Voyeurs

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Il y a ce bonhomme au rez-de-chaussée, juste en dessous de chez moi, qui passe ses journées à fumer des clopes sur sa terrasse, scotché à son téléphone. J'ai jamais entendu le son de sa voix, à part quand il se râcle la gorge pour cracher un molard ou qu'il s'étouffe dans une quinte de toux. On peut dire que ça compte ?

Les mégots débordent de ses trois cendriers, il a pas l'air de vouloir les vider. C'est marrant parce que les cendriers qui dégueulent reposent sur une jolie table en bois, plutôt propre. Et quand je passe dans la cour pour rejoindre mon appart, l'en profite pour jeter un coup d'oeil chez lui. Des luminaires style industriel avec des rideaux plissés, bien symétriques. Une belle petite déco d'adulte, du genre responsable et propre sur lui. Un bug dans la matrice.

J'adore regarder chez les gens, mais je trouve vraiment les autres sans gêne quand ils osent regarder chez moi. Ça me fait monter le sang à la tête.

Heureusement, on n'est pas là pour parler de moi, mais pour parler du voisin du dessous que j'observe depuis mon balcon. Soit il est un peu exhibo, soit il est ne capte absolument pas qu'une salle fouine se poste juste au-dessus de sa terrasse pour passer le temps.

Un peu exhibo parce que ça n'a pas l'air de le déranger de rester des heures en caleçon à la vue de tous. Ok, il fait actuellement 35°C. Qu'il fasse 35°C ou 15°C, c'est la même histoire. Il ne s'imagine sans doute pas qu'on le regarde vue de haut, mais vue de la cour, il se rend bien compte qu'il y a ses tétons poilus et son ventre à bière qui dépasse du muret.

Dans un certain sens, je le mate. Entendez-moi bien, pas dans la plus pure tradition du voyeurisme qui consiste à regarder des gens chier pour se toucher après - ou pendant -, mais plutôt au sens journalistique du terme.

Ce même genre de voyeurisme qui t'incite à ralentir en espérant voir un morceau de l'accident, une flaque de sang, une jambe arrachée, un truc qui crame, un peu de spectacle, quoi. Le genre de voyeurisme magnétique contre lequel tu peux pas lutter, celui qui t'oblige à disséquer des yeux le blaireau mort au bord de la route, celui qui te force à sortir ton téléphone quand quelqu'un se fait aggresser ou quand quelqu'un veut se jeter sous un train, histoire de bien pouvoir revoir la scène quand tu seras bien peinard chez toi.

Bref, tu vois de quoi je veux parler. Regarder ce mec depuis mon balcon, c'est un peu comme regarder des accidents de voiture depuis mon lit.

Il est là, à fumer des clopes pendant des heures. Que je parte le matin, l'après midi, pendant une heure ou trois jours, il est là, à entasser ses mégots. Il est là, dans son caleçon troué avec un bout de couille qui dépasse, à regarder des conneries sur son téléphone.

Il a le look typique du pédophile, avec son ventre rond comme une pastèque, sa poitrine qui pend, des lunettes en cul de bouteille et surtout la fameuse petite mèche ramenée sur le dessus du crâne pour cacher la calvitie. Ne le prends pas mal si je suis en train de te décrire. Je dis pas que si tu as ce look, t'es forcément un pédophile. T'en as juste l'air, c'est tout.

Pour autant il ne fait rien de mal, il se contente de rester assis, à se suicider aussi lentement que possible, et je le regarde. Simple curiosité malsaine de ma part.

Et tant qu'on y est, je vous partage les images, parce que vous aussi vous êtes des petits voyeurs. Pourquoi garder les yeux fermés pendant le naufrage ? Ouvrez grand.

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