Chapitre 7 – Lucie

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Chapitre 7 – Lucie


Lundi 3 mars 2014


Lucie, que sa promenade au Grand Marché avait pourtant détendue, franchit la porte d’entrée de l’appartement d’un pas assuré avec la ferme intention de ne pas adresser la parole à Marcel pour le restant de la journée. Même si elle s’était calmée, la jeune femme ne lui pardonnait pas sa soirée arrosée de la veille, qui l’avait visiblement empêché de rentrer à temps pour le vidé, qui s'était déroulé sans elle, aux aurores. Heureusement le carnaval ne faisait que commencer...


Lors de sa balade improvisée, elle avait déniché le programme des festivités. À lundi, on pouvait lire : « Mariages burlesques à 15 h 30 ». Après avoir vérifié que Marcel dormait toujours, elle se dirigea vers son ordinateur en quête d’informations. Et ce qu’elle découvrit la fit ironiquement sourire : « Parodies de cérémonies de mariages où les femmes se déguisent en hommes et les hommes en femmes ». Dans son cas, elle n’avait pas besoin de déguisements pour prendre conscience que son propre mariage était lui aussi une mascarade.


Comme elle s’y attendait, les photos et vidéos des précédents carnavals qu’elle dénicha sur Internet ne laissaient pas de place au doute. Celles qui attirèrent plus particulièrement son attention par leur singularité représentaient des hommes à la barbe de quatre jours, travestis en femmes, affublés de perruques et portant chaussures à talons, dans un raffinement perceptible jusqu’au bout des ongles. Lucie songea, non sans malice, qu’il y avait fort à parier que beaucoup d’entre eux aujourd’hui finiraient la parade chaussures à la main et pieds nus.


On trouvait tous les styles de femmes possibles. Il y avait celles que l’on pouvait qualifier de « mauvaise vie » au décolleté plongeant qui laissait rêveur et au maquillage outrancier. Leurs grandes jambes poilues, ceintes de grossiers bas résille noirs attachés à des porte-jarretelles, se retrouvaient à peine cachées par une minijupe en skaï.. Peu après, elle tomba sur la vidéo d’une mariée à qui l’on aurait donné, pour le coup, le bon Dieu sans confession. Toute de blanc vêtue, suivie d’un groupe, visiblement son cortège de mariage. Derrière elle se tenait une personne chargée de porter sa longue traîne. Un voile recouvrait sa tête et elle tenait un bouquet de fleurs entre ses mains. Sa robe moulante l’obligeant à marcher à petits pas, Lucie se dit que cette année-là, cet homme avait sûrement mis la journée à faire le tour de la ville... Mais l’important n’était-il pas d’être vu ?


Sur une autre photo, elle découvrit un couple de mariés marchant main dans la main. La femme qui, contrairement à son mari, avait des formes en haut et en bas, semblait comprimée dans son costume sombre de chef de famille. L’homme, quant à lui, grand et mince, portait une splendide robe blanche en dentelle qui lui cintrait joliment la taille. Ses longs cheveux, noirs de jais, tombaient sur ses épaules. Il avait les traits fins, les yeux en amande et ressemblait à un indien. À la réflexion, il lui semblait avoir déjà vu cette tête quelque part. Pocahontas ! C’est ça, il avait le visage de cette jeune amérindienne des films de Disney. En même temps, aux Antilles, rien d’anormal. Sous la photo étaient inscrits ces mots « On bèl fanm kon sa, i té oblijé mayé » ce qui signifiait littéralement « Une belle femme comme ça, elle devait forcément se marier » . Visiblement, Lucie n’était pas la seule à être tombée sous son charme.


Entre ces deux extrêmes, elle découvrit également toutes sortes de déguisements de bric et de broc. On devinait aisément où ces messieurs s’étaient procurés leurs vêtements. Ils devaient sortir tout droit des armoires de leurs femmes ou de leurs mères. Soudain, elle regarda sa montre qui indiquait quatorze heures. Elle avait encore le temps d’enfiler quelques vêtements appartenant à Marcel et de descendre dans la rue. Mais après la nuit blanche qu’elle venait de passer, le courage lui manqua. Elle s’installa confortablement dans son canapé et partit rapidement dans les bras de Morphée.

















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