Présentation

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ASPTT Paris Parachutisme

(1976 – 1987)

C’est à la cantine de la rue Barrault que j’ai vu pour la première fois, sur une porte d’accès au restaurant self-service, à l’étage le plus élevé, une annonce sur papier au format A4 de l’existence d’une section sportive dédiée au parachutisme. Il y avait deux raisons possibles de ma présence rue Barrault, dans le 13 ème arrondissement à Paris :

Soit les cours de début de poste, préalablement à mon affectation au service des Bâtiments de la Direction des Télécommunications d’Ile de France, au 18 rue Armand Moisant dans le 15 ème arrondissement à Paris

Soit des cours que je donnais pour des techniciens qui voulaient passer le concours d’inspecteur technique

Soit les cours que j’ai suivi pour la préparation à l’ENSPTT, mais ces cours je ne me vois les suivre que vers l’année 1979, et du parachtisme, j’en ai fait bien avant cette date.

Le juge de paix sera bien sûr le carnet de saut, un document assez épais où tous les sauts étaient décrits et évalués par le moniteur largueur, généralement, un parachutiste tout à fait expérimenté. Il y a là les dates des sauts, le lieu, et l’altitude. Une appréciation litterale indique comment l’exercice a été accompli par l’élève en progression.

J’ai eu la surprise, il y a peu de temps, à la fin de l’année 2005, de retrouver ce document dans le grenier de la ferme du Moulin à Thonne Les Prés, soigneusement classé dans un carton, mais pour tout dire, parfaitement égaré. Tout ce qui se trouve en carton va devoir un jour ou l’autre être rangé, mais que de trésors !

L’annonce devait mentionner un lieu de regroupement en semaine, le mercredi soir rue du Chemin Vert dans le 12 ème arrondissement, dans un très grand immeuble à usage de parkings pour des camions ou des véhicules plus légers de la Poste.

Au 7 ème étage, nous cheminions pour atteindre une grande pièce tout en longueur : on y apprenait à plier un parachute et à sauter en roulé boulé dedpuis une chaise. Le secrétaire vendait les licences et inscrivait les adhésions de l’ASPTT Paris Parachutisme.

Quand je suis arrivé à la section Parachutisme, on m’a rapidement mis au courant de l’histoire :

La section avait été créée à l’initiative de Nadine Salesses et de Daniel Touron. Nadine avait été recrutée à France Telecom comme Inspecteur sur Titres. C’était une grande fille, sportive bien sûr.

Daniel Touron était un garçon extrêmement mince, c’était un fil, avec des pulls ras du cou. Daniel Touron et Nadine Salesses s’exprimaient peu, ils étaient relativement mystérieux, pour les nouveaux arrivants. A l’opposé, il y avait la voix particulièrement accueillante d’un certain Michel Sarthe, originaire du Sud Ouest, qui est de retour aujourd’hui dans sa région natale. Michel Sarthe était tout en nerfs et en muscles, en fait Michel était une boule de nerfs aux aguets et sous contrôle, sans stress, avec une très grande lucidité et un regard sur tout. Yves Levrey jouait également un rôle : il travaillait à la Poste, et je ne savais, à l’époque, pas grand chose de plus sur Yves, si ce n’est en fait qu’il y avait deux courants :

Un courant qui pouvait être considéré comme élitiste : des parachutistes de haut niveau, Daniel Touron, Nadine Salesses, font une pratique sportive en petit groupe.

Et un nouveau courant, qui milite pour une ouverture, pour un élargissement, pour une démocratisation des sauts : tout le monde, aux PTT, et il y a à l’époque 450000 agents doit pouvoir accomplir ce sport réservé à une élite ou à des personnes qui ont l’opportunité de sauter gratuitement (armée dont gendarmerie, et quelques facilités pour la Police Nationale, ainsi que je le saurais par la suite).

Michel Sarthe et Yves Levrey pronaient l’ouverture au plus grand nombre. Un troisième personnage apparaît, il s’agit de Francis Demoustier, personnage particulièrement haut en couleur, qui avait un surnom : Ouverture Basse, mais je ne pouvais pas comprendre tout le sel de ce surnom à mes débuts de parachutiste.

Il me semble bien que j’ai été accueilli par un certain Jean-Michel Rousseau, qui était technicien des Installations (TINT) au CPE Tuileries. Jean-Michel tenait la fonction de secrétaire.

