Le Clan O'Hun

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Dans une petite province, à la lisière d'une vaste forêt, se trouvait une petite ville. Tous les habitants y vivaient en paix et ce, depuis des décennies. Cette petite bourgade était quasiment indépendante, ne commerçant avec ses voisines que très rarement pour acheter certains matériaux qu'on ne trouvait nul part ailleurs. Elle rassemblait de nombreux corps de métiers : les hommes étaient principalement fermiers, chasseurs, pécheurs, boulangers ou artisans en tout genre. Les femmes s'occupaient de l'éducation des enfants, ou étaient tisseuses, cuisinières et certaines étaient même marchandes.

On y vivait heureux. Le soleil brillait dans le ciel sept mois sur douze, inondant de ses rayons le bonheur des habitants. Les enfants courraient dans les rues pavées, se chahutant en riant. Les plus âgés profitaient du petit lac tout près pour aller se baigner, batifolant avec le sexe opposé et découvrant les prémices de l'amour. Enfin, les anciens étaient assis sur des bancs et regardaient la ville bourdonner autour d'eux, critiquant les passants tout en vantant les mérites de leur descendance.

Il y faisait bon vivre. Réellement.

Mais comme tout bonheur apporte son lot de malheur, la petite ville commença à attirer les regards de mauvaises gens, qui voyaient en ce petit coin de paradis, un filon d'or qu'ils devaient exploiter. Un jour, des chevaux entrèrent dans la ville au galop attirants sur eux des regards curieux. Perchés sur leurs destriers, se trouvait ce qui allait devenir le fléau de la ville : le Clan O'Hun.

En quelques jours, la petite ville paisible se transforma en véritable forteresse de guerre où le Chef des bandits y faisait régner une atmosphère de terreur. Usant de la force, il fit ployer les habitants de la ville. Bien entendu, ceux-ci se rebellèrent et prirent les armes : il ne fallait pas penser qu'ils n'étaient que de simples petits paysans sans défense. Malheureusement, ils ne firent pas le poids face aux brigands surentraînés et en surnombres.

La terre se gorgea de sang, de la fumée s'échappait dans le ciel nocturne. Puis quand tout se calma, la réalité frappa de plein fouet les citoyens. Alors, les bandits installèrent leur quartier-général dans la maison du maire, assassiné quelques heures plus tôt.

Rapidement, ils construisirent un mur autour de la ville, l'isolant définitivement du reste du monde. Ayant signé de nombreux pactes et traités avec le royaume à côté, la ville était quasiment devenue une Cité-État, et le royaume n'avait aucune autorité sur celle-ci. Le roi tenta d'envoyer son armée, mais le royaume était bien trop faible et trop petit, et les bandits n'en firent qu'une bouchée.

Le Chef du Clan était un homme redoutable qui dirigeait ses troupes d'une main de fer : on ne lui connaissait aucune pitié, aucune patience. Il n'était qu'une vide coquille de fer privée de cœur. Il se délectait de la souffrance des autres, et était adepte de la torture. Il aimait par-dessus tout sentir les os de sa victime se briser sous ses poings. Haut comme deux hommes moyens, il en pesait le triple. C'était une véritable montagne de chair et de muscles, une machine de guerre. Il était toujours torse nu, dévoilant sa musculature surhumaine pour inspirer la crainte chez les autres.

Même parmi ses hommes, on le redoutait aussi bien qu'on l’idolâtrait. On ne donnait pas chair de sa peau à quiconque avait eu le malheur de s'attirer ses foudres. De nombreuses rumeurs, certaines plus vraies que d'autres, circulaient parmi les brigands sur son compte : on racontait qu'il avait déjà battu à mort un de ses hommes pour le simple motif qu'il n'était pas arrivé assez rapidement jusqu'à lui. Quiconque le regardait droit dans les yeux signait son arrêt de mort. Tout comme prononcer un mot de travers. Ses accès de rage intense étaient connus de tous, et on avait dû réparer par deux fois la grande maison de feu le maire.

En quelques mois, tous durent se faire une raison : le Clan O'Hun régnait en maître sur cette terre. Ceux-ci se mirent à contrôler la vie des habitants jusqu'au plus jeune nouveau-né. Ils créèrent de nombreux impôts, que les habitants devaient payer tantôt toutes les semaines, tantôt tous les mois. Ils n'hésitèrent pas à châtier ceux qui ne pouvaient pas payer, sans aucune once de pitié et de miséricorde. Ainsi, plusieurs habitants étaient passés sous le fil de leurs épées. La première victime fut un paysan, père de trois enfants.

C'était le jour de la levée des impôts. Chaque représentant des familles devait se rendre au repaire des brigands, pour s’acquitter de l'impôt. Tenant un registre très précis, les bandits contrôlaient qui se trouvaient présents et descendait dans les rues chercher ceux qui ne l'étaient pas. Ils étaient alors passés à tabac et devaient ensuite payer deux fois le montant exorbitant.

Le tour d'un paysan sans histoire arriva. Malheureusement, la ville avait connu de violents orages quelques jours auparavant et le paysan avait perdu beaucoup de ses récoltes. Il n'avait pas de quoi payer l'impôt dans sa totalité. Il supplia alors le Chef du clan de lui laisser quelques jours, pour réunir la somme demandée. Le Chef, impassible, se leva de son siège, chose qu'il ne faisait jamais, et s'approcha du vieux paysan en larmes, son épée teintant contre son énorme cuisse.

