Hadzel
Il n’y a qu’une demi-journée de bateau pour accoster à Hadzel et, malgré tout Erloa trouve le temps long ! Elle s’est mise à la proue, avec un sentiment ambigu, à la fois elle est contente de voyager et à la fois, elle pense à sa mission avec une certaine appréhension. Si trouver la vertu d’une ile est facile pour la plupart des personnes, cela ne l’est pas pour Erloa. Erloa est guerrière avant tout, elle n’a que faire des qualités des autres.
- Bonjour Erloa, lui dit une jeune paysanne, en la rejoignant sur la rambarde.
Erloa se retourne et salue la jeune paysanne, légèrement gênée d’être si vite démasquée. La paysanne éclate de rire :
- La première fois que j’ai rencontré une autre missionnaire, j’ai eu la même réaction que vous !
- Mais qui êtes-vous ? demande Erloa
- Gabelle de Hadzel. Je suis la missionnaire de mon île.
- Et comment savez-vous que je suis Erloa ?
- Regardez autour de vous, voyez-vous quelqu’un qui soit habillé de la sorte ? répond-elle joyeusement. En réalité, les missionnaires sont toutes des princesses mal déguisées par leur parents en espérant les faire passer inaperçues. Mais c’est raté ! je les ai toutes repérées.
- Princesse, intervient à voix basse Saléïs. Je ne pense pas opportun de clamer cela de la sorte. Restez plus discrète, je vous prie.
- Toi, on ne t’a rien demandé ! réplique-t-elle vivement.
Erloa est suffoquée, jamais elle n’aurait osé parler de cette manière à son oncle. Elle fixe tour à tour les deux protagonistes sans émettre de commentaire. Saléïs, par contre, ne semble pas en prendre ombrage ; il incline la tête légèrement sur la droite et s’éloigne des deux filles.
- C’est mon oncle ! souffle Erloa à Gabelle.
- Oui et alors, c’est quand même un homme.
Erloa reste pantoise. Elle se tait en dévisageant son interlocutrice. Gabelle éclate de rire, elle ajoute :
- C’est vrai que chez vous les hommes ont les mêmes droits que les femmes ! Je me demande comment ça marche. Vous n’avez pas de problème de guéguerre perpétuelle ?
- Non.
- Allez ! ne me faites pas croire que les hommes ne vous créent pas d’ennui.
- Autant que les femmes, répond Erloa de plus en plus sur la défensive.
Gabelle dodeline de la tête avec un petit sourire espiègle.
- Tant mieux pour vous, mais mais vous ne savez pas ce que vous ratez en les reléguant au placard !
Indulgente, Erloa sourit. Elle n’imagine pas, c’est vrai un monde non paritaire. Gabelle poursuit la conversation, sur un ton plus feutré :
- Durant mon voyage, je suis passée par Guerlon. C’est un enfer pour les femmes. J’ai eu un mal fou à trouver le sage parce que je ne pouvais pas faire un pas sans avoir un homme à mes basques. J’ai failli me faire fouetter parce que je lisais une carte ! Les femmes ne peuvent pas lire. Elles sont le jouet de leur mari voire de leur père. C’est une honte. Du coup, j’ai compris que chez nous, la situations pour les hommes de chez moi. Quand je serai reine, ça changera dit-elle avec force.
Erloa s’abstient de faire remarquer qu’à voir la manière dont elle s’est adressée à un diplomate royal male, elle aura elle aussi un travail à faire. Gabelle éclate de rire :
- Vous vous dites qu’il y a du travail, c’est ça ?
- Un peu, répond Erloa. Je vous avoue que je n’ai jamais pris la peine de me dire qu’il pouvait y avoir une différence entre les sexes. Chez nous, tout ça est tellement naturel. Mais racontez-moi plutôt ce qui m’attend enchaine-t-elle.
- Hélas je ne peux pas vous en dire grand-chose, et je crains que votre tour soit plus compliqué que le mien. Plusieurs iles sont devenues grabaudaises depuis mon passage. J’ai eu l’occasion de donner chacun de mes cailloux mais je doute que j’y parviendrais maintenant.
- Mais comment avez-vous découvert qu’elles étaient la principale qualité de l’ile ?
- Ne vous tracassez pas, ça viendra tout seul.

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