Donc je fais ce que font tous les débutants : je prends l’information d’un monde dont j’ignore tout, j’apprends à plier un parachute, je prends mon adhésion, ma licence avec la partie assurance auprès de la Fédération Française de Parachutisme. Je fais mon initiation à la réception au sol en roulé boulé.

Je me souviens bien du parachute qui est sorti des placards qui sont dans la pièce, des placards bas, sur lesquels on peut s’asseoir. Nous sommes dans une salle de réunion, avec une immense baie vitrée continue et une vue sur tout Paris. Le parachute est entièrement étendu, nous aprenons à bien plier la voile, à compter et à recompter les plis, à bien tirer sur la toile en nylon très fin de couleur blanche. Les parachutes sont de type 6520. Ils disposent d’une fente, située à l’arrière du parachute, ce qui permet de faire pivoter le parachute, vers la gauche ou vers la droite en agissant sur deux suspentes que nous avons à gauche et à droite.

La section ASPTT saute à Saint-Florentin dans l’Yonne. Quelle surprise, quelle découverte, lorsque je pars de Paris, je pars en voiture la citroën GS 1220 Club, ce qui permet de dater pour les amateurs de mécanique automobile.

Daniel Touron arrive à Saint-Florentin avec Nadine Salesses comme passagère. Simplement, il est dans une alpine renault bleue, une voiture sportive absolument extraordinaire, qu’il a toujours. Ils font bien évidemment une arrivée remarquée.

C’est un petit terrain de saut, qui n’a pas grand chose à voir avec le terrain de La Ferté Gaucher en Seine et Marne, qui dispose de Pilatus. Il y a une partie de la section ASPTT qui saute à la Ferté Gaucher, il y a par exemple Véronique Berthet, qui saute beaucoup avec des parachutistes de la Police Nationale. A saint-Flo, c’est plus pépère, c’est plus famille. Il y a quand même une petite restriction au niveau de la gastronomie : l’épouse du chef de Centre, je pense, enfin celle qui s’occupe de la tambouille des parachutistes, recongélerait systématiquement les plats qui seraient décongelés et recongelés…mais bref, je n’aurais jamais été perssonnellement malade à Saint-Flo. Michel Sarthe est très souvent en week end à Saint-Flo.

Dans la pratique parachutiste de l’époque, nous sautons en automatique avec une SOA, sangle d’Ouverture Automatique de couleur rouge.

Cette sangle, qui est lovée sur le haut du parachute dorsal est attachée par un mousqueton dans l’avion, sur une tringle puissamment fixée à la carlingue de l’avion. Les avions étaient des petits Cessna monomoteurs.

Un jour, j’ai eu la surprise de voir un avion totalement désossé avec tous les boulons, les vis et les tringleries les plus diverses et variées soigneusement étalées sur le sol du hangar. Daniel Touron était au centre de tout cela et il entretenait sa voiture alpine renault, l’avion de l’aéroclub avec le même soin, la même compétence. Avion dont la bonne maintenance était une des conditions nécessaires à une pratique du parachutisme minimisant les risques, et l’avenir allait me montrer, quelques années plus tard combien un défaut de maintenance d’un avion, d’un hélicoptère en l’occurrence pouvait avoir des conditions désastreuses.

Daniel Touron donnait entièrement confiance et quand je réfléchis à toutes ces personnes qui m’ont accueilli débutant, je leur dois une très grande reconnaissance, comme à tous ceux à qui ils ont donné : ils ont contribué, par leur intelligence, par leur travail, leur gentillesse, leur disponibilité de permettre à un groupe qui s’est constitué autour d’une envie commune, voler comme un oiseau dans les airs, avec un parachute sur le dos, de réaliser leur désir dans les meilleures conditions.

Aujourd’hui, plus de trente ans après, la cinquantaine bien entamée, je peux dire ce que je ressentais autour de mes 20 ans dans ce groupe de parachutistes. Nos échanges ont été d’une extraordinaire richesse et c’est quand même en regardant ce qui s’est passé que je peux le voir.

