J-1 avant la rentrée : Jessica, partie 3 - L'hôpital

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Je jette un coup d'œil au réveil qui trône sur ma table de chevet : les chiffres lumineux affichent déjà 11:00. Comment est-ce possible ? Malgré la fatigue qui me tenaillait la veille, je n'ai fait que me retourner dans mon lit, hantée par les paroles de Shaun. Les images de la soirée tournent en boucle dans ma tête. Putain, j'ai été aveugle. Chaque fois que je ferme les yeux, je revois leurs visages rieurs, leurs danses insouciantes, les verres qu'elles portent à leurs lèvres. Ces mêmes filles qui, je le sais maintenant, ont envoyé Jessica à l'hôpital. C'est tristement ironique. Alors que je m'amusais avec elles, Jessica souffrait à cause d'elles. La culpabilité m'a rongée toute la nuit.

Tout cela m'est si étranger. Jamais je n'aurais imaginé fréquenter des personnes aussi perfides. Je me suis toujours tenue à l'écart des faux-semblants. Je préfère la simplicité, la sincérité. Cependant cette soirée... J'ai été emportée par l'excitation, la nouveauté, le désir d'appartenir à un groupe. À quel prix ?

Je me lève péniblement, en me dirigeant vers la fenêtre. En laissant mes yeux se perdre sur le paysage urbain, je revois leurs sourires, leurs éclats de rire, la façon dont elles m'ont accueillie dans leur cercle. Tout cela n'était qu'une mise en scène, une façade. Derrière ces jolis visages se cachent des âmes sombres, prêtes à tout pour assouvir leurs bas instincts.

Quand je pense que la rentrée, c'est demain... J'aurais dû être excitée, impatiente à l'idée de faire ma première rentrée dans ce nouveau lycée. À la place, une boule d'anxiété se loge au creux de mon estomac. Comment ai-je pu être aussi crédule ? Imaginer les couloirs du lycée, le bruit des casiers qui s'ouvrent et se ferment, les groupes d'élèves chuchotant dans les coins, me paraît soudainement oppressant. Il y a quelques jours à peine, je me projetais avec insouciance, déambulant fièrement avec Lia, Rose et Taylor, partageant des rires, des confidences. L'idée que je pourrais faire partie de leur cercle m'a grisée, au point d'oublier l'avertissement de Jessica. J'ai été tellement naïve. J'aurais dû l'écouter la première fois qu'elle m'a mise en garde contre Lia.

La chaleur de l'eau qui s'écoule sur mon dos a quelque chose d'apaisant, de thérapeutique. Les gouttelettes sur la vitre de la cabine de douche ressemblent étrangement à mes propres larmes, celles que j'ai versées la veille en repensant à toute cette histoire. Les ombres des souvenirs de la soirée précédente me hantent. Jessica admise à l'hôpital... Comment ai-je pu être si aveugle, si complètement distraite par ces faux semblants ?

Un mouvement brusque me ramène à la réalité. Mon pied glisse sur le carrelage trempé de la douche. Je me rattrape in extremis à la paroi, puis je reprend mon souffle. C'est comme un avertissement, je ne peux pas me permettre de me perdre dans mes pensées, pas quand Jessica a besoin de moi.

Je coupe l'eau. Enveloppée dans un nuage de vapeur chaud, j'attrape ma serviette verte pour m'essuyer. Mon reflet dans le miroir embué me renvoit l'image d'une jeune femme perdue, confuse. Mon cœur bat la chamade, non pas à cause de la fausse chute, mais à cause de la tempête d'émotions que je ressens.

M'habillant rapidement, je décide que c'est le moment d'agir, d'être présente pour Jessica, de lui montrer qu'elle n'est pas seule dans cette épreuve. Elle a été trahie, blessée, et je devais à tout prix être à ses côtés pour l'aider à surmonter cette épreuve.

