Dieu ne voit pas les contraceptions d'urgence si on les cache

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En 3e année, je travaillais en tant qu'étudiant les samedis et les étés dans une pharmacie de gare.

Les vieux titulaires proches de la retraite étaient des vieux réacs, mais ils votaient Mélenchon (chose rare pour des pharmaciens patrons), malgré leurs penchants d'extrême gauche, ils jugeaient terriblement mal les jeunes femmes venant demander la pilule du lendemain, si bien que j'ai cru, au début, que c'était quelque chose d'extrêmement grave.

Il y avait une vieille préparatrice que j'adorais, mais son défaut était d'être prude et un peu peau de vache. Il faut dire qu'elle allait à la messe tous les dimanches et faisait partie de la chorale de l'église, c'est un détail important pour la suite de l'histoire. Je me rappelle qu'elle pestait en rangeant des tubes de lubrifiants qui oscillaient sous son nez à cause d'un présentoir en plastique souple. C'était assurément un choix délibéré du marketing de la marque. "C'est obscène !" Disait-elle. Son nom m'échappe alors on va l'appeler Mme Michon.
Elle aussi, jugeait les adolescentes apeurées qui venaient récupérer la contraception d'urgence auprès d'elle. Elle leur posait des questions, de façon sèche, faisait des remarques désagréables.

Un jour, une ado d'à peine 13 ans est venue m'expliquer timidement qu'elle avait eu un rapport non protégé la veille et qu'elle avait peur de tomber enceinte. Elle était accompagnée d'une amie pour la soutenir et lui donner du courage, c'est une pratique courante, car il n'y a rien de plus terrifiant que de parler de ces choses-là à un inconnu, en public, tant on connaît l'indélicatesse de certains confrères.
Je suis donc allé chercher la fameuse Norlévo que l'on surnomme bêtement "la pilule du lendemain" alors qu'elle n'est pleinement efficace que 12 heures après le rapport, à 24 heures : c'est déjà moins bien, 48 heures : bof, et au-delà de 72 heures : trop tard.
Je l'ai passée en remboursement à la sécu, car c'est la règle, elle est prise en charge pour les mineures. Certaines mentent sur leur âge, mais on s'en fout, car ça coûte moins cher qu'une IVG (autant psychologiquement que matériellement).

Je lui ai prodigué les meilleurs conseils, mais voilà que Mme Michon arrive, visiblement, elle la connaissait :

  • Alors Mathilde ! Tu n'es pas venue à la chorale hier ! Comment ça se fait ? Et maman va bien, on ne l'a pas vue à la messe !
  • Heu oui, j'étais malade...

Ni une ni deux, voyant que Mme Michon s'approchait dangereusement, je cachais la boite de Norlevo sous ma main en échangeant avec la jeune un regard compréhensif. Tandis que ma collègue déblatérait sur l'importance de la chorale, j'ai pu lire un merci dans les yeux humides de l'interlocutrice. Après une longue discussion avec l'inquisition, lorsque le dieu vengeur a eu le dos tourné, je lui ai glissé la pilule dans un sac et lui ai souhaité bonne chance.

Quelle aventure !

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