Chapitre 7.1 - LELYÂH - Diane

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Lelyâh se dirige vers sa chambre pour étudier des ouvrages sur les espèces de rapaces lorsqu'elle tombe nez à nez avec la fille du Lord.

— Merci.

Lelyâh ne comprend pas et reste figée, telle une statue, devant la jeune fille. Elle se détend un peu en constatant que cette dernière semble encore moins à l’aise qu’elle. Pourtant, les relations sociales ne sont pas son fort. La fille du Lord s’est empourprée, se tordant les doigts avec nervosité et se voûtant sur elle-même comme si cela pouvait la faire disparaître. Lelyâh ne comprend pas son attitude puisque c'est elle qui est venue lui parler. Pourquoi vouloir alors se cacher ? De plus en plus nerveuse, la jeune fille frotte la pointe de ses pieds sur le sol et serre tellement ses doigts que ses phalanges commencent à blanchir. Elle reprend d’une petite voix.

— Pour les oiseaux.

Lelyâh en conclut qu’elle doit être d’une extrême timidité. C’est particulièrement étonnant étant fille d’un Lord, et magnifique de surcroît. Elle possède tout ce qu’une femme peut souhaiter pour être sûre de soi. Elle a de magnifiques cheveux blond vénitien parés de multiples petites nattes au tressage complexe, agrémentant sa chevelure qui cascade en boucles délicates sur ses épaules. L’adolescente observe Lelyâh de biais avec ses grands yeux surmontés de grands cils, dont la couleur oscille entre le bleu et le vert. Sa bouche semble dessinée à la plume tant ses lèvres sont fines. Quelques tâches de rousseurs encadrent son nez aquilin. La rougeur de ses joues fait ressortir la teinte si singulière de ses yeux. Lelyâh rêverait de posséder la moitié de son charme ! Elle se sent prise d’un élan empathique et se fait violence pour entamer la conversation :

— Euh, de rien. Je n’ai pas fait grand-chose. Tu es la fille de Lord Olmo, c’est bien ça ?

La jeune fille poursuit dans un murmure, comme si sa voix ne devait se faire plus forte que la caresse d’une légère brise printanière.

— Oui. Pardon, je ne me suis pas présentée. Je m’appelle Diane.

— Je m’appelle Lelyâh.

— Oui, je sais, mon père ne tarit pas d’éloges sur toi. Pour ma part, même si je ne suis pas une Animae, je suis très attachée à ces oiseaux. Cela m’a brisé le cœur lorsque le premier est décédé. Il n’avait pas encore un Solemnum.

À ces mots, Diane baisse la tête, les yeux fixés sur le sol, le visage marqué par une profonde tristesse. Elle donne l’impression de contenir tant bien que mal un flot de larmes. Lelyâh hésite un instant sur l’attitude à adopter. Comment faire pour la réconforter ?

— Les autres rapaces ont l'air de se remettre. Je crois que ce sera long, mais il ne devrait plus y avoir de décès, finit-elle par lui dire en souriant.

La fille du Lord relève la tête et son regard pénètre celui de Lelyâh. Elle semble lire à travers elle. Ses peines, ses doutes, peut-être même le serpent d’ébène. Lelyâh est déroutée. Elle baisse à son tour le regard, mal à l’aise. Diane penche la tête légèrement de côté en continuant de la fixer et lui demande avec plus d'assurance :

— Je pourrais t’accompagner les soigner ? J’aimerais voir comment tu fais.

Lelyâh se sent touchée de l‘intérêt qu’elle lui accorde, en même temps qu'un sentiment d’imposture s'insinue en elle. Après tout, elle n’a rien fait de particulier, elle ne mérite pas cette attention. Diane risque d’être déçue. Et la voix rauque et ténébreuse d’ajouter « N’oublie pas que tu n’intéresses personne. Elle croit que tu as sauvé ses chers volatiles, mais elle va vite s’apercevoir de la supercherie. Et tu seras de nouveau seule, seule face à sa colère et sa tristesse. C’est ça que tu veux ? Tu ferais mieux de l’envoyer voir ailleurs maintenant. Ça t’évitera une désillusion ! ». Lelyâh retient le réflexe qui pousse ses bras vers le haut pour se prendre la tête. Elle ne veut pas s’exposer ainsi devant une inconnue, encore moins une personne de cette importance. Diane regarde de nouveau le sol, l’air attristé.

Non, ce n’est pas ce qu’elle veut ! Lelyâh voit bien l’effort que ça lui a coûte de prendre sur sa timidité pour lui parler. Elle n’a pas envie de la décevoir. Elle préfère encore être déçue elle-même. Lelyâh s'agace de ne pas faire taire cette voix qui la paralyse. Elle se rend compte qu’elle fredonne mentalement la mélodie favorite de Saëlle. Elle la visualise préparant le dîner en chantant et se focalise sur cette scène apaisante. Un peu rassérénée, elle s’empresse de répondre à Diane, sur le point de tourner les talons :

— Avec plaisir ! Je suis désolée de mon hésitation mais pour tout t’avouer, je n’ai rien fait de particulier. J’ai juste posée mes mains sur eux et une chaleur m’a envahie quelques minutes. Je…

— Ça ne fait rien, j’ai quand même envie de t’accompagner. Retournes-tu les voir aujourd’hui ?

— Je n’y ai pas réfléchi.

— Ah…

— Mais ce serait une bonne idée d’aller ensemble voir comment ils vont après le dîner.

— Après le dîner alors, conclut Diane.

La fille du Lord tourne les talons, descend les escaliers pour disparaître derrière une porte du rez-de-chaussée. Lelyâh pivote, et entre dans sa chambre où l’attendent plusieurs ouvrages sur les oiseaux posés sur une table. Lord Olmo s’était proposé de lui en prêter, un peu plus tôt dans la journée. Elle prend le livre sur le dessus de la pile, s’assoit sur le bord de son lit et l’ouvre. Puis elle s’arrête, réalisant qu’elle a invité la fille du Lord. Elle a été fortement aidé par la jeune fille mais cela la surprend. Elle ne se serait pas crue capable d’une telle audace. Elle, la jeune femme peu loquace et introvertie. Elle se serait plutôt vu fuir en bonne et due forme. Un sourire se dessine sur son visage et une douce chaleur l’enveloppe. Le monstre d’ébène n’est pas revenu, à son grand soulagement. Lelyâh reporte son attention sur l’ouvrage et se plonge dans la lecture et l’observation des illustrations tracées à la main avec une précision d’orfèvre.

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