Ours

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 La soirée était organisée par le comité des étudiants, en extérieur, dans le parc juste à côté des bâtiments scientifiques de l’Université. Au centre, une grande scène avait été montée, sur laquelle un DJ jouait des platines pour déchainer les jeunes sur la piste de danse. Ça criait, ça chantait, plus ou moins, et ça se déhanchait tout autour de lui, sous les lumières colorées des projecteurs.

 Plus proche des frontières, près des rives du petit lac qui bordait l’Université, les Cerveaux préféraient discuter et plaisanter autour d’un verre – ou deux. Pour la troisième fois déjà, les jumeaux racontaient la réaction immédiate de leur paternel au contact du parfum. Hilares, Aldebert et Amos en redemandaient, tant et si bien que l’histoire ne ressemblait plus beaucoup à leur première version.

 — Y a un truc que j’comprends pas, intervint Dorothéa en se trémoussant un peu. Demain, on n’a pas cours, c’est samedi. Il avait encore moins d’excuse.

 — Ça, notre père ne le sait, répondit Oscha avec un sourire complice à son frère.

 — C’est notre excuse pour éviter qu’il nous traîne sur un de ses chantiers. On préfère travailler au Labo N°13.

 — Parce qu’on sera en état, demain ? questionna Aldebert en essayant de boire dans un verre déjà vide.

 — Si on se réveille le matin, ce sera déjà un miracle, voire une pénitence.

 — Très drôle, Amos. Bon, c’est mon tour, je vais chercher à boire. Puis on ira danser, vous me l’avez promis !

 — D’acc Doro.

 Aldebert et Amos se tournèrent l’un vers l’autre pour éviter d’éclater de rire, ce qui ne fut pas très efficace. Depuis quelques mois, ils se doutaient déjà que Dorothéa avait un petit faible pour Rémus. Le moindre indice en ce sens les mettait tous deux en effervescence.

 La jeune fille partit en direction d’un bar. Le comité en avait mis quatre à disposition afin de satisfaire les hordes de jeunes en manque de boisson ou de snack. Mais un mouvement de foule attira son attention. Une quarantaine de jeunes s’éloignait subitement des rives du lac, l’air effrayé. Du regard, Dorothéa suivit le mouvement inverse afin de comprendre la cause de ce remue-ménage. Ce qu’elle vit lui fit se poser des questions quant à sa consommation d’alcool.

 Une grosse masse s’extirpait lentement des eaux du lac en se dirigeant vers le bar proche, abandonné par ses serveurs. Sur ses quatre pattes, l’animal était surement déjà plus grand que Dorothéa. Mais quand il se mit debout, c’était un ours de bien 3 mètres de hauteur qui s’invitait à la fête.

 Elle resta figée un temps indéfini, à contempler l’animal se servir dans les stocks prévus pour les étudiants. La musique s’était soudainement coupée et le DJ venait de passer une annonce visant à évacuer le parc au plus vite. Mais Dorothéa n’avait rien entendu. Il fallut que Rémus l’attrape par le bras pour qu’elle réagisse enfin.

 — Doro, faut sortir !

 — Qu-Pardon ?

 — Faut qu’on y aille !

 — Mais…

 Elle se tourna de nouveau vers l’ursidé. L’animal festoyait sans se soucier des soucis qu’il causait. Il gâchait leur soirée, et pourtant Dorothéa ne pouvait pas partir en sachant ce qui risquait d’arriver.

 — Amos, ton père est policier, il t’a parlé de l’ours ? demanda-t-elle en se tournant vers les autres.

 — Heu, oui…

 — Ils ont ordre de le tuer, pas vrai ?

 Amos se mordit les lèvres. C’était effectivement le cas. L’Ours de Louvain n’avait rien à faire là et le Ministère de la Gestion avait donné pour ordre de l’abattre pour éviter des dégâts ou des blessés. Il acquiesça.

 — On peut pas… faire quelque chose ?

 — Doro, tu veux qu’on fasse quoi, au juste ? demanda Oscha avec appréhension.

 — Il vous reste pas… un peu de parfum… ?

 Oscha, Aldebert et Rémus parurent consternés. C’était de la folie ! L’ours pouvait très bien les décapiter d’un seul mouvement de patte. Même la jeune fille se rendait compte petit à petit de ce qu’elle demandait et baissait la tête. Mais pas Rémus.

 Sans rien dire, le jeune prodigue lâcha son amie et sortit de ses poche un flacon de parfum anesthésiant. D’un pas décidé, il se dirigea vers l’animal, aussitôt rejoint par Oscha qui ne pouvait abandonner son frère.

 — Woaw… alors c’est vrai, l’amour donne des ailes, chuchota Aldebert à Amos.

 — L’amour… Ou l’alcool. Sur ce coup, je parie sur l’alcool.

 Quand les jumeaux arrivèrent à bonne distance de l’animal sauvage, ils ralentirent. Un ours était largement capable de rattraper un humain à la course pour le tuer. C’était un des plus dangereux carnivores de la planète. Heureusement, un stock de hotdog requérait toute son attention en ce moment.

 Parlant saucisse, Oscha se baissa pour en ramasser une, abandonnée par un jeune fuyard. Qu’à cela ne tienne, c’était là leur chance. En prenant garde de ne pas en respirer, ils répandirent le contenu du flacon de parfum sur la pièce de viande industrielle. Puis ils prirent leur courage à deux mains et hélèrent l’animal. Au bout de quelques minutes, il tourna la tête vers eux et poussa un rugissement. Un peu pris de panique, ils lancèrent la saucisse dans sa direction et prirent aussitôt la poudre d’escampette.

 Heureusement pour eux, l’ours eut la meilleure réaction possible. Il avait beau avoir tout un stock à portée, la viande lancée avait piqué sa curiosité. Il s’approcha donc et la renifla. Il l’aurait bien mangé, mais ses forces l’abandonnèrent aussitôt et il s’écroula, endormi.

 Ayant observé ce spectacle de loin, les jeunes accueillirent les jumeaux avec des exclamations rassurées. Les deux Higgs eux-mêmes n’en revenaient pas. Leur plan, le plus stupide qu’ils aient jamais eu, avait fonctionné.

 — Sur ce coup, si Dieu existe, il était avec nous, soupira Rémus.

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