Sur la route, dix heures vingt

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Le ciel, couvert d’énormes nuages sombres, laissait filtrer par moment quelques rares rayons du soleil. Le décor offrait un tableau surréaliste de fin du monde tandis qu’un déluge d’eau tombait sur la file de véhicules où il se trouvait, et qui avançait lentement sur la grande bretelle d’autoroute.

Sam pensa à son fils Joe, quand il le prenait sur ses épaules à ses deux ans. Ils couraient dans toute la maison, Joe, accroché à son cou, riant de joie. Il l’avait regardé grandir avec un sentiment de fierté. Il se souvint en particulier de son intérêt marqué pour une collection de livres sur le paranormal qui ornait leur bibliothèque du salon. Joe les avait lus en moins d’une semaine alors qu’il n’avait que dix ans (dix bouquins de deux cent cinquante pages chacun). Cette aptitude précoce créa d’âpres discussions entre Myriam et lui sur ses facultés révélateurs d’un enfant surdoué.

Sam en avait déduit que la curiosité de son fils sur les mystères du monde représentait les tâtonnements d’un ado à la recherche de repères. Une fois, il lui avait raconté que, dans un rêve, il s’était vu parler à lui-même plus grand. Le Grand-Joe, comme il l’avait surnommé, lui avait alors apprit que tout n’était que changement, et que bientôt, le Grand-Joe reviendrait.

— Papa ! Le Grand-Joe m’a dit qu’il te connaissait, avait-il ajouté à ce moment-là.

— Logique. Le Grand-Joe, ça sera toi plus tard.

— Non, papa ! Le Grand-Joe, ça ne sera plus moi.

Sam avait regardé avec attention son petit bonhomme en train de se gratter la tête, alors que ses yeux marron, qu’il tenait de sa mère, le scrutaient consciencieusement.

— Ah ! Bon ! Et qui sera-t-il, alors ?

— Il m’a dit que tu t’en souviendras un jour,

— Et bien, on va attendre ce fameux jour, d’accord !

— D’accord.

Par la suite, lorsque Joe fit ses quinze ans, des images qu’il pensait révolues revinrent le hanter. Il revoyait Phil le fixant d’un air plein de grief. Leurs chutes dans le ravin. Un vieil homme qui chantait. Sam avait de plus en plus de mal à les ignorer. Pour empêcher que ces veilles blessures n’altèrent son jugement, il s’était remis à relire ses livres, acquis dans sa jeunesse, espérant y trouver des réponses l’aidant à faire face à ses démons d’antan mais cela n’avait abouti à rien.



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