1.11 - Bois

3 minutes de lecture

Ne sachant que faire de son après-midi et redoutant toujours de croiser Queen, la jeune fille déambula dans les rues. Son errance la mena jusqu'à une ruelle presque dépeuplée. Parmi les quelques bicoques éparses, Snow reconnut la devanture d'un magasin de vêtements, Le Panier de Mère-Grand. Situé juste à l'orée du bois, le commerce ne pouvait être que celui de Rosa Wood. L'adolescente s'avança sur l'allée déneigée qui séparait le trottoir de la porte où pendait l'écriteau en forme de corbeille : Ouvert. Le jardinet paraissait entretenue, les buissons taillés dispersés de part et d'autres de la pelouse givrée, aux brins millimétrés. Çà et là, quelques nains de jardins accueillaient les visiteurs de leurs mines sympathiques. Snow en dénombra sept.

— Le chiffre du changement...

Lorsqu'elle poussa la porte de la boutique, une clochette retentit pour annoncer son arrivée, mais personne ne vint l'accueillir. Snow se permit dès lors de se promener entre les portes-vêtements et autres mannequins de bois. Dans le fond de l'échoppe, trônait l'atelier et l'imposante machine à coudre avec laquelle Rosa confectionnait elle-même chaque pièce qu'elle y vendait. Malgré son taux d'alcoolémie pour le moins inquiétant, la vieille femme s'avérait une couturière hors-pair. Sur les tables encombrées et un buste dénudé, gisaient les étoffes nonchalantes de créations inachevées. L'endroit était désert, cependant. Ni Rosa, ni son inquiétante petite-fille ne pointaient le bout de leur nez.

S'aventurant plus en avant, Snow parvint à l'escalier qui, sans nul doute, conduisait à l’appartement de l'étage supérieur. Elle gravit la première marche et porta les mains à sa bouche afin d'intensifier l'écho de sa voix :

— Il y a quelqu'un ? Cria-t-elle.

Seul le silence lui répondit. Snow resta plantée là quelques instants ; sont regard vagabondait sur les vêtements suspendus aux cintres des portiques. Elle hésitait et refoulait l'envie de gravir l'escalier, de se glisser dans l'appartement que les occupantes, avec un peu de chance, auraient oublié de fermer à clé. Peut-être s'y trouvait-il un indice qui l'aiderait à comprendre la raison pour laquelle Red l'épiait sans relâche.

Elle s'apprêtait à mettre le pied sur la seconde marche, lorsque la clochette de la porte tinta. Snow tressaillit. Elle rebroussa chemin, s'avança discrètement vers la caisse. Personne.

— Il y a quelqu'un ? demanda-t-elle encore, d'une voix désormais tremblante.

Elle n'obtint, une fois de plus, aucune réponse. Un soupir lui échappa et, peu rassurée, elle se faufila jusqu'à l'entrée pour s'échapper de la boutique. À peine sa main abaissait-elle la poignée que le plancher, derrière elle, émit un lourd grincement.

Snow fit volte-face.

— Qui est là ?

— C'est juste moi, répondit une voix rauque. Je ne voulais pas te faire peur.

La capuche rouge du manteau de Red émergea par-delà un porte-vêtements.

— Tu cherches quelque chose ? demanda-t-elle à Snow.

— Non, balbutia cette dernière. Je... je m'en allais.

Elle poussa la porte et se jeta à l'extérieur du Panier de Mère-Grand. Là, de peur d'être poursuivie, elle prit aussitôt ses jambes à son cou. Elle courut à perdre haleine en direction du bois. En coupant par la forêt, elle rejoindrait plus rapidement le bout de son impasse. Restait à deviner dans quelle direction.

Dans sa course affolée, l'adolescente n'osait pas se retourner pour vérifier si Red s'élançait à ses trousses. Pourquoi ne lui avait-elle pas tout simplement demandé ce qu'elle lui voulait, lorsqu'elles s'étaient retrouvées face à face ? Devant cette succube aux mains tachées de sang, Snow perdait ses moyens. La peur la liquéfiait.

La couche de neige qui s'était déposée sur la litière ses derniers jours, si épaisse que ses pieds s'y enfonçaient et y disparaissaient, freinait sa progression. Chaque nouvelle enjambées, aussitôt happée par la poudreuse densifiée, manquait de lui faire perdre l'équilibre. Alors, elle avisa le tracé d'un sentier où, épongé par la terre meuble, le manteau blanc s'amenuisait, presque durci. Dès lors qu'elle l'eut atteint, sa fuite reprit de la vitesse. Elle commençait à reconnaître les membres crochus des arbres tortueux et le chapeau des réverbères qui entouraient l'aire de jeux, et les larmes soulagées affluaient à ses yeux rougis par le froid quand, soudain, une silhouette se découpa sur l'horizon blafard. Le long pardessus de femme venait à sa rencontre.

Annotations

Vous aimez lire Opale Encaust ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0