Ce n'est pas possible ! Que fait-il ici ?

Mes yeux s'ouvrent en grand, je manque de peu de m'étrangler avec les fines bulles de champagne coulant dans le fond de ma gorge. Pivotant sur moi-même, j'espère secrètement qu'il ne m'a pas remarqué. Les joues en feu, je cherche du regard Sharon pour lui indiquer que Riley se trouve parmi nous, mais je me rappelle soudainement, qu'elle ne l'a encore jamais vu.

Qu'est-ce que je vais faire ?

Son rire profond me parvient aux oreilles comme une douce mélodie, et je ne peux m'empêcher de sourire. J'aime tant de choses chez lui, bien plus que ce que je ne voudrais bien l'admettre.

— Sharon, excuse-moi pourrais-je te déranger une minute ? À peine, nous sommes nous éloignées des deux hommes avec qui elle discutait, que je me mets à chuchoter.

— C'est Riley.

Discrètement, je tends le doigt dans sa direction pour appuyer ma révélation. Sharon suit mon mouvement et s'étonne en haussant ses sourcils magnifiques à hauteur de son front.

— Ma chérie, je ne savais pas que c'était ton Riley... Mais, c'est un client habituel.

— Ah bon ? Mais tu n'as pas fait le lien avec son nom ? Je n'ai pas arrêté de te le répéter.

— Non, du tout. Il se fait appeler Monsieur Rock sur le registre.

Une idée presque sadique me traverse l'esprit. Je m'en veux un instant, puis m'adresse à Sharon avec toute la conviction du monde.

— Dis-moi, les trois œuvres que je t'ai apportées, tu les présentes à quel moment ? J'ai une idée, je compte le faire réagir. Où les as-tu mises ?

— D'ici une heure après mon petit discours. Pour le moment elles sont dans la petite salle, derrière, à l'abri des regards.

— Très bien, continue à faire ce que tu fais le mieux, sois charmante ! Je m'éclipse, je compte sur toi pour me faire un rapport de ce qui se passe et de ce qu'il se dit pendant mon absence.

— Pas de soucis !

Sharon ne me pose pas plus de questions et se contente de m'octroyer un clin d'œil grandiose avant de repartir à la conquête de futurs clients. Je jette un dernier regard sur l'assemblée, et m'éloigne discrètement vers la petite salle où Sharon, a l'habitude de mettre des œuvres en attente.

Je dois penser à mon avenir, ainsi qu'à la pérennité de l'entreprise.

Le cœur battant, ces mots trottant dans ma tête deviennent peu à peu un murmure, puis un souffle léger. À ce moment, il n'y a que le cœur de Birdy, le souvenir de Katherina et la passion de Kira qui dominent mes mouvements. Le dénominateur commun à tout cela, c'est Riley.

Les bruits de talons s'éloignent, j'ouvre doucement la porte rouge du débarras et me faufile à l'intérieur où la pénombre domine toute chose.

Tâtonnant les chevalets à la recherche de mes tableaux, je finis par retrouver du bout de mes doigts, les coups de pinceaux, retraçant le corps somptueux de mon amour passé. La lumière bleue de mon portable m'aide à trouver la signature de Birdy en bas à droite de l'oeuvre. Je me rappelle lorsque je signais encore Katherina.

J'empruntais une écriture simple légèrement en italique avec un sigle semblable au huit inversé représentant l'infini juste en dessous. Depuis que Birdy l'a remplacé, je n'ai plus reproduit ce symbole. La raison m'en échappe totalement. J'imagine, que cela s'associe à l'image d'une nouvelle ère.

Le tableau quasi-identique dans le bureau de Riley, possède aussi cette ancienne signature. L'ayant sous le nez depuis dix ans, je me plais à penser que King a remarqué ce signe. Si c'était lui, mon acheteur mystère, reconnaitrait-il la signature de Katherina ? Ne m'a-t-il pas menti en prétendant ne pas y porter d'importance ?

Je fouine désespérément dans mon sac à la recherche d'un stylo genre pinceau noir que je garde continuellement sur moi. Une fois en main, je réfléchis un instant et me rapproche dangereusement de la toile avec la mine imbibée d'encre. C'est presque tremblante, que j'entreprends alors le trait fin de mon ancien symbole d'artiste, là juste en dessous de Birdy....