Partie I

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— Sombre idiote !

Xantha était folle de rage. Si elle pouvait comprendre que sa disciple Vivienne ne soit pas aussi vive que son surnom le laissait à penser, elle ne pouvait accepter son comportement. La jeune fille aux longs cheveux blonds était entrée en douce dans les archives du Conclave. La sorcière l’avait surprise au milieu des rayonnages pourtant interdits au public. Et d’autant plus interdits à ceux qui avaient le don.

La sorcière arracha des mains de son apprentie le livre qu’elle lisait en cachette, et en fit usage pour lui donner un coup sec sur la joue. La peau de cette dernière éclata sous l’impact, laissant perler quelques gouttes de sang. Sous le choc, la jeune fille s’étala de tout son long sur le sol de pierre poussiéreux.

— As-tu seulement la moindre idée de ce qui est enfermé ici ?

— Je voulais seulement …

— Tu voulais seulement détruire le Conclave, c’est ça ? Ou préfères-tu anéantir toute la cité directement ?

Xantha fit une moue et fronça les sourcils. Elle serra fortement le volume à la couverture défraichie qu’elle avait utilisé comme une arme. Arme plus efficace qu’elle ne l’aurait cru, d’ailleurs. Le livre, bien qu’il soit doux au toucher, sentait le moisi. La charogne, presque. Il était sobrement intitulé « Sangriffe ». Avant de le replacer sur son étagère, la femme fit un léger mouvement de tête vers la sortie, transperçant du regard Vivienne.

— Dehors.

La main sur sa joue coupée, sa protégée quitta la pièce sans demander son reste, la mine basse. Savait-elle seulement les horreurs que les archives renfermaient ? À dire vrai, Xantha ne le savait pas non plus. Il y avait évidemment plusieurs rumeurs qui parlaient d’une magie perdue et de gigantesques pouvoirs, mais aussi de dieux anciens ayant transcrit leur savoir sur les pages de ces livres. Mais, si tel était le cas, personne n’en faisait usage. Dans la situation actuelle, cela aurait pourtant été d’un grand soutien.

Enfin seule, la sorcière déambula dans la pièce où, en près de vingt ans, elle n’était jamais entrée. Il s’agissait d’une grande bibliothèque au haut plafond vouté, ce qui expliquait le long et raide escalier qui y menait. La pièce était assez sombre, à cause de l’éclairage de charbon bleu, combustible de cette région du monde qui teintait les flammes d’azur. Nulle fenêtre n’apportait quelques rayons de lumière naturelle, les archives étant profondément enterrées sous la forteresse du Conclave. Toutefois, il y faisait suffisamment clair pour y distinguer les reliures des ouvrages. Les murs de marbre noir étaient veinés de stries orangées, qui, si elles réverbéraient normalement l’éclat chaleureux du soleil et du feu, semblaient ici presque immaculées de par l’ambiance bleutée. De cet alliage extrêmement solide, Xantha n’avait vu jusqu’ici que des fragments. De l’obsidinite. La pierre, dont les seuls gisements connus se trouvaient au nord du continent de l’Aurore, avait en plus d’être belle et rare la propriété d’absorber et de bloquer les pouvoirs non-naturels. Dans ces archives, Xantha était aussi faible qu’un agneau, à peine capable d’allumer une flamme de sang.

La sorcière sentit une légère brise chatouiller sa nuque. Elle se retourna, ne voyant que les flammes des bougies derrière elle vaciller.

— Vive ? Tu es encore là ?

Le silence lui répondit. Soudainement, cet endroit lui paraissait bien plus hostile. La femme frissonna et sortit assez précipitamment.

En refermant la porte derrière elle, elle s’avisa qu’il y aurait normalement dû y avoir un verrou pour éviter ce genre d’incident. Chose qu’elle ne manquerait pas de signaler, après avoir gravit les centaines de marches vers le cœur de la forteresse. Dieux, quelles étaient raides ! Quand elle atteignit enfin le sommet, elle avait le souffle court et les mollets en feu. Durant son ascension, elle n’avait évidemment rencontré personne. Le silence berçait les couloirs du Conclave, qui était loin de vivre son âge d’or. Xantha n’avait jamais eu l’occasion de voir ce lieu plein de pratiquants de la magie, comme dans l’ancien temps. Seules les plus anciennes maîtresses du Conclave avaient eu ce privilège. Mais la sorcière n’entendait que le bruit de ses talons sur la pierre. Et de légers craquements dans les murs. Sans doute s’agissait-il de rats.

Sur la petite trentaine de femmes qui vivaient dans l’immense édifice, c’est sur celle qu’elle appréciait le moins qu’elle tomba en premier. Frimelda était la seule sorcière admise au Conclave qui ne venait pas du beau continent. La femme à la chevelure de feu était vêtue d’une longue robe blanche en fourrure épaisse. Celle qui venait des Terres de glace faisait de l’ombre à Xantha, avec un tel accoutrement. Mais ce n’était pas son aura qui dérangeait cette dernière. Elle la trouvait trop douce, et avait l’impression qu’elle avait d’autres intentions derrière la tête. Mais la native du nord marchait d’un pas assuré, sans le moindre sourire, vers sa collègue.

— Xantha, je viens de croiser ton apprentie. Le visage en sang.

— Je lui ai à peine coupé la joue. Cela guérira vite et lui apprendra à ne pas trainer dans les archives.

— Car il est bien connu que la violence est la meilleure des leçons.

La sorcière rousse avait un visage fermé et un ton très sec. Pourtant, lorsqu’il était question de dureté, Xantha était experte.

— Elle est toujours meilleure que la mort de son élève. N’est-ce pas, Frimelda ?

Elle la vit serrer la mâchoire, et sut qu’elle avait gagné cette joute verbale avant même qu’elle n’ait réellement commencé. Elle n’y était pas allée de main morte, en lui rappelant l’accident qui avait coûté la vie à son élève, Istelle, quelques mois auparavant. L’expression de sa rivale fondit comme neige au soleil.

— Apprends donc de mes erreurs. Nos filles sont trop peu nombreuses pour que nous puissions les perdre.

— Pour cela, il faudrait commencer par verrouiller le sous-sol.

Frimelda haussa un sourcil, et se dirigea vers l’escalier d’où venait sa collègue.

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