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Il abandonna ses rares retours vers la capitale et ses encore plus rares copains pour passer ses weekends à voler, accompagné d’Antoine. Il enfilait un pantalon moulant, noir, qui soulignait ses grandes jambes musclées. Antoine était fou en le voyant. Quand il atterrissait, les yeux encore brillants de bonheur, Antoine le serait dans ses bras, comme un amoureux retrouvé. Il n’aimait pas trop, car il y avait toujours des personnes présentes, mais il appréciait ce contact chaleureux. Certains de ses camarades les regardaient, un léger sourire aux lèvres. Il rougissait alors, augmentant sans le vouloir son attrait.

Il se laissait aller, rejetant les sollicitations inquiètes d’Antoine. Il n’avait que cet ange blond en tête, le désirant infiniment, le rejetant pour ce qu’il représentait, le haïssant pour le mettre devant un choix impossible.

Chaque soir, il allait à la boite, y laissant la majeure partie de son salaire. Il finit par être connu, malgré les refus systématiques aux invitations. Il occupait toujours le même coin, les yeux fixés sur l’entrée, sursauta à chaque chevelure claire. Une silhouette approchant, un sourire, surtout la lassitude de l’attente : il se laisse embarquer. Le garçon était mignon de corps et de visage. Il attendait une part de rêve, ce fut un cauchemar de brutalité. Il fut forcé sans tendresse, sans sourire. Le sexe dans sa version la plus agressive. Il rentra démoli et satisfait. Il avait la preuve de son absence d'homosexualité, n’ayant pris aucun plaisir. Il ne se croyait même pas, réfléchissant à la façon de retrouver cette humiliation douloureuse, sans la demander.

Au travail, alors qu'Antoine essayait de le questionner sur sa morosité, il le rembarra durement. Le soir, il retrouva sa jolie brute, le suivit sans un mot, souffrit à nouveau en y trouvant une jouissance. Cette intensité double le troublait. L’absence de sentiment le rassurait. Ce n’était que des pratiques hygiéniques, spéciales, mais indispensables. L’autre se lassa de sa passivité. Leur relation se réduisit à un rapport rapide dans un coin sombre de la boite. C’était encore plus violent, juste une décharge rapide. Ensuite, il reprenait sa faction, ne vivant plus que cette attente. Son travail se dégrada, tout comme sa santé. Antoine, désespéré, assistait à cette déchéance sans plus oser intervenir.

Enfin, un soir, l’ange réapparut, encore accompagné. Il surgit de son trou, clama son prénom, prenant l’ange par la main comme son rédempteur. Ce dernier se défit d’un brusque mouvement, lui tourna le dos. Il revint à la charge. Cette fois, c’est le compagnon de l’ange qui l’écarta. Il s’emporta, voulut se battre. Plus fort que l’autre, mais ignorant de ces pratiques, il se prit un coup violent avant d’être jeté sur le trottoir.

Affalé dans les odeurs de pisse, encore groggy, il regardait les allées et venues. Quand l’ange sortit, il se redressa, devint quémandeur. L’autre le regarda, alors que son ami levait le bras. En retenant le coup, ils se fixèrent longuement. Au fond des yeux clairs, il aperçut le paradis. Un sourire, un doigt caressant la joue, puis un « non » susurré gentiment avant de tourner les talons.

Incapable de comprendre le sentiment qui le ravageait, il s’enfonça dans la nuit, perdu dans sa souffrance. Pourquoi ce garçon refusait-il son amitié, il n’en demandait pas plus, refoulant son attirance physique. Ce rejet le rassurait. Si un pédé le rejetait, c’est qu’il n’en était pas un ! Ne connaissant rien de l’amour, il se débattait dans ces contradictions.

Il n’entendit pas la moto vrombissante qui le faucha. Dans l’ambulance, il comprit que c’était fini. Cela le laissa indifférent. Dans une dernière lueur de conscience, une ultime crispation lui interdit de se dire oui.

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