Chapitre 6.1 : Obéissance

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« Ceux qui ont eu faim avec moi, et se sont tenus près de moi quand j’ai traversé une mauvaise période à un moment de la vie, mangeront à ma table. » Pablo Escobar(1).

Nous avons fait la fête dans la boîte du « Féroce » toute la nuit. Les Prospects nous rejoignirent, Lucas était parmi eux. Il passa sa soirée à jalouser ma nouvelle veste, s’imaginant le jour où ce serait son tour et à inonder d’alcool le sol de la boîte. Trop ivre pour boire correctement, il déclenchait des plaintes des pauvres victimes qui se retrouvaient aspergées. Il rayonnait de bonheur. Nous dansâmes, criâmes, nos corps se perdant au milieu des danseurs du carré VIP. L. nous avait réservé deux tables, et avait sorti sa meilleure vodka, pour impressionner Grégoire. Celui-ci était en pleine discussion avec la table voisine, Amina absente à son bras. Nous formions une famille, dysfonctionnelle certes, mais chacun d’entre nous était prêt à donner sa vie pour les autres. Après deux heures à enchaîner les verres, je décidai de m’aventurer en dehors du carré. Je sortis, chancelant, et me retrouvai vite submergé par un mélange de transpiration, d’alcool et de phéromones. Je souriais, ignorant les odeurs, et me concentrai uniquement sur la sensation de bonheur que me procurait l’éthanol. J’errais parmi ces inconnus et finis par danser avec une jolie fille, que j’aurai été incapable de décrire lorsque deux mains gracieuses m’enlacèrent. Des mains trop fines pour être celles d’un homme. L’euphorie me gagna. Des scènes de sexe plein la tête, je me laissai aller contre le corps de ma kidnappeuse.

— Ferme les yeux, furent ses seuls mots.

J’obéis sagement, trop heureux de la tournure que prenaient les évènements. Je la sentis se blottir et danser contre moi. Je baladai mes mains sur ses hanches, de façon très prononcée. Ne rencontrant aucune objection, je continuai mon exploration. D’après mes estimations, elle portait une robe dos nu en soie avec des bretelles. Une nuisette ? Elle devait être superbe dedans. Elle ne portait pas le collant, je pus aisément passer une main sous sa robe, devinant son string. Elle se retourna, planquant sa poitrine conséquente contre moi. Elle me donnait si chaud, l’épaisseur inexistante de ses vêtements devenait une véritable torture. Je me lançai, lui embrassant le cou. Son parfum me frappa, trop tard. Le signal d’alarme s’alluma une fois que nos lèvres se rencontrèrent. Son baiser fut doux au début puis se mua en un baiser plus fougueux, dévorant. Elle me pressait contre elle, m’enlaçait. J’étais incapable de résister. Je me fondais dans cette passion, un feu que je n’avais jamais ressenti auparavant. Mon corps entier brûlait d’un désir dont malheureusement l’alcool n’était pas responsable.

J’eus l’impression de faire l’amour à sa bouche, tout en parcourant son corps voluptueux. Je plaquais une dernière fois mes lèvres contre les siennes, cherchant à assouvir ce besoin de son corps. Je reculai, haletant, et ouvris les yeux, sachant pertinemment que le rêve allait se briser. Amina me regardait, son rouge à lèvre partout sauf sur ses lèvres, transpirante et magnifique. Sa robe noire était légèrement dérangée après mon passage. Elle rougit, se rapprochant à nouveau. Ses yeux me voulaient, je la désirai et pourtant je pris mes jambes à mon cou. Je remontais rejoindre mes camarades dans le carré VIP, confus, furieux et surtout honteux. Ce qui venait de se dérouler était tout ce dont j’avais toujours rêvé, alors pourquoi me sentais-je si mal ? Je pris un shot, deux, pensant que l’alcool effacerait mon malaise. Ce fut un échec. Val vint me trouver, excité comme une pile électrique.

— Un petit remontant pour tenir la nuit ? T’as l’air exténué.