En revenant dans ma chambre, je commence à chercher une tenue pour sortir : j'opte pour le basique : un t-shirt blanc, un jeans et bien évidemment, mes converses noires. Je sors rapidement de ma chambre, dévale les escaliers à la vitesse de la lumière et j'atterit au rez-de-chaussée, où je trouve mon père et ma père avachit l'un contre l'autre en train de regarder Tyler Rake sur Netflix. Je m'éclipse silencieusement pour ne pas les déranger, lorsque maman me suprend en demandant sans quitter l'écran des yeux :

— Où est-ce que tu vas, petite coquine ?

Mais... elle a des yeux derrière la tête ou quoi ? Je m'arrête, surprise par la remarque de ma mère.

— Juste une petite sortie, maman. J'ai besoin de prendre l'air, tu sais, avant la grande rentrée de demain.

Mon père, sans quitter l'écran, ajoute :

— La dernière fois que tu as dit ça, tu es revenue avec une nouvelle coupe de cheveux et un piercing au nez. dit-il en éclatant de rire.

Il se rappelle ce jour mémorable ? C'est un souvenir gênant, mais tellement drôle.

— Oh papa, c'était il y a des années ! Et c'était juste une phase.

Maman rit doucement.

— Oui, une phase qui a duré... une semaine ?

Je roule des yeux, tout en souriant.

— Promis, cette fois, c'est juste une sortie sans surprise.

— D'accord, chérie. Mais n'oublie pas de nous envoyer un message pour nous dire où tu es. Et sois prudente.

— Je le ferai, promis. Et ne vous inquiétez pas trop. Je suis grande maintenant, je peux prendre soin de moi.

Maman esquisse un sourire.

— Tu seras toujours notre petit bébé, peu importe ton âge.

Mon père, tout en se concentrant sur le film, ajoute :

— C'est vrai. Et n'oublie pas, si tu as besoin de quoi que ce soit, appelle-nous.

Je hoche la tête, touchée par leur sollicitude.

— Je vous aime, dis-je en me dirigeant vers la porte.

Elle me répond d'une voix douce :

— Nous aussi on t'aime, ma chérie.

— Au fait, je peux prendre la Subaru ?

Maman lève un sourcil tout en souriant, un mélange de taquinerie et d'affection.

— La Subaru ? Encore ? Ok mais fais attention à ne pas griller tout le carburant, hein ! lance-t-elle, avant de replonger dans son film.

Je n'ai pas pu m'empêcher de rire.

— Promis, maman. Et ne vous inquiétez pas, je ferai attention.

J'ai toujours trouvé drôle la façon dont ma mère peut passer d'une mère poule à une mère cool en quelques secondes. Mon père, lui, tente de masquer un sourire en prenant une gorgée de son thé.

— De toute façon Virgie, à la vitesse où tu roules, j'ai toujours du mal à croire que tu consommes tant d'essence ! dit-il en me lançant un clin d'œil.

— Ah, ah ! Très drôle, papa ! répondis-je en feignant la frustration. Un jour, je te montrerai que je peux conduire aussi bien que toi.

Maman éclate de rire.

— Ne le provoque pas, ma chérie. Ton père pense qu'il est pilote de course depuis qu'il s'est tapé toute la saga des films Fast & Furious. Oh la, la... le dixième est le pire de tous.

— Non, c'est Fast 9 ! Roman et Tej qui vont dans l'espace pour le "sauver le monde", sérieusement ?! répond mon père en rigolant.

— Ok je vais vous laisser dans votre débat de F&F, moi je me taille ! À plus tard !

En attrapant mes clés sur le porte-clés mural, je jette un dernier regard à mes parents avant de sortir. Malgré leurs plaisanteries, je suis sûre qu'ils sont inquiets. Demain va être mon premier jour dans un nouveau lycée, dans une nouvelle ville, et avec tous les événements récents, ils doivent être encore plus anxieux pour moi. Mais pour le moment, j'ai besoin de m'évader un peu, de me vider la tête.