— Tu sais à quel point je n'aime pas attendre, s'exclama-t-il de sa voix caverneuse.

Le petit paysan tomba à genoux, ne cessant de l'implorer.

— Mais pour toi, je ferais une exception.

Il força le vieux monsieur à se lever et à le regarder dans les yeux.

— Non, tu n'auras pas besoin de payer l'impôt ce mois-ci.

Les yeux du paysan s’écarquillèrent de soulagement.

— Tu n'auras pas besoin, répéta-t-il. Car tu n'auras plus jamais l'occasion de travailler de ta misérable vie. Celle-ci se termine aujourd'hui.

Le visage du paysan se liquéfia à ces paroles.

— Monseigneur, je... je...

Il ne termina pas sa phrase. Le Chef aplatit sa grosse main sur sa bouche et le tourna face aux habitants, qui regardaient la scène, horrifiés.

— Ce sont tes enfants que je vois ? chuchota-t-il aux creux de son oreille.

Le paysan hocha la tête, en pleurs. Deux frères se tenaient en retrait, ainsi qu'une petite fillette. Trois brigands se précipitèrent sur eux et les immobilisèrent avant qu'ils ne puissent faire un mouvement. Les enfants se débattaient comme des beaux diables, hurlant le prénom de leur père, suppliant le Chef O'Hun.

— Regardez et prenez-en de la graine, rugit alors le Chef aux habitants, apeurés. Ainsi, il ne peut pas payer ce que je lui demande ? Il ne peut pas s'acquitter de la dette qu'il a envers moi. La dette de l'avoir épargné et laisser en vie. J'aurais pu mettre fin à ses jours depuis longtemps, déjà. Mais j'ai été trop bon, avec lui. Voilà ce que c'est de vouloir être gentil. Mais maintenant, tout cela est terminé. S'il ne peut pas payer, alors à quoi cela me sert-il de l'avoir laissé en vie ? Il n'est plus bon à rien. Lorsqu'on n'arrive pas à payer sa dette, on la paye de sa vie. Ce vieil homme m'a mit en colère. Et voici ce qui arrive quand on me met hors de moi.

En un éclair, il sortir son épée du fourreau et trancha la gorge du vieux paysan. Ses enfants hurlèrent de terreur en voyant la tête de leur père rouler au sol à leurs pieds.

— Que cela soit bien clair rugit-il de sa voix de stentor : dorénavant, je n'accepterais plus aucune dérive. Ceux qui ne peuvent payer l'impôt, seront immédiatement condamnés à mort.

Depuis ce jour, le Chef du Clan O'Hun fut impitoyable, tuant de ses mains tout ceux qui lui désobéissaient ou qui le contrariaient.

Les années passèrent sans que rien ne change. La terreur continuait de régner sur la ville, et le Clan O'Hun ne cessait de s'enrichir. Une nuit, Le Chef alla se coucher en suivant son rituel. Après avoir fermé à clé la salle du trésor, il gravit les escaliers jusqu'à ses appartements. Là, il fronça les sourcils en apercevant sa fenêtre ouverte. Il ne faisait jamais cela, car il était d'une prudence incroyable. Il la referma d'un coup sec en se promettant de châtier le lendemain la servante qui l'avait laissée ouverte. Quelques minutes plus tard, il souffla la bougie et se coucha dans son grand lit. Soudain, il sentit une présence. Il ouvrit grand les yeux et aperçut une ombre bouger. Avant qu'il ne puisse se saisir de son épée qu'il gardait toujours à côté de lui, l'ombre s'abattit sur lui. Il sentit alors une lame s'enfoncer entre ses côtes. Il balbutia, mais ne put émettre le moindre son : un main venait d'enfouir un chiffon au fond de sa gorge. Au même moment, une seconde lame vint lui trancher la main. Son hurlement de douleur s'étouffa au fond de sa gorge. Dans le même instant, on venait de lui planter deux lames dans ses jambes, l'immobilisant à son lit. Puis on trancha sa deuxième main.

Cela n'avait duré infime poignée de secondes. L'ombre au-dessus de lui qui l'écrasait de tout son poids bougea. Alors, il ne vit pas une, mais trois capuches se pencher au-dessus de sa tête. Celles-ci se relevèrent, dévoilant le visage de leurs propriétaires.

Le Chef du Clan O'Hun sourit pour la première fois de sa vie.

« Tout était parfait. Je n'ai rien pu faire, se dit-il. J'aurais adoré les avoirs parmi mes troupes et les voir à l'œuvre. Combien de fois me suis-je vengé ? Et aujourd'hui, j'en suis le fruit ».

— Crève, chuchota l'ombre du milieu.

Elle leva la main et la lame d'un poignard se refléta sous les rayons de la lune.

Dans la grande salle rouge où se tenaient sept trônes, celui à la gauche du trône au centre se mit à briller. Un homme apparut alors. Habillé d'un vêtement rouge sang ne couvrant que ses parties intimes ainsi que ses cuisses, il tenait dans sa main, comme si elle était figée, une flamme d'or. Sur son large torse, se dessinaient trois cicatrices qui le cisaillaient dans toute sa longueur, de son cou à son nombril. Il portait autour de celui-ci une chaîne en or massif où pendait un gros pendentif, représentant la forme d'un poignard. Jetant un regard froid aux deux autres personnages, il serra son poing.

Colère était née.

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