Il n’y a pas une personne dans le groupe des l’ASPTT Parachutisme et de tous les partenaires qu’ils soient gestionnaires des plateformes de saut où les adhérents ASPTT pratiquaient leur activité sportive où au cours de stages, ou au cours de week ends, Lyon, Strasbourg, Le Luc, Annecy, Saint-Florentin, La Ferté Gaucher, Laon, Dieppe, Bergerac, pilotes d’avion, moniteurs, encadrants sportifs, cuisiniers…

Quand je pense à la fonction de cuisinier sur une plate forme de saut, je ne peux que penser à des évènements qui m’ont marqué :

cuisinier de la plateforme du Luc, dans le Var :

Il s’agit d’un terrain militaire. Il y a une petite guinguette très sommaire avec je crois en noyau central quelque chose de très sommaire comme une caravane baraque à frites et des constructions de bric et de broc, mais c’est un endroit tellement sympathique pour se rafraîchir

Et une souvenir consternant : il perd ses deux enfants, graçon et fille dans le terrible accident d’hélicoptère en Allemagne

Le Luc, c’est là où j’ai fait la rencontre d’Emile Dabat, qui travaillait au garage des PTT à réparer aussi bien les voitures de la Poste que de France Telecom. Il avait plus de 50 ans. C’était un peu le papy de la section. Il parlait d’une voix très douce. Hélène Rugin et les autres filles de la section l’aimaient bien et blaguaient avec lui. Il était classique dans ses goûts gastronomiques et nous allions déjeuner et diner en ville dans les petits restaurants typiques de la Provence. Je me souviens d’une ballade sur une superbe moto avec Michel Sarthe, la chaleur incroyable de la Provence rend tellement agréable une ballade qui rafraîchit.

Il y a une personne au Luc que je dois remercier avant tout et plus que tous qui a eu le même niveau de vigilance que pour tous les jeunes parachutistes qu’il faut initier : cela devait être à mon dixième saut ou quelque chose comme cela. Je sautais en parachute, mais je ne comprenais pas tout très bien. Et j’avais oublié les fausses aiguilles dans les oeilletons de fermeture du sac du parachute dorsal. Si ne l’avait pas vu, je serais resté suspendu à l’avion, relié par la sangle d’ouverture du parachute et les consignes de sécurité sont très fermes : on ne met pas en jeu la sécurité de l’avion et des autres parachutistes en ce cas. Il convient de couper la SOA avec une hache qui est située dans l’avion. C’est le largueur du stick de parachutistes qui a cette mission délicate. A charge ensuite pour le parachutiste étourdi, libéré de l’avion de bien penser à provoquer l’ouverture de son parachute ventral.

L’homme qui nous vérifiait ainsi était un adjudant de l’armée Française. Je luis dois tous mes remerciements, de nous avoir traité tous de la même façon, avec la rigueur et la discipline de l’armée. On ne plaisante pas avec la sécurité. Pourtant, je me souviens qu’il faisait son job en short, il bronzait, il était content d’être à l’air libre, il plaisantait, mais cela ne rigolait plus du tout quand la sécurité était engagée.

J’avais en mémoire la condescendance, voire le mépris plutôt véhiculé par ma mère sur le grade d’adjudant. Ne pas confondre avec le grade de Général de mon père, disait ma mère, Mère qui n’avait pas réussi le concours d’agent dactylographique dans l’administration des PTT en 1935, donc nettement en dessous du grade d’adjudant, si nous nous permettons une transposition entre l’armée et une administration bien hiérarchique comme les PTT.

C’est Frédéric Desabaye, surnommé Bzhi-Bzhi qui avait été très sévèrement contrôlé : il avait l’habitude de ne pas serrer suffisamment son harnais et il avait de vilaines echymoses qui avaient plus ou moins cicatrisé sur ses épaules, là où frottaient les sangles du harnais du parachute dorsal. Frédéric était devant moi, l’adjudant voit que c’est réellement dangereux, il prend les sangles hautes du parachute et il montre à Frédéric qu’il peut passer au travers de son parachute, au moment de l’ouverture, en tirant brutalement les sangles de part et d’autre. Les cicatrices se remettent à saigner, et Frédéric Desabaye me dit, le temps d’aller vers la zone d’embarquement combien le traitement est violent. Mais ensuite, il a plus serré son harnais et il ne court plus désormais le risque de tomber au travers de son parachute.

Une fois, nous avons mangé au mess des officiers, grâce à Michel Sarthe.

Le Luc, c’est une organisation militaire. Une fois, dans le séjour d’une semaine, j’ai été à Saint Tropez en passant par la petite départementale qui passe par La Garde Freinet.

Le Luc, j’y ai été peut-être deux fois.

On dormait dans de grands dortoirs militaires, avec des lits en étage, mais on avait beaucoup de place.

