Hélène sort déjeuner

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 Déjà treize heures trente, je sors. La placette, de l’autre côté de la passerelle, est déserte. J’aime bien l’idée d’avoir à franchir un pont pour quitter mon gîte, c’est comme disposer de son domaine dans la ville, un endroit à part, isolé, hors de l’espace et du temps.

 Je déploie le plan et tente de repérer le chemin à prendre. Difficile de le louper, la ligne en feutre rouge trace ma route.

 En face, à droite au bout de la rue, c’est assez simple… Pour l’instant. J’avance dans la ruelle étroite, la carte devant les yeux. J’entends juste quelques bruits qui me parviennent des fenêtres ouvertes, des conversations et le tintement de couverts sur des assiettes.

 Ma doudoune, si utile à Paris, était en trop, j’ai opté pour un sweatshirt qui me fait ressembler à une touriste. D’un autre côté, c’est exactement ce que je suis, alors pas de chichis, en avant toute !

 Je croise deux passages, un ramo, une caille, d’après les plaques délavées à leur entrée, le Ramo Della Vida précède la Calle Della Vida. Je goûte les sonorités dans ma tête en me disant que le jour où ils ont nommé les rues, ils avaient épuisé leur répertoire.

 Droite, gauche, une grande rue, enfin plutôt un canyon entre les immeubles, cinq mètres de large, j’ai l’impression d’espace après la ruelle étroite et tordue que je viens de quitter. Le linge sèche de part et d’autre des maisons, les plaques et les sonnettes s’alignent avec leurs boutons dorés, je prends en photo celles qui me paraissent originales avant de me lasser. Au-dessus des porches, je lis les numéros, histoire de me repérer. 1380, mince ! La rue doit être vachement longue !

 Prochain embranchement, quelques commerces, des bistrots proposant du spritz à toute heure. Bien que je n’aie pas la moindre idée de ce que c’est, je décide d’en boire en apéro pour inaugurer mon premier repas ici.

 Je continue de suivre le tracé du Signore Valente, pas très compliqué même si l’absence de vue sur le soleil et les tours et détours qu’impose la structure de la ville me perturbent . Pas grave, j’ai le plan ! Et puis, je dois quand même signaler que je n’ai pas un excellent sens de l’orientation non plus.

 Droite gauche, droite, au loin se profile un pont, mon sésame vers une autre île, vers une autre terre… Cette ville me rend poète.

 Je traverse le canal et me retrouve dans le décor de Brunetti, une série allemande que mon grand-père regardait, entre deux whiskies, la dernière fois que je lui ai rendu visite. Je reconnais parfaitement le passage couvert, monté sur pilotis avec ses enduits de couleur rose. En fait, dans la vraie vie, ce n’est pas du tout un commissariat, mais un ancien truc religieux. Je prends quand même quelques photos, pour les envoyer à Pépé José à mon retour.

 Quand j’arrive devant le restaurant, j’ai déjà la tête remplie de souvenir, de canaux, de jolis bâtiments, de ponts et de grandes places couronnées par des églises baroques. D’après le plan, j’ai traversé deux murs, mais soit j’ai gagné un super pouvoir, soit la carte officielle loin d’être parfaite. J’opte pour la première hypothèse, bien entendu.

 La Strega s’annonce avec une jolie enseigne en forme de sorcière, j’entre. La décoration simple n’évoque pas tellement la sorcellerie, quelle déception !

 Une jeune femme s’approche de moi et me parle d’emblée en anglais. Elle me demande combien nous serons et me propose une table. Je prends un plaisir sadique à lui répondre dans mon meilleur italien, son attitude change, son sourire gagne un peu d’éclat alors qu’elle m’installe près de l’entrée, avec une vue sur la rue.

 J’aurais dû le voir arriver, mais il s’assied en face de moi, comme s’il avait surgi de nulle part. Bénédict Gossling, alias mon petit alien à moi, Antarès.

 « Je peux me joindre à toi ? »

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