— Ouais, bonne idée.

Il sortit sa « pochette magique », comme il l’appelait, une pochette en cuir noir renfermant tous les substances qu’un toxico pouvait désirer. Il déposa un peu de poudre blanche sur la table et traça un trait grâce à sa carte de crédit. Il me tendit une fine paille. Je sniffais pour la première fois de la cocaïne. La sensation bien que désagréable au début, laissa vite place à l’adrénaline. Mon sang ne fit qu’un tour. Mon corps, boosté, débordait d’énergie. Je me sentais armé d’un courage à toutes épreuves, je voulais bouger, gravir des montagnes.

— Alors ? me demanda Val.

—Je suis un nouvel homme ! hurlai-je.

Val rigola, sniffa à son tour et me tendit un shot. Nous bûmes ensemble. J’eus l’impression que la vodka avait gagné en goût. Tout était amélioré. Les couleurs étaient plus vives, la musique plus entraînante. Je me relevais d’un bond. Tant pis les conséquences, ce soir je volais ! Je courus vers la foule que je venais de quitter, la cherchant sur tous les visages. Je la retrouvai dans les bras de Grégoire. Ils s’embrassaient passionnément, les mains de mon chef sous sa robe. Ils se dirigèrent vers les quartiers réservés au staff. Inconscient, je les suivis de loin. Le vigile qui gardait la porte n’était autre que Denis. Ne posant aucune question, il se contenta d’un regard qui en disait long. Je franchis le seuil qui donnait sur un long couloir. J’avançais prudemment lorsque je les entendis. Ils ne devaient pas être loin. Leurs cris de plaisir me parvenaient, assourdissants. Amina criait son nom, et l’incitait à aller plus profondément pendant que Grégoire la complimentait sur son corps, sa douceur. Je restais planté là de longues minutes, imaginant la scène qui se déroulait à quelques mètres de moi. Leurs hurlements de jouissance me poussèrent à faire marche arrière. Je repassais devant Denis lorsque la douleur me foudroya sur place. Trahison résonnait dans mon cœur. Mais étais-je légitime ? Tout ce que je ressentais était exacerbé, alors évidemment je fis ce que je faisais de mieux, je trouvai un pansement. Mon dévolu tomba sur une petite brune, très jolie, qui était venue entre copines. Je la fis danser une partie de la soirée, indifférent. Je l’embrassais jusqu’à la fin, alors que mes potes me poussaient à partir. Nous sortîmes de la boite alors que l’aube commençait à poindre. Grégoire nous congédia, nous avions mérité un jour de repos. Il avait pris cette décision en apercevant la moitié de notre gang vomir aux pieds de la Tour Montparnasse. Merci L. Elle en avait couché plus d’un lors d’un concours de shots. Notre chef nous paya des ubers pour rentrer chez nous, un par personne. Même bourré, il connaissait ses priorités.

Mon uber traversa Paris, pendant que je comatais à l’arrière. Arrivant en bas de mon immeuble, une petite rousse peu habillée m’attendait, remontée. Mon alcoolémie eut raison de ma bienséance.

— Salut chérie, tu attends ton homme ? Tu t’es trompé d’adresse, lui lançai-je cynique.

— Tu es ivre, constata-t-elle.

— Bien vu, Sherlock.

Je faisais pitié avec mes répliques de lycéen. Que penserait un lecteur s’il lisait ce passage ? Il fallait que je me ressaisisse.

— Si tu es venu pour m’humilier, tu peux partir. Tu en as assez fait, poursuivis-je incapable de trouver mes clés.

— Je venais pour t’expliquer…, tenta-t-elle.

— M’expliquer quoi ? La partie où tu m’as embrassé, ou celle où tu l’as baisé lui ? J’ai du mal à suivre, réplicai-je.

— On peut discuter à l’intérieur ? J’ai froid.

