Partie VIII

3 minutes de lecture

Mais elle n’alla pas loin. Des petits pieds dépassaient de derrière le rayonnage. La créature attendait que la sorcière passe devant elle pour la saisir. Xantha fit demi-tour. A l’autre bout de la grande étagère, elle discerna une silhouette dans les ombres. Elle ne pouvait pas lui échapper. Elle allait devoir être extrêmement rapide. Elle fit un pas en arrière, pivotant vers la sortie, vers son salut. Et elle fut saisie avec une grande force à la mâchoire. De longs, trop longs doigts rouges agrippaient ses joues.

Xantha n’eut pas le temps d’hurler. Elle n’eut pas le temps de réagir. Elle n’eut pas même le temps de souffrir.

Elle n’entendit pas Vivienne, sur le pas de la porte, rugir lorsque la créature lui arracha d’un geste sec la partie inférieure de son visage, déchirant sa sublime peau d’ébène. Le corps sans vie de Xantha s’effondra devant les petits pieds du démon. A l’exception de ses mains, où la peau était plus sombre, il était immaculé. Humanoïde, il était toutefois trop grand pour être confondu avec un homme. Pour tenir correctement sur ses assises, il était obligé de se voûter, révélant sa colonne vertébrale à travers sa peau mince. Il était dépourvu de pilosité, et même ses yeux d’un bleu presque blanc ne semblaient pas protégés par des cils.

Malgré son apparence, Vivienne n’en avait pas peur. Ou plutôt, elle était bien trop enragée pour ressentir la terreur que la créature lui inspirait. Elle avait profité d’une halte de ses sœurs du Conclave pour s’éclipser, et revenir sur ses pas. Elle ne voulait pas abandonner sa gardienne, aussi froide soit-elle, face à une abomination. Et pourtant, cette femme gisait là, morte et défigurée. Son existence même avait été profanée par l’être démoniaque qui lui faisait désormais face.

La jeune fille aux longs cheveux blonds sentit son sang bouillir. La colère grimpa dans ses veines. Bientôt, la créature serait sur elle, traversant la grande salle avec une vivacité surnaturelle. Vivienne avait écouté la dernière leçon de sa tutrice.

Elle libéra le feu qui était en elle.

Les étagères rougirent avant de brûler complètement. Les livres se consumèrent, et la jeune sorcière eut l’impression d’entendre des cris s’échapper de certains d’entre eux. Les bougies bleues avaient laissé place à un déferlement orangé. Les flammes attaquèrent la robe noire de Xantha. Sa rage ne cessait d’affluer, et elle ressentit bien vite une vive douleur dans ses bras levés. Autour d’elle, la pression de l’air augmenta. Son pouvoir faisait fi du minéral qui composait les murs. Il appuyait dessus, commençant à les craqueler, les fissurer. Tel un plafond de verre heurté par la grêle, des pierres du plafond se déchaussèrent, et chutèrent dans la pièce qui s’effondrait sur elle-même.

Et la créature avançait toujours plus vite, haletant. Les flammes ne semblaient même pas la perturber. Elle n’était qu’à quelques pas de la jeune fille. Elle brandissait déjà ses membres trop longs, écartant ses doigts écarlates. Mais un morceau du mur vint écorcher sa peau. Là où le feu n’avait pas le moindre effet, la pierre d’un noir profond fit gicler le sang de la monstruosité.

Le plafond finit de tomber, comblant totalement les archives en ruine. Ce mur-là, le démon ne pourrait le traverser.

Vivienne avait encore le souffle coupé par ses propres capacités, qu’elle sentit un goût salé dans sa bouche. Les larmes coulaient toutes seules. Après avoir admiré quelques instants les gravats, elle avisa que le bruit assourdissant n’avait cessé, et que la terre tremblait toujours. Elle remonta les escaliers en trombe, avant de finir enfouie elle aussi sous la forteresse du Conclave qui s’écroulait. Entre les larmes et la poussière, elle n’y voyait plus rien. Elle abandonna Xantha dans les archives. Elle était responsable de sa mort. Elle avait libéré le monstre, et n’était pas arrivée à temps pour l’arrêter. Un moment, elle se convainquit de s’arrêter, et de se laisser mourir, avant de chasser cette noire pensée et de reprendre sa course.

Elle ne s’arrêta qu’une fois au-dehors, où, dans un sanglot, elle s’effondra contre la terre humide et froide.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Archelios Leochares ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0