La plate forme de parachutisme de Lyon était au Sud de la Ville, on devait voir les raffineries de Feyzin.

Lyon, ce sont d’autres souvenirs ; tout d’abord une équipe là civile. Il y a toujours des militaires sur un terrain de saut, ou bien également des policiers, mais le Luc, terrain militaire, on savait qu’on sautait chez les militaires :

Ordre et dicipline étaient au rendez-vous !

A Lyon, c’était bien sûr tout à fait différent. Il y avait un ordre civil, moins discipliné. J’ai une figure particulièrement en tête, un parachutiste instructeur extrêmement expérimenté, plein d’humour souriant, « déconnant à pleins tubes » il serait permis de dire. Il était pilote d’avion, et il lui était arrivé tant d’accidents qu’il avait beaucoup de métal dans ses os au point qu’il déclenchait les alarmes de sécurité en passant dans les portiques des aéroports dès lors qu’il y passait. Il était brevet fédéral 6, bien sûr.

Les sauts en commandé :

C’est à Lyon où j’ai enfin pu passer en commandé.

J’ai fait une progression en automatique extrêmement lente. Je n’avais pas du tout compris le bon positionnement. Michel Sarthe ne trouvait plus les mots pour me dire qu’il fallait que je sois absolument cambré pour avoir la bonne position pour chuter, pour se préparer à la chute libre que nous faisons dès lors que nous sommes en commandé.

Combien de week ends ai je du passer et faire des sauts, des sauts et encore des sauts en automatique avant de pouvoir goûter au bonheur du commandé. Je me souviens particulièrement bien d’un week end à saint-Florentin où le dimanche, j’avais réalisé 6 sauts. Pour moi, c’était absolument énorme ! Car il fallait que je plie mon parachute, que je trouve à chaque fois un vérificateur et il y avait deux vérifications à chaque fois à deux étapes du processus de pliage, avec signature du vérificateur sur une fiche en carton épais que nous devions avoir avant de se refaire vérifier, une fois que nous étions harnachés, près à aller dans la zone d’embarquement. Côté vérification, on peut dire qu’on était archi vérifié, car le largueur revérifiait une fois de plus sur la zone, parfois à pied avec nous, parfois il descendait avec l’avion. Et le largueur nous avait encore à l’œil, nous les débutants.

Donc je me morfondais comme cela pas mal en saut en automatique, à 700 mètres de haut, voir 1000 mètres, mais jamais plus. Je crois bien que j’ai du aller comme cela jusqu’à 70 sauts en commandé, ce qui est exceptionnellement médiocre. J’étais tout simplement un mauvais, je n’arrivais pas à trouver cette fichue satanée position bien cambrée qui permet de chuter face au sol. Personne ne voulait prendre la responsabilité, à juste titre, de me laisser faire un saut en commandé puisque je n’étais pas stable. Je voyais des progressions infiniment plus rapides que la mienne, et j’avoue que je ne comprenais pas, car pour tout ce qui est les exercices intellectuels, comprendre, apprendre et restituer au format imposé dans les études à la française, j’étais plutôt performant. Je me pose encore des questions aujourd’hui sur cette incapacité, qui n’a été aque provisoire mais qui, dans mon souvenir, a bien duré 3 ans au point qu’un moment, j’ai fait une quasi coupure. Je n’allais plus sauter, même pas en week end, j’étais, à vrai dire dégoûté absolument des progrès rapides que font les jeunes femmes dans le groupe ASPTT Parachutisme, en raison d’une cambrure qui leur est naturelle. Je me souviens que Michel sarthe me disait de tirer sur les bras et sur mes jambes, mais bref, cela ne venait pas, j’étais donc bien le moins doué de tous les adhérents.

Mais au fil du temps, la section cherchait des compétences de trésorier. Je ne savais à vrai dire absolument rien en matière de trésorerie d’association, mais je savais bien compter l’argent et j’étais fiable. Les autres dirigeants de la section étaient rassurés et soulagés de me voir prendre cette mission qui en aurait embarassé d’autres, et cela m’a donné l’occasion de mieux comprendre les rouages administratifs de l’association et d’avoir des rapports réguliers avec Busson, de l’Union des ASPTT. J’avais compris, grâce à Francis Demoustier, que Force Ouvrière était un syndicat bien représenté à l’Union de l’ASPTT, je n’avais pas vu à l’époque de liens évidents avec la Franc Maçonnerie, à l’époque ces questions de réseaux et de chapelle et de syndicats ne m’intéressaient pas beaucoup. On me donnait l’information, et j’engrengeais l’information, c’est tout. Mais il y a beaucoup d’informations que l’on m’a donné à l’époque et que je n’ai pas bien reçues, que je n’ai pas prises en compte, intégrées aussi bien que je le fais maintenant. Pas le même âge, aussi, bien sûr…

