la surface d'un monde étouffé sous le poids d'une culpabilité (héritage de père en fils depuis les temps antédiluviens).

Que Culpabilité soit, et les érinyes furent ! "Vous êtes coupable Monsieur, coupable, coupable de l'être !" faute d'une raison.
Le chef d'accusation se fait par contumace : l'objet accusé est absent. À jamais absent.
"Je sais que je suis coupable, mais demandez-moi de vous l'expliquer et alors je ne sais plus", nous dirait un Saint-Augustin se confessant, après minuit, et cette fois réellement.

Épée de Damoclès qui chancelle, chancelle – stalactite menaçant ! – chancelle encore et encore, et enfin s'effondre sur nous.
La culpabilité le condamne à débattre éternellement entre lui et lui – soliloque menant à brève échéance soit sur le divan soit sous un suaire – ou à demeurer dans une nuit sans rêve, dans une nuit blanche, où réalité ne rime qu'avec débilité.

Nadja - André Breton

Quand elle est à mes côtés, je m'ennuie, mais quand elle est loin, je m'en languis...

Ah l'idéal ! n'a de sens que pour autant qu'il reste, toujours, à distance.

Ce qui donne de l'intérêt, du sel au cache-cache, c'est précisément l'impossibilité de trouver celui ou celle qu'on cherche. Et de même, l'idéal gît dans un clair-obscur, à la lisière entre ce qui est et son contraire – pour prendre sens.

Nadja ! Comme le flocon de neige qui fond dès qu'on le touche, l'idéal meurt dès qu'on tente de l'étreindre. Nadja, infernale que tu es ! Tu-er ? Peut-être...

Telle la cascade qui chute poussée par la fatalité, le père du surréalisme, par association d'idées, court droit devant lui sans jamais faire marche arrière, donnant ainsi l'impression que ce livre est à la fois le brouillon et le final, l'ébauche et le chef-d'œuvre.

La Généalogie de la morale - Nietzsche

Questionner la valeur de la valeur. Plonger puis étouffer la tête dans l'humus des choses. Courir à la racine des mauvaises herbes et la déraciner avec les dents s'il le faut !...

Perdue à travers un champ d'orties, la belle et fragile petite fleur toute blanche a dû émouvoir tout ce gros monde épineux pour survivre. Et tout de même le petit homme, mou et balbutiant, a dû faire les yeux doux aux hirsutes et autres durs à cuire pour lui aussi monter dans l'Arche. Et pour ce faire, sans doute, l'improvisation : faire de son fourreau une épée, faire de son fiel un miel, de son ressentiment une fierté, de son obscurité une lumière, sa faiblesse une force...

Nietzsche. L'étoile polaire grâce à laquelle je navigue sur la mer tumultueuse, informe, que les flots mièvres et pleurnichants d'un nihilisme d'une nouvelle race tentent piteusement de lisser.

L'insoutenable légèreté de l'être - Kundera

La seule dialectique qui vaille : la pesanteur et l’apesanteur. Tout le reste, exposons-le, sans haine et sans regret, au vent menaçant – qu'il emporte tout ce fils indiscipliné d'Eole !

À mesure que nous froissons les pages, que nous les écornons (pressé que nous sommes), la rose de l'amour s'étiole, se fane, se meurt au milieu du ciel noir, noir par le plumage noir des noirs corbeaux volant au-dessus du vide, la terre, la vie...

Plus l'arbre est grand, plus la gravité se fera autoritaire et plus les fruits alors forceront à ployer ses branches en direction du sol. Et il en va de même pour la croissance de l'être. Le temps qui, comme la gravité, tire, étire, attire. Le temps, ce bourreau.

Tout est question de pesanteur et d'apesanteur, de haut et de bas, de bien et de mal, de lumière et d'obscurité. Tout est question de gagner du temps, d'obtenir un sursis, de retarder une chute inévitable.

Les mythes grecs - Robert Graves

La mythologie grecque recèle des vérités comme l'écrin dissimule ses joyaux. À nous alors, lecteur et aventurier, de les découvrir.

Nous nous devons vraiment de lire cette mythologie, dans la mesure précise où les textes principaux, fondateurs (tels Homère, Hésiode), nous renseignent, à travers métaphores et allégories, feux follets et danses des elfes, nous renseignent sur nos préoccupations de toujours.

Ce livre ! Bréviaire génial d'une taille homérique (plus de 1000 pages) est une magnifique synthèse illustrée, une incroyable fontaine de jouvence et où les vérités de notre être et par-delà demeurent à jamais dans la fleur de l'âge.

Madame Bovary - Flaubert

Elle se tient à la fenêtre, seule. Elle s'imagine derrière la ligne d'horizon, ou peut-être dans les bras d'un autre.
Dehors, ça pleure de là-haut. Des cordes tombent et elle aussi, des larmes coulent. Sans doute attend-elle qu'un je ne sais quoi d'extraordinaire (un meurtre au village par exemple) la ravisse au règne de sa vie monotone, vie ordinaire.

Ses rêves, qui ne se réaliseront jamais, passent devant elle, elle toujours à la fenêtre, comme les virevoltants dans les cassettes poussiéreuses où de temps en temps des cow-boys errants apparaissent pour disparaitre aussitôt. Rien. Elle souhaitait juste de la chaleur et un peu d'embruns de champagne ou même de vin, au moins une fois dans l'année... C'est tout.

La vie d'une femme, parmi d'autres, à une époque où l'ennui leur tenait d'occupation, et le silence d'animation ; toujours leurs rêves s'échouant sur les rivages de l'Ailleurs

Bref traité du désenchantement - Nicolas Grimaldi

Dans mes premières années, j'attendais que quelque chose se passe, une catastrophe naturelle peut-être : tsunami, tremblement de terre ou même un assassinat contre le peu de mes proches qu'il me reste encire. Juste quelque chose. N'importe quoi, à vrai dire, mais un truc. Un petit divorce parental par exemple ? Qui aurait eu la vertu d'occasionner gifles et noms d'oiseau au quotidien. Juste ça aurait amplement fait l'affaire. Ca aurait été pas mal, pas mal du tout. Pourvu seulement que ce quelque chose eût l'effet de déchirer le voile, un peu, de la routine de mon petit monde, morne, monde automnal, misérable petit monde.

"Nous ne vivons jamais, mais espérons vivre" apparemment. Nous attendons oui, toujours. Et alors, évidemment, un désenchantement. Quelque chose de triste se fait jour dans l'obscurité d'une salle d'attente. Pourtant, nous attendons, encore, ce fameux Médecin. Néanmoins ne se montre toujours pas. Nous bavons à présent et transpirons de plus en plus d'attendre, d'attendre, d'attendre. En même temps comprenez, qui sinon nous révélera le POURQUOI des choses, si lui-même ne se découvre pas à un moment ou un autre pour nous les dire ? Donc, attendre. Mais je finis, moi, par me dire que c'est peut-être parce qu'on ne le voit pas qu'on continue finalement d'y croire... Peut-être que tout est question d'espoir, ou de son contraire, dans l'attente. Et un homme qui n'attendrait plus aurait sans doute l'occasion de se passer vraiment du grand Médecin et pourrait, surtout, commencer à cultiver son propre jardin.

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