La lettre

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 La pièce de co-working était presque vide. La plupart des sociologues se rendaient sur le terrain pour interviewer les volontaires des expériences, ou simplement observer. La grande fenêtre qui donnait sur une ville aussi désolante que terne diffusait un soleil timide. Vu la température basse, le chauffage devait être en panne. Encore. Il serait temps de le changer ! Mais quand Zach Efter entra dans le bureau presque désert, ce ne fut pas le froid qui régnait qui attirait son attention. Ce ne fut pas non plus les rares personnes revenant de leur déjeuner et leur regard dédaigneux. Non, c'était une enveloppe blanche posée sur son bureau.

 Il s'assit, sans même manifester la moindre surprise, bien que son esprit s'agitait. Qui avait pu lui écrire ? Son agent double n'avait quand même été aussi con à l'idée de lui laisser une lettre ? À moins que ça ne soit Erin Filery ? Non, pour l'envoyer chier, elle préférerait le faire directement en face ou par téléphone, surtout qu'elle ne savait pas quel était précisément son bureau. Et comment aurait-elle pu entrer ?

 Non, décidémment, c'était étrange. Autour de lui, il entendit ses collègues se taire peu à peu pendant qu'ils s'installaient à leur poste et commençaient leur travail. L'un d'entre eux voulait-il lui faire une blague avec des menaces de mort ? Mais qui voudrait risquer son travail pour un collègue qu'il n'appréciait pas ? Il fronça les sourcils, toujours perplexe, et finit par glisser l'enveloppe dans sa poche. Il verrait cela plus tard. S'il repartait maintenant, il attirerait l'attention de ses associés qui ne manqueraient pas une occasion de signaler son comportement suspect à ses supérieurs. 

 Il se força à se concentrer sur la retranscription qu'il devait effectuer. La personne, au bout de son casque, s'exprimait avec une voix assez désagréable, rocailleuse, et il se demanda brièvement depuis combien de temps elle prenait du tabac. Au bout d'une heure et demie, il s'autorisa une pause et se réfugia dans les toilettes, après avoir pris soin de verrouiller son ordinateur.

 Il s'enferma dans l'une des cabines, rassuré de constater qu'il était seul. Il sortit alors l'enveloppe, la déchira et lut la lettre. Au bout de la première ligne, il se figea. C'était son écriture. Comment était-ce possible ? Il n'avait rien écrit, il en était convaincu ! Zach poursuivit sa lecture. À la fin, presque machinalement, il laissa tomber le tout dans les toilettes et tira la chasse d'eau. Il quitta la cabine et se planta face au miroir en face de lui. Une file pellicule de sueur glissait le long de son front. D'un geste impatient, il la balaya et remarqua son teint blafard. Bon sang, c'était impossible, insensé... Un Zach Efter du futur qui lui demandait d'annuler son opération ? Le voyage dans le temps n'existait pas ! C'était sûr, quelqu'un lui faisait une blague.

 Au même moment, son téléphone se mit à sonner. Il bloqua l'entrée des toilettes, s'en éloigna le plus possible et décrocha.

« Pourquoi tu m'appelles ?

  • J'ai de nouvelles infos assez intéressantes sur Henr- Vous savez qui. Mais il vaut mieux éviter d'en parler au téléphone... On peut se voir ?
  • ...
  • Vous allez bien ?
  • Pourquoi ça n'irait pas ?
  • Euh, je ne sais pas... Vous avez l'air silencieux...
  • Parce que d'habitude, je suis une pipelette ?
  • Euh, oui, enfin non, pardonnez-moi... Alors, ce rendez-vous ?

 Devait-il vraiment aller jusqu'au bout ? La lettre soulignait l'urgence et lui demandait de ne pas poursuivre. Il risquait de tout perdre. L'expérience serait une catastrophe. Et pourquoi son lui du futur - s'il existait vraiment - lui aurait-il dit qu'il y avait urgence sans lui préciser ce qu'il devait changer pour atteindre son but ? C'était son plus grand rêve, mener sa propre expérience, il avait tout... Surtout que cette lettre pouvait être le résultat d'une blague, même s'il ne comprenait pas comment quelqu'un aurait pu récupérer son écriture manuscrite. Mais il risquait de ne plus rien avoir. Ne serait-ce pas mieux d'annuler ? Il lui suffisait d'une phrase, et il annulerait tout. Une phrase, et il sera en sécurité. Une phrase, et ce serait fini. C'était sa seule chance d'arrêter, il le savait. Que devait-il faire ? Il devait répondre, et vite. De nouveau, il sentit une goutte de sueur glisser le long de son dos.

  • Monsieur ?
  • Oui. Tu es disponible quand ? »

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