Partie V

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La Maîtresse du Conclave referma la lourde porte de la salle d’étude avec un soupir de soulagement. L’intérieur des murs de la salle d’étude était, comme la totalité des archives, fait d’obsidinite, du moins sur une fine épaisseur. Cela suffisait à bloquer les sortilèges et, pour le moment, la créature. L’air concentré mais pas moins effrayé, plusieurs femmes s’affairaient dans divers coins de la pièce. Au centre de celle-ci, entourée de bibliothèques, se creusait une petite arène d’entrainement, que les apprenties utilisaient pour apprendre à maîtriser leur don. Avec trois autres jeunes femmes, Vivienne s’efforçait de trouver des livres pertinents, qu’elle ramenait à un groupe de sorcières plus âgées dirigées par Clarence. Cette dernière cherchait sans doute un moyen de lutter contre la créature. En apercevant les deux nouvelles venues, la Maîtresse du Conclave leva les yeux des ouvrages poussiéreux, et vint à leur rencontre.

— La situation est plus grave que ce que je pensais, Clarence. Une bête a été libérée des archives.

— Nous avons installé toutes les défenses nécessaires pour passer la nuit, Maîtresse Dione. Nous saurons nous défendre.

— Les protections sont inutiles. J’ai vu la créature. Ce n’est pas quelque chose qui vient de notre monde, mais d’un autre, horrible et inaccessible. Un démon.

— Les murs de la salle …

— Le retienne pour un instant. Mais il suffira de passer par les fenêtres. Ce n’est pas créature à être contraintes par les barrières physiques de notre plan. Ce n’est pas une porte, ni un mur épais qui la bloquera. Ni la barrière magique qui les renforce.

Pendant que les deux Maîtresses échangeaient sur la meilleure solution à suivre, Vivienne, qui les écoutait, s’approcha de sa tutrice. La jeune fille avait la mine sombre, même pour un moment comme celui-ci. Elle garda la tête basse.

— Je suis navrée. Tout cela est ma faute. J’ai libéré le démon de son livre.

Xantha soupira très légèrement. Si, la plupart du temps, elle avait envie de lui mettre une rouste, elle ne voulait ici que la prendre dans ses bras. Toutefois, toujours sur la réserve, elle se contenta de s’accroupir pour être à sa hauteur, et se força à lui sourire.

— Tu m’aurais impressionnée si tu avais fait montre d’un tel pouvoir. Mais tu te trompes, mon enfant.

Cette dernière releva la tête pour rencontrer son regard.

— J’ai versé le sang. J’ai libéré le monstre. Tu n’es en aucun cas responsable.

Un éclair de soulagement passa dans les yeux de Vivienne. Xantha la prit par les épaules, et approcha son visage tout près du sien, pour murmurer.

— Je sais que les ténèbres sont effrayantes. Moi aussi, elles me font peur.

— Vous avez peur, vous ?

— Oui, mon enfant. Mais je vais me battre, pour te protéger et protéger toutes les sœurs du Conclave. Et un jour, tu te battras aussi.

Son apprentie secoua la tête.

— Je suis incapable.

En temps normal, Xantha lui aurait certainement mis une gifle, pour chasser ces stupides idées de son esprit. Mais elle se retint. Au lieu de ça, elle s’approcha encore.

— Là aussi, tu as tort, Vive. Il n’y a plus que vingt-sept sorcières dans le monde. Ici au Conclave. Sais-tu pourquoi tu en fais partie ?

En secouant la tête, la jeune fille répondit par la négative.

— Parce que tu as le don. Il est en toi, prêt à jaillir.

Xantha montra, sans doute pour la première fois, un signe d’affection pour sa protégée. Elle la porta contre son cœur, et chuchota à son oreille.

— Libère le feu qui coule dans tes veines, Vivienne.

L’intéressée se contenta d’acquiescer doucement, sans mot dire. Sa tutrice entendit les Maîtresses du Conclave l’appeler et relâcha son étreinte. Dione et Clarence l’attendaient devant la porte. La première avait la main sur la poignée.

— Vous sortez, Maîtresse Dione ? Le crépuscule est bientôt là.

— Il nous faut mettre la main sur le livre, dans les archives. Qu’on soit la nuit ou le jour, elles seront plongées dans les ténèbres. La créature ne se contentera pas d’épier, dans tous les cas.

— Vous ne devriez pas y aller. Restez avec vos sœurs, à l’abri.

Dione contempla le toit voûté de la salle d’étude.

— Je te l’ai dit, Xa. Nous ne sommes pas à l’abri ici. Dès que la nuit tombera, elle entrera sans difficulté.

Un frisson parcourut l’échine de la sorcière. Clarence vint poser sa main sur celle de son aînée, et tourna la tête vers Xantha.

— Je vais demander aux nôtres de se préparer. Nous devons quitter la forteresse, même si cela veut dire l’abandonner au Conquérant Markys.

Après un regard entendu avec Maîtresse Dione, elle rejoignit un groupe de sorcière et commença à aboyer quelques ordres. De sa main libre, la plus ancienne des sorcières redressa son chignon immaculé.

— Retrouve-moi dans mon bureau lorsque les autres auront quitté le Conclave. Veille à ce qu’elles quittent ces murs indemnes.

Et elle passa par l’entrebâillement de la porte, qui laissa passer un rayon rougi du soleil couchant.

Il fallut une heure à peine pour que les sorcières réunissent quelques artefacts qu’elles ne pouvaient pas décemment laisser là, aux mains du sanguinaire conquérant. Elles sortirent en rangs serrées, toutes tiraillées par sentiment d’intense angoisse. Xantha était à l’affut du moindre mouvement dans les ombres, du moindre brin d’herbe qui se tordait contre le vent, du moindre grondement inhabituel. Elle savait que la créature était là, quelque part, à les épier. Et que, lorsque l’astre du jour finirait de disparaître à l’horizon, elle bondirait.

Vingt-cinq sorcières franchirent le mur d’enceinte de la citadelle.

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