En sortant de la maison, j'aperçois Lia en plein footing matinale. La manière dont elle se déplace est tout à fait typique de sa personnalité. Ses pas sont calculés, comme une danseuse étoile sur une scène, assurée et gracieuse. Sa respiration est régulière, malgré l'effort de la course, ses cheveux blonds rebondissent en rythme avec ses mouvements.

Même si je ne l'apprécie pas, je dois admettre qu'elle a une présence, un charme inné qui attire inévitablement l'attention. En quelques secondes, elle est à ma hauteur, ses joues légèrement roses, une fine pellicule de sueur sur son front. Pourtant, elle reste aussi fraîche. Comme si elle venait de sortir de la salle de bain.

— Salut Virginia ! s'exclame-t-elle, comme si nous étions les meilleures amies du monde.

Sa voix est enjouée, comme si elle était sincèrement heureuse de me voir.

— Comment vas-tu ? Tu vas quelque part ?

Je prends une profonde inspiration. La voir après toutes les révélations de la veille était la dernière chose dont j'avais envie. Mais je ne voulais pas lui donner le plaisir de me voir perdre mon sang-froid.

— Salut Lia, répondis-je d'une voix neutre, tout en essayant de paraître aussi désintéressée que possible.

— Juste une sortie. Tu sais, prendre l'air, avant la grande rentrée.

Elle hoche la tête, son sourire toujours plaqué sur son visage.

— C'est une bonne idée ! Moi aussi, j'avais besoin de m'évader un peu avant le grand jour.

Il y a quelque chose dans sa voix qui me met sur mes gardes. Une nuance, presque imperceptible, qui suggère qu'elle est au courant de quelque chose. Ou peut-être est-ce simplement mon imagination ? Après tout, les événements récents m'ont rendue paranoïaque.

— C'est important de prendre soin de soi, ajoute-t-elle en me donnant une petite tape amicale sur l'épaule.

Je résiste à l'envie de reculer ou de la repousser. Oh oui, je résiste vraiment. À lui mettre mon poing dans la gueule aussi.

— Oui, c'est sûr. Bon, je dois y aller. Bonne course.

Lia cligne des yeux, son sourire ne faiblit pas.

— Merci ! On se voit demain à l'école, d'accord ?

— Oui, sûrement, répondis-je distraitement, tout en me dirigeant vers ma voiture.

Alors que je démarre, je jette un dernier coup d'œil dans le rétroviseur et je la vois repartir, sa démarche toujours aussi assurée. Mon esprit reste figé sur cette scène, cette dernière image de Lia dans mon rétroviseur. Mes émotions se bousculent : frustration, jalousie, colère. Pourquoi est-elle si confiante ? Est-ce son allure, son attitude ou quelque chose qu'elle possède que je ne saisis pas ?Grosse conne avec ton petit cul d'anorexique. Je te briserais bien comme une brindille. Malheureusement, je ne sais pas me battre. Enfin bref, je mets rapidement les clés dans le contact, je fais une manoeuvre pour sortir du garage et me positionner sur la route, avant de conduire direction l'hôpital.

***

Now playing : Dua Lipa - Cool

La voix envoûtante de Dua Lipa se transforme en un bruit de fond pendant que je m'égare dans mes réflexions. Je me souviens de nos conversations, de ses commentaires sarcastiques, de sa manière de toujours être le centre d'attention. Je m'agrippe au volant, tentant de canaliser ma colère. Tous les feux tricolores sont des occasions de laisser mon esprit vagabonder sur notre relation complexe.

Je me demande comment elle peut être aussi sereine, aussi insouciante de l'effet qu'elle a sur les autres. Peut-être est-ce un masque qu'elle porte ? Peut-être a-t-elle ses propres démons qu'elle cache derrière cette façade d'assurance ? Je me souviens de certaines conversations, des instants où elle est presque vulnérable, des moments où elle est peut-être sincère. Mais ces moments sont rares, vite éclipsés par son comportement dominant.

