Les passéonautes étaient de retour dans l'atelier de Papy.

Une réunion avait été programmée entre tous les membres de la demi-famille.

Bien entendu, René n'y était pas convié.

Ils racontèrent le contrôle qu'il durent subir de la part des anges de la police du ciel qui voulaient s'assurer qu'ils n'effectuaient pas des transferts interdits d'une époque à une autre. Ils commençaient à s'habituer à ces vérifications.

Gérard s'exprima en premier. Son client était en gros progrès, il pouvait même dire, en énormes progrès, dans les matières qu'il supervisait, à savoir, compta, paye, gestion. Il comptait lui ajouter bientôt la fiscalité et le droit social.

Rose indiqua qu'elle cherchait à lui procurer des activités sociales, et qu'à son avis, ses passages à l’hôpital pour accompagner des personnes seules lui étaient profitables, et que l'épisode de la petite malade l'avait profondément touché. Elle en cherchait d'autres. Elle en profita pour dire qu'à son avis, la comptabilité n'était pas une activité sociale qui le ferait progresser.

Pour Lucie, les progrès constatés étaient indéniables. Elle avait travaillé sur les thèmes de la sensibilisation aux contacts humains, et à l'apprentissage d'une saine relation hommes femmes.

Elle raconta l'histoire qui avait valu la réprobation de Cloé.

Gérard ne put se retenir, et il interpella Lucie:

Ton intervention n'a pas été sans conséquence, tu as au moins fait une touche avec lui dans l'Ancien Monde. Et tu n'as pas paru tout à fait indifférente à ses propos.

Lucie répliqua du tac au tac : quoi de plus normal que je puisse être séduite par un homme qui a aussi séduit ma mère à mon âge.

Ne dis pas de bêtises. Intervint Anna.

Gérard poursuivit : si cette situation de flou persiste, il faudra que Lucie se fasse remplacer par Gertrude. Lucie a sa place toute trouvée dans un couvent. Ça sera une bonne excuse pour l'éloigner.

• Lucie : Il n'en est pas question, j'ai mis des semaines pour trouver le bon angle d'attaque, et il faudra du temps, éventuellement beaucoup de temps pour en arriver au même point.
•  Gertrude à Gérard : c'est parce que tu me considères comme un boudin, incapable de séduire quelqu'un, que tu m'attribues le rôle de roue de secours. Je plaisante.

  Lucie fait un excellent boulot, mais quand on veut jouer à l'ange, on risque de se brûler les ailes.

• Lucie : Et papa, pendant ce temps ?
•  Anna : Depuis qu'il est à la retraite, et qu'il a dit : ma retraite, c'est ma retraite, je ne suis plus en activité, il en a fait de moins en moins.

  Mais, depuis quelques jours, il y a eu un léger sursaut, un très léger sursaut. On l'a surpris par exemple, en train de vider le lave-vaisselle pour replacer les couverts dans le placard. On n'a pas eu le temps de prendre la photo. Il est allé jeter le sac poubelle dans la benne municipale. On avait cru qu'on nous l'avait volé. Peut-être que ça bouge dans ses neurones.

Papy s'agitait dans son fauteuil. Il n'arrêtait pas de prononcer: inadmissible, inadmissible.

Déjà, en tant que sicilien d'origine, il n'avait pas eu beaucoup de tolérances pour ses filles, et il en avait encore moins pour ses petites filles. Et, savoir que l'une d’entre elles était l'objet d'une opération de séduction de la part de son futur père, le mettait hors de lui.