L’ASPTT est un des éléments du social des PTT. Il y a donc des enjeux, des luttes de pouvoir, des alliances, etc…

Je n’étais à cette époque que concerné par la cambrure des reins, les miens, non adéquate pour passer en commandé et cette ouverture en paquet alors que je chutais de façon totalement incontrôlée, mais suspendu à cette fichue SOA dont je n’arrivais pas à me débarasser.

Donc le miracle est arrivé à Lyon. Saint-Florentin, c’était donc associé à des échecs laborieux, beaucoup de pliage de parachute, donc, et également des nuits passées sous la tente, car il me semble qu’on devait payer un petit quelque chose pour avoir accès aux lits dans les préfabriqués en dur. Le camping, c’était gratuit. Donc je me souviens très bien avoir campé, je me souviens aussi des vols relatifs que j’ai vu et où Francis Demoustier était un des éléments de ces figures qui se rassemblent quelques secondes pour se reformer dans une autre configuration ensuite. Du vol relatif à des altitudes de 4000 mètres, des sauts en commandé à 2000 mètres et à 1500 mètres et moi dans mes sauts éternels à 700 mètres. Je n’étais pas content.

A Saint-Florentin est arrivé un des drames de la section : une toute jeune adhérente de la section, parachute ouvert, en automatique, a atterri dans une minuscule mare d’eau. La voile du parachute est tombée sur elle et l’a empêché de nager et de sortir de la mare. Elle est morte noyée, avant que les secours puissent arriver. J’ai gardé longtemps le souvenir de cette fille peu tonique, peu sportive, que je trouvais un peu sous influence. Il lui manquait la combativité, le punch, l’allant, la niaque que nous trouvons généralement chez les parachutistes : se battre, résister à l’adversité, toujours du sang froid et faire face aux évènements les plus imprévus, réagir très rapidement et trouver la solution appropriée, se battre se battre et encore se battre sont bien les caractéristiques que nous allons trouver chez nos amis les parachutistes.

Donc j’étais en fait plutôt sur la voie d’abandonner la pratique du parachutisme, lorsque ce fameux déclic s’est produit que je ne sais pas expliquer : la bonne position, prise au cours d’un stage à Lyon, qui me permet d’accéder aux joies du saut commandé.

Il me semble qu’on a du me mettre quelquefois des dispositifs automatiques d’ouverture du ventral, mais même cela, ce n’est plus génant. Plus de SOA, quel bonheur tant attendu pour moi, qui voyait des progressions conformes et rapides, avec le 11 ème saut en commandé !

Alors je me souviens que là, ma progression a été très rapide : je saute à 100 mètres, 1200, 1500 mètres, puis 2000 mètres. J’ai une très bonne position. J’ai acheté un altimètre que nous mettons à l’époque sur le ventral, avec une zone rouge dès lors que nous sommes à moins de 700 mètres du sol.

Nous sautons avec des 6520 en commandé, au début, grands parachutes à voile blanche, une fente à l’arrière du parachute et deux suspentes qui déforment la voile pour orienter le parachute vers la gauche ou vers la droite. Il y a peu de potentialités, il se déplace  à 2 ou 3 mètres à la seconde vers l’avant, mais rien à voir avec les parachute de type Olympique et surtout les ailes extrêmement maniables et rapides.

Une fois, au cours de ma progression à Lyon, je perds cette fameuse position stable et je suis en déséquilibre. Cela devait être peut-être à l’occasion d’un exercice que l’on fait une fois qu’on a appris à chuter bien stable, à savoir des tours sur la gauche, sur la droite qui se font par série, un tour à gauche, un tour à droite, etc…

Là, l’équilibre est perdu et je pars pas tout à fait en vrille, mais je ne contrôle plus grand chose et je suis déjà un peu bas car j’ai pris de l’assurance, et je tien sà profiter au maximum de ma période de chute libre. J’ai retenu la leçon, se remettre complètement en boule, attendre très peu et reprendre la position impeccablement cambrée, qui permet de se remettre en chute libre parfaitement face au sol et alors seulement d’ouvrir le parachute.