Tout à coup, un cycliste traverse la route, me tirant de mes pensées. Je freine brusquement, évitant de justesse une collision.

"Il faut faire attention, jeune fille !" dit-il, un sourire aux lèvres.

À New York, cette erreur m'aurait valu de me faire insulter de tous les noms. Ici, on me sourit. La bienveillance des habitants de cette ville n'a donc aucune limite ? Lia en est-elle le seul démon ? Je réalise combien il est facile de se laisser emporter par ses émotions. Je prends une profonde inspiration, je chasse Lia et ses mind games de ma tête.

La route est dégagée, le paysage défile de chaque côté, mais mes pensées sont encore embrouillées par la rencontre impromptue avec Lia. Elle a cette capacité à me déstabiliser, à faire bouillir mon sang. C'est incroyable comment une seule personne peut déclencher autant d'émotions en moi.

La radio joue une chanson populaire, mais je l'entends à peine. Les rues de la ville défilent, je passe devant des boutiques, des parcs, des écoles. La vie continue comme si de rien n'était, alors que mon monde intérieur est en plein tumulte. La rentrée c'est demain et je ne peux m'empêcher de me demander comment je vais gérer tout cela. Est-ce que je devrais confronter Lia devant tout le monde ? Ou simplement l'éviter ?

Je passe devant le Sally's. Un sourire éclaire momentanément mon visage en repensant à la première fois que je l'ai rencontré et comment elle a tenue tête à cette connasse de Lia. Elle est devenue la raison pour laquelle je suis en route pour l'hôpital. Elle est ma véritable amie dans cette ville et je me sens coupable de l'avoir laissée tomber. J'accélère, pressée de la voir.

— Jess... j'espère que tu vas bien.

***

Le trajet est interminable, mais j'arrive enfin à l'hôpital. Je trouve une place pour me garer, prend une profonde inspiration avant de sortir de la voiture.

— Jessica... je suis là.

J'espère qu'elle va bien. La dernière chose que je veux, c'est qu'elle souffre à cause de tout ce drama. Elle mérite tellement mieux.

Les portes automatiques de l'hôpital glissent à mon approche. La cacophonie des voix me submerge, des annonces au micro, aux bips d'appareils médicaux. Le hall est imposant avec ses hauts plafonds, ses sols brillamment polis qui réfléchissent la lumière blanche des néons. Je m'arrête un instant, juste pour me recentrer. Pour me préparer à affronter l'état de Jessica.

Je passe devant la réception, là où les infirmières sont occupées à taper sur des claviers, à répondre aux appels téléphoniques tout en consultant leurs dossiers. J'évite le contact visuel, espérant qu'elles ne me poseront pas de questions. J'espère déambuler dans les étages, voir si je peux la trouver comme ça. Là, un ascenseur ! Je m'y dirige rapidement, lorsque soudain...

— Excusez-moi, mademoiselle ! Vous ne pouvez pas prendre l'ascenseur sans pass de permission.

Et merde.

— Désolé, madame. Je viens voir une amie hospitalisé.

— Son nom et prénom s'il vous plaît ?

— Euh, oui ! Jessica...

C'est Jessica comment déjà ? Mince, j'ai oublié ! Allez concentre-toi sur son tablier du Sally's ! W...O....

— Wolf ! Jessica Wolf. Désolé, je suis nouvelle en ville. On vient à peine de se rencontrer.

— Jessica Wolf... Jessica... Ah ! Voilà. 5ème étage, chambre 507. Tenez, je vous remets un pass journée. Il est valable pendant 24h. Dépassé ce délai, vous devez obligatoirement nous le remettre à l'accueil. Est-ce que c'est clair pour vous ?

— On ne peut plus clair. répondis-je avec assurance.

— Parfait. Bonne journée, mademoiselle.