Je cédais, une partie pitoyable de moi trop heureux de l’emmener chez moi. Nous gravîmes les marches en silence jusqu’au troisième. Je la conduis dans le salon où je lui passai un pull. Elle me remercia.

— Je t’écoute, lui dis-je en prenant place sur la table face au canapé.

— Je…Victor, tu me plais.

Cette déclaration me prit de court. Je m’en étais douté mais l’entendre était tout autre.

— Mais tu as Grégoire, insistai-je. Et ce soir, tu m’as provoqué lors de ma soirée d’intégration, rempli des membres de notre gang. Tu manques de respect à son autorité et tu te mets bêtement en danger.

Elle leva ses grands yeux verts vers moi.

— J’ai Grégoire. Je dois m’y tenir je le sais. Je te veux toi.

J’étais fatigué de ce double discours.

— On en reparlera demain. Dors maintenant, lui dis-je en lui ramenant une couverture.

— Tu dormirai avec moi ?

-— Non. Il est préférable que nous gardions des distances, déclarai-je à contre-cœur.

Elle était gonflée. Je gagnai ma chambre, pris ma douche tentant d’éviter de penser à cette soirée étrange. Ce que la vie pouvait être ironique. Je m’endormis dès que ma tête toucha l’oreiller, la drogue perdant ses effets.


Je fus réveillé par un corps se glissant contre le mien.

- Bonjour, bel inconnu, murmura une voix, féline.

Je grognais, et me retournais. Je rencontrai les yeux verts d’Amina, nue dans mon lit. Pris par surprise, je reculai, tombant par terre. Mon corps endormi s’étala lourdement sur le sol de ma chambre. Elle éclata de rire, un rire si pur. Je me relevai avec peine, lui lançai un regard noir, ce qui la fit rire de plus belle. Honteux, et énervé, je partis vers la cuisine, pour découvrir Grégoire, mangeant une tartine. Pris au dépourvu, je ne sus quoi dire lorsqu’Amina sortit de ma chambre vêtue simplement de ma couette.

- Grégoire, ce n’est pas ce que tu crois…

- Grégoire, mon amour, susurra Amina, se précipitant dans ses bras.

Ils s’embrassèrent. Grégoire se tourna vers moi, son arme pointée vers ma poitrine, et appuya sur la détente.


(1)

Pablo Escobar, né en 1949 en Colombie, a été l’un des plus grands barons de la drogue des années 80. Originaire d’une famille pauvre, il débute sa carrière par le vol de pierres tombales, puis, après avoir abandonné l’université, il s’engage dans de nombreuses activités criminelles au côté d’Oscar Benel Aguirre. Le duo enchaîne contrebande, vols, kidnappings, puis Pablo s’engage dans le trafic de drogue. Il s’enrichit rapidement comme contrebandier pour Alvar Prieto, et devient milliardaire. Il se spécialise ensuite dans la cocaïne, qu’il raffine en Colombie et exporte illégalement aux Etats-Unis grâce à un petit avion. Sa marchandise inonde le marché, si bien que dans les années 80, 80% de la cocaïne vendue est la sienne. De plus, son élection à la chambre des représentants colombiens lui permet d’étendre son réseau à l’international. Il est alors le criminel le plus riche de l’histoire, avec une fortune de 30 milliards de dollars. Son règne se caractérise surtout par l’intimidation des forces de l’ordre ainsi que la corruption ; « l’argent ou le plomb » étant sa devise. En 1990, la chasse à l’homme débute, tuant de nombreux combattants. Pablo Escobar se rend en 1991, aménageant lui-même sa luxueuse prison, nouveau siège de ses activités criminelles. Après son évasion, il passe deux ans à se cacher. Finalement, en 1993, une balle dans l’oreille signera la fin de son règne de terreur. L’origine de cette balle, tirée lors d’une intervention des forces armées général Martinez, reste à l’heure qu’il est un mystère : suicide, exécution, ou balle perdue, qui sait ? La légende du criminel a inspiré nombre de films, séries, le rendant d’une certaine manière immortelle.

Bonne lecture!!

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