Ce que je dis, je le fais.

Cela réussit, puisque sinon je ne pourrais pas être là pour en parler…Et cela m’amuse…Mais je me rends bien compte que quelque chose ne va pas, j’ai tété très profondément dans la zone rouge pour le débutant que je suis. J’ai fait une ouverture basse, j’ai joué à Francis Demoustier. Seulement l’ami Francis peut se le permettre, c’est un gros costaud en parachutisme sportif, c’est un Brevet Fédéral N°6 ! la crème de la crème en matière de parachutisme sportif de l’époque, avec la possibilité d’être instructeur fédéral et donc de bénéficier de tous les avantages liés à cette fonction, et surtout l’honneur !

Donc le comité d’accueil m’attend au sol, et je suis tancé vertement, j’ai tiré trop bas.

En fait, quelques semaines auparavant, les dirigeants de cette plateforme de saut ont été fortement traumatisés par la mort d’un parachutiste et ils ne veulent absolument pas que cela se reproduise. On me l’explique longuement après dans la soirée. Le parachutisme, c’est la joie et le bonheur de se dépasser, d’aller jusqu’au bout de ses limites, mais pas au delà. Chacun sait bien que c’est un sport avec des risques. Il n’y a pas d’inconscience dans ce sport, mais la prise volontaire d’un risque calculé, et une communauté de parachutistes qui de fait, est véritablement soudée, mais ressent très douloureusement la mort d’un des siens. Il suffit de sauter sur un terrain de saut pour faire rapidement partie d’une communauté en fait très accueillante, très ouverte. Il y a de grands moments de tension, une passion commune partagée entre parachutistes, des sensations communes, des debriefings.

Même encore aujourd’hui, le vague souvenir que j’ai de cette fille un peu fragile qui s’est noyée à l’occasion de ses premiers sauts me reste dans le cœur. Ce n’est pas cela qui m’a empêché d’aller retourner sauter à Saint-Florentin et sur d’autres plateformes.

Après, j’ai un profond sentiment de tristesse pour la mort d’Emile Dabat où on m’a dit qu’il s’est battu jusqu’au bout. C’est l’épouse de Michel Sarthe, qui me l’a dit, au téléphone. Emile, notre ancien, avait beaucoup progressé et il avait changé de modèle de parachute. Il avait un modèle de parachute plus innovant, avec un système d’ouverture différent. Il s’est battu pour procéder à l’ouverture de son parachute jusqu’au bout, cela m’a bien été raconté. Ce n’est pas comme le suicide de l’ami Jean-Luc Bielak.

Jean-Luc avait de la noblesse, une prestance naturelle, j’aimais beaucoup le voir avec sa combinaison type vol relatif qui flottait au vent. Aujourd’hui, je ne connais pas ce qui s’est passé, ce qui lui est arrivé, ce qui a bien pu se passer dans sa tête, souffrance intérieure, je ne sais pas.

Mais à part le suicide d’une fille pour un chagrin d’amour à Bergerac qui a sauté sans parachute, après tous les autres amis qui sautaient ensemble pour faire du vol relatif, le jour de son anniversaire, pour une bête histoire de rupture sentimentale, les décès sont accidentels, soit des avaries de moteurs comme en Allemagne, soit des accidents individuels liés au fonctionnement défectueux d’un parachute ou bien d’une fausse manœuvre.

La très grande majorité des personnes dont je me souviens ont une pêche absolument extraordinaire, dynamisme, volonté, courage physique : c’est vrai que j’ai beaucoup d’admiration pour ce petit microcosme de sportifs.

Bien des souvenirs sont attachés à des lieux différents :

J’ai aussi ainsi sauté à Dieppe, à Strasbourg, à Laon et c’est à Laon que j’ai fait mon dernier saut en parachute, en 1987, il me semble.

J’ai également fait un peu de vol relatif aux Etats Unis, en Floride, à Tampa en sautant à plus de 4000 mètres d’un quadrimoteur piloté par une superbe jeune femme en maillot de bain.

Le carnet de saut :

Je viens de rapporter le carnet de saut. Il précise des éléments où la mémoire me faisait défaut.

Déjà, sur les dates :

C’est au début de l’année 1976 que j’ai vu la publicité pour l’ASPTT Paris Parachutisme. Donc c’est bien par une affiche apposée sur la porte d’accès au restaurant administratif au 3 ème étage que j’ai pu voir pour la première fois cette annonce.

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