Vite, je me faufile dans l'ascenseur, direction le 5ème étage, chambre 507, pour rendre visite à Jessica. Je suis assez nerveuse là. Et si elle ne veut pas de ma visite ? Je vais avoir l'air conne, non ?Non, elle ne va pas me jeter. Enfin, j'espère. Après tout, je suis ici pour elle, pour la soutenir après ce que lui on fait subir les "Jolis Visages". Je ne veux pas la laisser tomber. L'ascenseur monte à une allure d'escargot. Les chiffres lumineux clignotent lentement, les étages sont plus long que le précédent. Le silence de la cabine est assourdissant, à peine perturbé par le léger grondement mécanique de l'élévateur en mouvement. Mes doigts jouent nerveusement avec le col de mon t-shirt. Je peux sentir la sueur froide perler sur mon front. Je ferme les yeux, rassemble mes pensées, de calmer les papillons qui s'agite dans mon estomac.

La lumière du 4ème étage s'éteint. Je me prépare au face-à-face imminent. Le doute persiste : et si elle m'en veux toujours ? Si elle ne veut pas me voir ? La culpabilité, l'inquiétude... tout se mélange en un tourbillon d'émotions. Mais je ne peux pas reculer maintenant. Elle a besoin de savoir que je suis là pour elle, qu'elle n'est pas seule face à Lia et ses sbires.

Enfin, l'ascenseur s'ouvre sur le 5ème étage. Le couloir est silencieux, éclairé par une lumière tamisée qui enveloppe chaque porte de douceur. Je me dirige d'un pas hésitant vers la chambre 507. Devant la porte, je m'arrête, respire profondément et frappe doucement afin de ne pas la brusquer.

— Jess...?

La porte s'ouvre à peine, me laisse voir une pièce baignée d'une lumière douce. Puis, mon regard se pose sur le lit, et ce que je vois me fait manquer de souffle. Jessica est là, allongée, presque méconnaissable. Ses yeux sont gonflés, son visage couvert d'hématomes aux teintes violacées et ses lèvres fendues par des points de suture. Une fine couverture la couvre jusqu'à la poitrine, mais je peux imaginer les ecchymoses qui marquent son corps. Mes mains se portent instinctivement à ma bouche pour étouffer le cri d'horreur qui menace de s'échapper. Comment ont-elles pu lui faire cela? Comment peut-on infliger de telles souffrances à une autre personne? Ma colère monte en flèche, mais je m'éfforce de la contenir. Ma priorité, c'est d'être là pour Jessica. Elle tourne légèrement la tête vers moi, ses yeux fatigués, voilés de douleur. Un faible sourire apparaît sur ses lèvres, mais il ne parvient pas à cacher la tristesse qui y réside.

— Virginia, murmure-t-elle d'une voix rauque. Tu es venue...

Je m'approche doucement et je prend une chaise pour m'asseoir à ses côtés.

— Bien sûr que je suis venue, je réponds d'une voix calme, apaisante. Comment te sens-tu ?

Elle hausse légèrement les épaules, son visage se crispe sous la douleur du mouvement.

— Ça pourrait être pire, je suppose. Merci d'être là.

La tension entre nous est palpable. Nous ne nous connaissons que depuis peu, notre relation n'est pas celle de deux vieilles amies de longue date. Mais en cet instant, les barrières s'effondrent, une compréhension mutuelle se crée.

— Je suis désolée, Jessica, je murmure, les larmes aux yeux. Si j'avais su ce qui se passait, je ne les aurais jamais laissées faire ça.

Elle secoue doucement la tête.

— Tu ne pouvais pas savoir. Et ce n'est pas de ta faute.

Je saisis doucement la main de Jessica pour lui transmettre un peu de force, bien que je sente la mienne faiblir face à la situation. Ses doigts frêles répondent par une légère pression, et je peux voir dans ses yeux l'appréciation pour ce simple geste de réconfort.

