Chapitre 15.1 - LELYÂH - Lahärva et Zaphyne

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— J'ai réussi à la convaincre que nous n'étions pas du gibier. Ça n'a pas été simple, elle a un sacré caractère ! Mais tu as vu comme elle est mignonne, les quatre fers en l'air ! s'exclame Lelyâh.

Diane ne sait pas quoi dire. La situation lui paraît irréelle. Elle devrait être au fond de la gueule du fauve plutôt que de l'avoir à ses pieds ronronnant.

— Diane, ça va ?

— Euh, oui je crois. T'es sûre qu'on a rien à craindre ? demande la fille du Lord toujours pas rassurée.

— Certaine, Laharvä accepte même de nous aider. C'est super non ? On pourra aller plus vite comme ça. Elle est désolée pour ton cheval.

— Euh, d'accord. Merci, je crois. A-t-elle encore faim ? s'enquiert Diane inquiète.

— Non, elle ferait bien un somme maintenant.

L'acynonyx se met d'un coup sur ses pattes, tous les sens aux aguets. Au même instant, trois chiens surgissent d'un fourré. Ils sont suivis de peu par trois limiers et quatre hommes à cheval. Les deux amies reconnaissent deux soigneurs qui travaillent au chenil et deux gardes du domaine d'Olmo. Les chiens qui étaient prêts à bondir, sont à l'arrêt, oreilles aplaties. Le chef de meute, qui dépasse ses congénères d'une bonne tête, montre les crocs et grogne avec force. Les hommes ont les yeux grands ouverts, l'air ahuri, tremblant de peur.

— Que fait-on ? demande Kevos le plus jeune des deux gardes.

— Je n'en sais fichtre rien ! Je n'ai jamais vu une bête pareille ! s'emporte son supérieur submergé par l'anxiété.

— Elle ne vous fera pas de mal, explique Lelyâh en montrant l'acynonyx.

— Comment ça ? demande le chef.

— C'est mon amie. Et puis, elle vient de manger, répond-elle avec calme.

— Parce que tu parles à cette...chose ?

— À Laharvä, oui. Par contre, demandez à votre chef de meute d'arrêter tout signe d'agressivité, elle n'apprécie pas du tout, ajoute Lelyâh. Moi, je n'arrive pas à le convaincre.

— Qu'est-ce que ?

Kevos n'a pas le temps de finir sa phrase que le chien se met en position, prêt à bondir. Tous sont conscients qu'il n'a aucune chance. Lelyâh a tenté plusieurs fois de communiquer avec lui mais il ne pense qu'à la mission de son maître : ramener Diane. Il replie ses pattes. Kevos tend le bras pour le stopper. Au moment où le canidé bondit, Laharvä fait un bond et referme sa gueule sur l'animal. Le chien est tué sur le coup dans un craquement sinistre. Puis un cri résonne. Un hurlement de douleur. Lorsque l'acynonyx se recule pour revenir près de Lelyâh, cette dernière voit Kevos qui se tient le bras. Le sang coule à flot sur le sol là où se trouvait son avant-bras. Le fauve a refermé sa mâchoire au moment où Kevos tentait d'attraper son chien. Les homme sont paniqués. Heureusement, le chef des gardes conserve suffisamment de sang froid pour faire un garot au pauvre soldat. Les chiens se sont terrés dans un buisson derrière leurs soigneurs. Lelyâh et Diane restent pétrifiées face à cette fontaine vermeille. Puis l'instinct prend le dessus.

— Diane, il faut partir ! intime Lelyâh. Laharvä propose de nous prendre sur son dos. Elle sera plus rapide que mon cheval, on le laisse là, les hommes le ramèneront chez tes parents. Viens !

Elle est obligée de tirer son amie de son bras valide. L'épaule blessée l'élance douloureusement lorsqu'elle grimpe sur la bête. Les deux femmes s'agrippent au poil dru de l'acynonyx qui disparait rapidement dans le sous-bois. Elle ne peut pas progresser vite car Lelyâh n'a qu'une main pour se tenir et les à-coups provoquent chaque fois une douleur lancinante dans tout son bras. Au moins, la plaie ne se réouvre pas.

Les poursuivants semblent avoir abandonné la traque. Tant mieux, Lelyâh ne veut pas être responsable d'un autre carnage. Le trio avance ainsi jusqu'à la tombée de la nuit. Elles établissent un campement dans une petite clairière pendant que Laharvä part chasser.

Une fois installée, elles mangent quelques provisions prêt d'un petit feu que Diane a allumé. Le repas a du mal à passer.

— Tu crois qu'on aurait pu éviter ça ?

Lelyâh, les yeux rivés sur les flammes, s'interroge :

— Je ne sais pas, je ne connais pas les acynonyx. mais j'ai lu que ce sont des bêtes féroces et fières. Le chien aurait dû se soumettre.

— Pauvre Kevos ! Comment va-t-il faire pour rester dans la garde personnelle de papa ? C'est un bon garçon ! dit Diane les larmes aux yeux et les mains tremblantes.

— Je suis désolée, poursuit Lelyâh dans un murmure.

Diane la regarde intensément.

— Tu sais, sans toi, Laharvä nous aurait dévorée. Et puis, tu les avais prévenus. Kevos n'a pas été assez prudent. C'est juste que je n'ai pas pensé à ce qu'impliquait réellement mon départ. J'ai été égoïste ! assène Diane avec vigueur.

— Tu veux rentrer ?

— Je... J'en sais rien ! Et toi ?

— Je crois qu'on est allées trop loin pour faire demi-tour. Et puis, j'ai besoin de savoir qui je suis. Peut-être que les miens m'attendent avec angoisse quelque part.

— Tu as raison, de toute façon rentrer ne fera pas revenir le bras de Kevos, conclut Diane avec fatalité.

Les deux amies ont le coeur lourd. Elles ont du mal à trouver le sommeil, l'image des gerbes de sang emplissant leur tête dès qu'elles ferment les yeux. Lelyâh entend son amie pleurer. Cela lui fend le coeur. Elle se sent monstrueuse. Tu vois ce que tu as provoqué ! Pourquoi infligé ça à ta meilleure amie ? Je t'avais pourtant prévenu. Tu aurais dû partir seule quand il était encore temps. Kevos n'aurait pas perdu son bras. Et Diane serait avec les siens. Tu vas le regretter ! Lelyâh aussi aimerait pleurer. Pleurer sa culpabilité. Pleurer la souffrance que lui inflige le serpent d'ébène. Pleurer les conséquences de ses choix. Mais elle est responsable de ce qu'il s'est passé. Elle doit assumer, elle n'a pas d'autre choix, par respect pour son amie. Elle ravale donc sa tristesse. Son épaule devient plus douloureuse. La soigneuse ne dort presque pas.

Avant l'aube, les voix reviennent. La femme hurle. La petite fille pleure. L'homme grogne de rage. Au bout d'une heure, elle a l'impression que sa tête va exploser !

Diane émerge.

— Est-ce que ça va ? demande-t-elle inquiète.

Lelyâh prend conscience qu'elle gémit doucement.

— Hé, Lelyâh ? insiste la fille du Lord.

La voix de Diane résonne avec force dans sa tête. Pourquoi a-t-elle crié ainsi ? C'est douloureux. Et les trois autres qui augmentent en volume. Le vacarme désoriente la jeune femme. Les mains sur la tête, elle se recroqueville en position foetale. Le cri de la femme devient strident. Comment ses tympans peuvent-ils résister ?

— Répond-moi ! s'angoisse Diane.

Sa voix déchire les oreilles de la soigneuse. Elle se met à pleurer.

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