3.22 - Sous terre

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Comme Snow l'espérait, l'Auteur mégalo consentit à lui dévoiler quelques uns de ses secrets d'écriture. Il la guida, plus loin dans les bois, jusqu'à une bicoque à l'abandon. L'intérieur était poussiéreux et les rares meubles dormaient sous des linges blancs. Évidemment, ce n'était pas ici que vivait ce démiurge.

L'homme au chapeau détacha de sa ceinture un trousseau de clés fourni et s'accroupit pour ouvrir le cadenas qui maintenait fermée, au sol, la porte de l’abri à tornade.

— Vous êtes donc le fameux propriétaire d'Hartland ? feignit de découvrir Snow.

— En effet. Il m'a fallu une patience redoutable pour parvenir à dépouiller cet ordure de Wolf. Fort heureusement, j'ai toujours été bon aux cartes.

— Impressionnant ! Et ces clés, alors, elles permettent d'entrer chez n'importe qui en ville ?

— N'importe qui. C'est toujours plus simple lorsque les accès aux galeries n'ont pas été condamnés. Mais de toute façon, je suis le propriétaire, je détiens aussi le double des clés de chaque porte d'entrée.

— Il n'y avait pas de trappe, chez Queen.

L'Auteur souleva le battant de la porte et invita Snow à s'engouffrer dans l'obscur tunnel qui se découpait par-delà le cadre. Redoublant d'effort pour convaincre le bourreau d'Hartland de sa confiance aveugle, l'adolescente descendit sans opposer de réticence les barreaux en fer fixés le long de la paroi. Lorsqu'elle parvint en bas, l'homme au chapeau descendit à son tour en prenant soin de refermer la trappe par-dessus lui, deux tours de clefs dans un nouveau verrou.

Le noir le plus complet les enveloppa alors, mais ne dura qu'un court instant. Sitôt arrivé en bas de l'échelle, l'Auteur alluma une lampe-torche et engagea Snow à lui emboîter le pas dans la galerie. Le réseau souterrain qui se déployait sous Hartland formait un véritable labyrinthe. Son entrée cadenassée, nul ne saurait plus la secourir du repaire souterrain. Fort heureusement, l'enquêtrice amatrice avait anticipé ce genre de piège et transmit à Ashley des directives plus drastiques.

À mesure que l'Auteur la perdait dans ce dédale ensevelit, elle redouta toutefois de ne jamais trouver l'échappatoire envisagée. Elle avisa alors le panier de chocolat pendu à son épaule, serré contre ses côtes. Discrètement, elle sema aux entrées des couloirs quelques emballages colorés qui marqueraient son passage.

Sur les talons du prophète fou, elle pénétra une artère plus large. Au bout, enfin, se découpa un vaste sous-sol, très certainement l'abri qui, jadis, avait été conçu pour accueillir toute la population de la ville. Snow laissa échapper un souffle ébahi, sincèrement impressionnée par l'aménagement de cette immense cave.

L'Auteur l'avait transfigurée en un véritable lieu de vie, étonnamment cosy. Le salon dépareillé disposait d'un téléviseur où défilaient en continu un dessin-animé. Sur la même table que l'écran, trônait une drôle de boîte où une bande magnétique s'enroulait sans relâche autour de deux gros disques. L'abri disposait aussi d'une cuisine équipée aux placards pleins à craquer. Çà et là, les enchevêtrements de câbles bricolés qui inspiraient à la nouvelle venue une méfiance justifiée.

Au centre du sous-sol, entre les poufs colorés, des caisses à la renverse vomissaient les jouets d'enfants, les cases d'une marelle cheminaient jusqu'à un fort fait de tables empilées et de vieilles couvertures et, en soulevant la tenture qui lui servait de porte, Snow découvrit estomaquée deux matelas creusés par les petits corps d'occupants absents.

L'Auteur ne vivait pas seul ici.

Un autre rideau, plus au fond, dissimulait un large lit bordé de bibliothèques pleines à craquer. Snow s'étonna de n'apercevoir nulle part un bureau, meuble a priori si essentiel à l'épanouissement d'un écrivain.

— Alors c'est ici, votre cachette ? demanda-t-elle pour la forme. C'est depuis ce lieu que vous dirigez Hartland ? Étonnant. J'imaginais plutôt un genre de local froid et des dizaines d'écrans de vidéosurveillance.

— Oui, c'était l'idée initiale, mais je n'aurais pu équiper ce repaire sans éveiller les soupçons. Chacun de ces meubles aurait pu me faire prendre... J'ai dû me contenter de surveiller Hartland de loin, d'écouter aux portes, aux planchers,...

— Ça a dû être harassant, tout seul.

Snow comptait bien trois couchage. Alors qu'elle avait cru reconnaître en l'homme l'allure du Chat et du Lapin, elle soupçonnait que l'Auteur de ne pas œuvrer seul. Tandis qu'il lui vantait la façon ingénieuse dont il était parvenu à souder quelques câbles, la jeune fille réfléchissait au moyen le plus habile de lui faire mentionner ses complices. C'est alors que des pas retentirent dans l'une des veines souterraines conduisant à l'abri, et bientôt deux enfants firent irruption dans la cave : une fille et un garçon tout deux âgés d'une dizaine d'années et qui, à n'en pas douter, étaient sortis du même ventre.

— Qu'est-ce que Snow fait ici ? interrogea la fillette.

— Elle ne devrait pas être là, affirma son jumeau.

L'Auteur entreprit de les calmer et introduisit à son invitée Hansy et Garrett, le frère et la sœur qu'il avait arraché à de cruels parents trois ans auparavant et qui, depuis, vivaient sous sa protection et épiaient pour lui par dessous les maisons.

— Queen ne les a pas tués, finalement ? mima de s'étonner Snow.

— Non, avoua l'Auteur avec embarras. Parce que je l'en ai empêchée à temps.

— Vous êtes vraiment le sauveur d'Hartland !

Adouci par l'orgueil, l'homme au chapeau convia Snow à prendre place sur le canapé.

— Tu n'aurais pas dû l'amener ici, insista Garrett.

— C'est sûr, renchérit Hansy. Tout se passe comme prévu, là-haut. Mais elle...

La fillette s'avança face à l'intruse. Ses pupilles soupçonneuses zieutèrent le panier d'Alice et, avant que Snow eût pu se redresser, la main potelée d'Hansy tirait sur l'anse. Le cabas glissa le long du bras, déversant les friandises et révélant, au dessous, l'accablant dictaphone.

— Ce n'est pas ce qu...

L'Auteur ne laissa guère le temps à la menteuse de se justifier. La dernière chose qu'elle sentit, le fracas d'une céramique contre sa tempe.

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