— Tu sais, commence-t-elle en avalant difficilement sa salive, je ne pensais pas que Lia et les autres iraient aussi loin. Je... je les connais depuis très, très longtemps. Elles sont populaires, sûres d'elles, mais je n'aurais jamais imaginé qu'elles puissent être si cruelles.

Je me mords la lèvre, cherchant les bons mots.

— Qu'est-ce qui s'est passé à la glacerie ?

Jessica hésite un instant, puis prend une profonde inspiration. Ses yeux fixent le plafond, comme si elle revivait l'événement.

— J'étais avec Shaun au Sally's. On était en train... enfin bref. Puis Lia et les autres sont entrés à leur tour. Elles m'ont encerclées. Lia m'a attrapée par les cheveux et m'a violemment plongé la tête dans tous les bacs à glaces. Suite à ça, j'ai commencé à avoir des maux de tête sévère et... je suis tombé dans les pommes. À mon réveil, j'étais là, dans ce lit d'hôpital. Les médecins ont dit que j'ai eu de la chance. Si Lia m'avait brutalisé encore un peu plus, je serais probablement devenue un légume.

Mes poings se serrent involontairement.

— Oh mon Dieu, Jessica, je... je suis tellement désolée, mais... mais pourquoi ? Pourquoi s'en prendre à toi de cette manière ?

Jessica secoue la tête, une larme coulant sur sa joue.

— Parce qu'elles sont comme ça. Elles aiment montrer leur superiorités, montrer qu'elles sont riches, qu'elles n'ont peur de rien. Et moi, j'étais une cible facile. Je l'ai toujours été. Son souffre-douleur. Je suis désolé Virgie, mais... je crois que tu es la prochaine sur leur liste.

Je ne sais quoi répondre, même si je me doute qu'elles ont bien quelque chose derrière la tête me concernant. Nous restons silencieuses un moment, chacune perdue dans ses pensées. La réalité de la situation me pèse : ce genre de violence, de cruauté est insensé. Comment les choses ont-elles pu dégénérer à ce point ?

— Sais-tu ce qui me rend le plus triste ? murmure Jessica, brisant le silence. C'est que j'ai vraiment cru, à un moment, que je pourrais faire partie de leur groupe. Que je pourrais être l'une d'entre elles. C'était idiot, n'est-ce pas ?

Je lui souris tristement.

— Ce n'est pas idiot de vouloir appartenir à quelque chose, Jess. Mais tu mérites tellement mieux qu'elles.

Jessica ferme les yeux. La fatigue commence à se lire sur son visage.

— Peut-être... peut-être qu'après tout ça, je pourrai enfin tourner la page. Trouver de vrais amis.

Je lui serre la main un peu plus fort.

— Tu peux me compter comme ta première véritable amie, Jess. Je ne te laisserais jamais tomber.

Jessica se tourne vers moi, ses yeux s'assombrissent de fatigue.

— Merci Virginia, murmure-t-elle d'une voix éraillée. Écoute, je crois que je vais essayer de dormir un peu. Ma tête se remet à me faire mal et je tombe rapidement de fatigue.

Je m'approche doucement de son lit, en évitant de trop regarder les marques de violence sur son visage.

— Bien sûr, Jess. Je te laisse te reposer.

Elle hoche faiblement la tête, les paupières lourdes, à la limite de la fermeture.

— Merci... d'être venue, dit-elle, un léger sourire aux lèvres. Ça signifie... beaucoup pour moi.

Je ressens une bouffée de chaleur dans ma poitrine. Cette fille, à peine plus qu'une connaissance il y a quelques jours, est maintenant devenue quelqu'un d'important dans ma vie.

— Je reviendrai te voir, promis, lui dis-je doucement. Prends bien soin de toi d'ici là.

Alors que je me dirige vers la porte, je jette un dernier regard en arrière. Jessica est déjà à moitié endormie. Sa respiration est régulière. Bien. J'espère sincèrement qu'elle ira mieux bientôt. Après tout, je pense que j'aurais bien besoin de renforts au lycée.

