Veille de feu

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Une main sur mon épaule, en plein cœur de la nuit.

J'ouvris les yeux et ne vis qu'une lueur aveuglante.

Mon corps refusa d'abord de bouger. Mes bras étaient serrés autour de mon corps, afin de garder la chaleur. Inexplicablement, je ressentis une légère panique ; mon coeur accéléra son rythme.
Une voix appela doucement mon nom et je me calmai.
La main desserra son étreinte et la voix dit simplement :
- C'est l'heure.
Je voulus répondre, mais rien ne vint. Je raclai ma gorge et parvins à prononcer d'une voix éraillée :
- J'arrive.
La lumière disparut dans la nuit et j'entendis ses pas qui s'éloignaient.
Je me débattis afin de sortir un bras de mon sac de couchage. Je parvins ainsi à atteindre la fermeture à glissière et libérai le haut de mon corps. Je me tordis et gigotai pour extraire mon buste. Je pus enfin sortir mes jambes et m'agenouillai sur le sol, tentai de rassembler mes esprits et chassai les derniers vestiges de mon rêve.
J'avais dormi tout habillé et passai simplement un manteau.
Je m'accroupis, ouvris la tente et immédiatement sentis la fraîcheur de l'air d'altitude. Je frissonnai et tenta de me convaincre que c'était encore l'été.
Mon corps était aussi raide que celui d'une vieille marionnette.
Je m'étirai et regardai alentour. La lune n'était pas encore pleine mais projetait une lueur bleutée.
Je mis mes chaussures et m'éloignai de la tente. Je savais où aller. Je ne pouvais pas encore apercevoir le feu mais je pouvais en sentir la fumée.
La rosée inonda le cuir de mes chaussures alors que je sortis de la forêt et avançai avec précautions dans la clairière.
Bientôt je vis la lueur vacillante et mon esprit se réchauffa aussitôt. Alors que je m'approchai, je distinguais la silhouette d'un homme assis près du foyer. J'apparus dans la lumière et il se tourna vers moi.
- C'est l'heure ?
- Oui, c'est l'heure.
Il hocha la tête et se leva. Il ôta la couverture dont il s'était couvert les épaules et me la tendit, ainsi que la branche que l'on utilisait pour manier le feu.
Je le remerciai d'un hochement de tête et il s'éloigna sans un bruit.
Je déposai la couverture sur le tronc où l'on s'asseyait et observai le feu. Les braises semblaient se mouvoir comme des serpents corail entremêlés. Je marchai jusqu'à la pile de bois sec, choisis deux bûches, et revins les placer délicatement au sommet des courtes flammes. J'arrangeai leur position au moyen de la branche, pour les placer dans le sens du vent, afin que celui-ci gardât le feu en vie.
A ce moment précis, je devins le gardien du feu.
J'étais seul sur terre, face à la plus puissante et primitive invention humaine. Tout devint simple, pur, primal.


Je m'assis sur le tronc, passa la couverture sur mes épaules et observai les flammes nouvelles embrasser le bois sec.
Je levai la tête vers les fines particules rougeoyantes qui jaillissaient du feu pour tenter d'atteindre les distantes étoiles.
Je me levai et me dirigeai vers l'orée de la forêt. Je contemplai la chaude lumière qui dansait sur les feuilles des arbres. Je me tenais silencieux et entendis les pas furtifs de ce qui devait être une souris des bois. Je pouvais sentir le vol feutré d'un hibou.
La lumière changea soudain et l'obscurité sembla disparaître. Je me retournai et revins vers le feu. Je réalisai alors qu'une brume était montée de la vallée et envahissait la clairière. Epaisse et impénétrable. Elle se mouvait comme une entité vivante, évitait de s'approcher du feu.
Je restai avec prudence dans les limites de la zone visible et ajoutai du bois dans le feu.
Je me dis que les autres auraient des difficultés à me retrouver à travers ce brouillard. Je ne savais pas quelle heure il était mais je jurai pouvoir apercevoir le soleil à travers la brume. Et personne ne venait.
Je marchai jusqu'au bord du cercle visible et appela.
Aucune réponse.
Simplement le silence.
J'étais hypnotisé par le mur de coton blanc face à moi. J'avais l'impression de voler.
Et je la vis.

Une boule de lumière orange. A courte distance, qui volait dans le brouillard.
J'ai d'abord cru à une lampe. Et me souvins que c'était la direction de la vallée. Devant moi, la roche était à pic.
Elle volait sans un son, en ligne droite, à quelques mètres de moi. J'avais l'impression qu'elle était à portée de bras.
Je retins ma respiration, jusqu'à ce qu'elle disparût.

Je frissonnai. Je me sentis frigorifié et revins vers le feu.
Ses flammes avaient disparu. Les braises étaient presque éteintes. Je m'agenouillai et soufflai. J'ajoutai du bois et soufflai encore, priant pour qu'il ne mourût point, jusqu'à ce qu'une nouvelle flamme surgît.
Je me tendis lorsque je sentis une main sur mon épaule.
Je dévisageai l'homme, et regardai autour de nous.
Il faisait sombre à nouveau. La nuit était finalement tombée.
- C'est l'heure ? demandai-je.
- C'est l'heure.
Je me relevai.
- Combien de temps suis-resté ici ?
L'homme grimaça et m'observa.
- Une heure, comme tout le monde.













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