Chapitre 8.3 - BASTUS - Préparation de l'assaut

5 minutes de lecture

Kartos, Bastus et Gherki se dirigent avec les autres hauts gradés à l'entrée du camp pour accueillir les nouveaux venus. Quelle n'est pas la surprise des deux frères, lorsqu'ils aperçoivent leur mère à la tête des hommes ! Ni l'un ni l'autre n'était informé de sa venue. Pourtant, ils devraient s'être habitués aux intrigues planifiées en ne comptant que sur elle. La Suprême Polémarque a beau préférer Kartos, elle n'en reste pas moins un tyran solitaire qui compte avant tout sur elle-même. C'est ainsi qu'elle a gagné le pouvoir et c'est ainsi qu'elle compte mener son règne jusqu'à son terme.

— Arrvida vénérée Suprême Polémarque, disent en choeur les jumeaux.

— Arrvida. Installez mes hommes. Je tiens la réunion stratégique pour notre attaque en Terre d'Urca pour le milieu d'après-midi.

Simple, efficace et sans effusion. Bastus reconnait bien la façon de faire de sa mère. Il n'y a rien à ajouter sous peine de remarques cinglantes.

Le camp devient aussitôt une véritable ruche. Les hommes déjà sur place accueillent les nouveaux venus et se répartissent pour épauler les lochos durant leur installation. Tous se mobilisent pour aider au montage des tentes, à l'installation et au nourrissage des animaux, ainsi qu'à toutes les opérations d'intendance nécessaires.

Au milieu de cette effervescence, Bastus ressent le manque cruel de ses amis, répartis sur les autres postes. Parler avec eux et organiser la stratégie à mettre en place à leurs côtés rendrait la tâche moins pesante. Cette sensation de malaise face à une invasion qui semble injustifiée se fait de plus en plus envahissante. Les derniers jours, il s'est réveillé en pleine nuit, le corps en sueur, haletant, la tête emplie d'images cauchemardesques de paysans mutilés et tués.

Accaparé par l'organisation, il ne voit pas le temps passer et lorsqu'un aide de camp le somme de se rendre dans la tente de commandement, il prend conscience de l'heure avancée de la journée. Il arrive en même temps que Kartos se bousculant presque pour entrer. Sekhma est déjà là avec son fidèle conseiller, Hadéos, qui l'a accompagnée lors des Grandes Révoltes. Malgré son âge, la Suprême Polémarque n'est pas marquée par les ans, seules quelques rides ornent légèrement son front et le coin de ses yeux. Sekhma en impose avec sa carrure massive aux muscles saillants. Son visage carré, dont la dureté est accentuée par son crâne rasé sur les côtés, possède des yeux d'un bleu si pâle qu'ils paraissent presque blancs. Ils sont recouverts d'une large bande de maquillage noir qui va d'une oreille à l'autre. Quelques mèches trainent librement sur ses épaules tandis que la majorité de ses cheveux d'un blanc immaculé est attachée en une longue tresse qui lui descend jusqu'au milieu du dos. Elle fait presque office de frêle femme à côté d'Hadéos qui la dépasse de presque une tête, dominant les jumeaux d'une bonne vingtaine de centimètres. On dirait une véritable géant, un bras de ce dernier étant plus large que la cuisse de Bastus. Chaque muscle se dessine avec précision. Une véritable arme de guerre à lui seul ! Son regard noir au milieu de sa barbe blanche foisonnante et de sa chevelure en bataille, dont une partie est négligemment ramenée en chignon sur le haut de sa tête, lui confère une aura sinistre. Ses yeux font le tour de la tente avant de se poser sur Sekhma qui prend alors la parole :

— Au vu des derniers rapports, nous devons rapidement devancer l'attaque des Vulcae. Ils comptent nous prendre par surprise d'ici une vingtaine de solaris. Nous attaquerons donc dans cinq solaris avant le lever du soleil. Toute la zone frontalière sera envahie en même temps afin de créer le désordre dans leurs rangs et d'atteindre au plus vite la capitale, Strombevio. Nous quitterons le camp dans quatre solaris pour marcher de nuit et arriver sur place avant leur réveil. Des questions ?

Il est évident que cette dernière phrase est réthorique.

— Bien ! Terminez les préparatifs. Nous nous réunirons dans deux solaris pour que je vous explique la stratégie de façon précise afin d'être prêts au départ dans trois solaris.

La Suprême Polémarque n'a demandé aucun rapport provenant des patrouilles frontalières. Elle ne consulte même pas Kartos qu'elle congédie en même temps que son jumeau. Cela conforte Bastus dans son sentiment de malaise. Entre cette tension grandissante, la proximité retrouvée de sa mère et de son frère, il a un besoin urgent de prendre l'air. Il laisse le commandement de côté, s'appuyant sur Eklesia et se dirige en ville. Ses pas le mènent vers l'auberge où il a ravi la proie de son frère. Le service ne va pas tarder à débuter, la servante doit bien disposer d'un peu de temps avant d'être débordée. Il la trouve en train de discuter avec ses collègues à l'arrière de l'établissement. Il manoeuvre habilement pour obtenir un tête à tête avec elle. Elle s'empresse de s'excuser du peu de temps qu'elle a à lui accorder. La mine déconfite de Bastus émeut la jeune femme qui lui offre le temps nécessaire à des ébats qui soulagent quelque peu les tensions des derniers jours. Il a l'impression, grâce à elle, d'avoir le dessus sur son frère et cela lui fait du bien.

Lorsqu'il rentre au camp, Eklesia est aux prises avec un souci d'affaissement de terrain. Plusieurs tentes fraichement installées se sont effondrées. Bastus l'accompagne pour constater les dégâts. L'instabilité de cette zone est due à des galeries souterraines non détectées. Elles ont cédé sous le poids du matériel accumulé à la surface. Il serait trop long de consolider le tout pour les quelques jours qu'il reste à passer ici. Bastus se rend en bordure du camp pour valider la possibilité d'aménager un espace afin de transférer les tentes à l'est. La roche affleurante ne sera pas des plus confortables, mais du moins le sol sera-t-il stable. Il dépêche une équipe pour préparer le terrain pendant qu'une autre s'occupe de ramasser les affaires et de les amener sur place.

Il imagine déjà la remarque cinglante que lui lancera la Suprême Polémarque "Il était facile d'anticiper cet effondrement, si le terrain avait mieux été étudié. Une perte de temps précieux". Quelque chose dans ce goût-là. Pourquoi a-t-il fallu qu'elle se rende aux premières loges ? Ne pouvait-elle pas mener ses hommes du haut de son palais ? Non, bien sûr qu'il fallait qu'elle contemple le spectacle en étant sur le devant de la scène.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 10 versions.

Vous aimez lire Valériane San Felice ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0