***

Le couloir de l'hôpital s'étire à l'infini avec ses lumières crues, ses ombres ombrageuses sur les murs pâles. Alors que je m'approches de l'ascenseur, après ma rencontre bouleversante avec Jessica, un frisson me parcourt. Des murmures, des ricanements familiers résonnent derrière moi. Tout à coup, je suis brusquement poussée dans l'escalier de secours par une main féminine.

Quand je lèves les yeux, je me retrouves face à face avec Rose et Taylor, leurs visages encadrés par les barreaux métalliques de l'escalier. Comment m'ont-elles retrouvées ces deux connasses ? Lia les auraient-elles envoyés ici pour me surprendre ? Elle a su que j'allais voir Jess à l'hôpital ! Elle a sûrement entendue ma conversation avec Shaun hier soir. Merde. Alors je suis bel et bien leur prochaine cible.

— Quelle surprise de te voir ici, Virginia, susurre Taylor, son sourire malsain découvrant ses dents d'un blanc éclatant. Ses yeux verts étincellent de malice.

— Tu es venue voir la petite chouineuse ? se moque Rose en se postant devant la porte, dans le but de m'empêcher de sortir.

Il faut que je reste calme, mon cœur s'emballe trop. Est-ce... de la peur ?

— Je suis venue voir une amie. Quelque chose que vous ne comprendriez probablement jamais, bande de petites garces.

— Oh, l'audace ! se moque Taylor. Mais comment tu nous parles, là ?! Tu penses vraiment être en position de nous défier ?

Putain, elles me font vraiment chier là. J'ai envie de leurs péter les dents. Non, reste digne, Virgie. Garde ton sang-froid.

— Pourquoi vous en prenez-vous à Jessica ? Qu'est-ce qu'elle vous a fait pour mériter ça ?

Rose s'approche de moi, si près que je pouvais sentir son souffle sur mon visage. Ma colère va bientôt prendre le dessus.

— Elle est faible. Et les faibles n'ont pas leur place à Springton.

— Ah ouais ? Vous êtes sérieusement dérangées, répondis-je en repoussant Rose. Vous brisez des vies juste pour le plaisir, c'est ça ?

Taylor éclate de rire. Pourquoi elle éclate de rire cette... ton sang froid, Virgie.

— Oh, ce que tu peux être Drama Queen ! On s'amuse, c'est tout. Et si Jessica ne peut pas le supporter, c'est son problème.

Maintenant, c'est l'autre qui se met à rire. C'est ça que je vais endurer cette année au lycée ?

— Laisse-la partir. Elle n'en vaut pas la peine.

— Tss.

Taylor se décale, me laisse un passage pour sortir. Pourquoi me laisser partir maintenant ? Je suis à leur merci. Sûrement un avant-goût de ce qui va m'attendre au lycée demain. Dans quoi me suis-je encore fourée ?

— Va te reposer, Virgie. Car demain, sera une très grosse journée pour toi, dit Taylor, un sourire machiavélique sur ses lèvres.

Sans attendre davantage, je me mets à dévaler les escaliers comme une tarée jusqu'au rez-de-chaussée. Demain au lycée, ça va être ma fête. Bienvenue à Springton qu'elles me disaient, ces sales garces. Maintenant, je suis leur ennemie numéro uno. Pas le temps de me morfondre, il fallait que j'aille confronter Lia, tout de suite. Si elle pense que je vais me laisser faire, c'est qu'elle me connaît très mal. J'ai sorti mon téléphone de ma poche, rapidement composé le numéro de Lia. Elle décroche après deux sonneries. Sa voix mielleuse résonne :

— Hey, Virginia, quoi de neuf ?

Je serre les dents, maîtrisant la colère qui bouillonne en moi.

— Toi et moi on doit se voir. Maintenant.

Il y eut un silence, puis Lia a répondu, un rire nerveux dans sa voix.

— D'accord, je t'attends.

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