36. Confidences (suite)

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Le bruit inhabituel de l’appartement me réveille. Giulia a revêtu un jeans, un chemisier noir et un petit foulard sombre moucheté de doré. Elle sourit et je questionne :

— Qu’est-ce que tu fais ?

— Je te regarde. C’est bizarre de te voir dans mon lit.

— C’est toi qui m’as invitée.

— Je sais. Mais, jusqu’à hier, je pensais me laisser séduire par un collègue ou un inconnu dans un bar en sortant avec des copines. Et quand je te regarde, je suis contente, j’ai envie que ça continue. Alors je me dis que ce n’était pas prévu, mais pourquoi pas ? — Mon sourire approuve la félicité peinte sur son visage, comme celle portée par ses mots — Je dois aller travailler, tu n’auras qu’à claquer la porte. Mon numéro de téléphone est sur la table.

Elle se penche et pose sa bouche sur la mienne, comme le ferait n’importe quel couple, puis elle disparaît en me jetant un regard une dernière fois. La porte claque, m’indiquant que je suis seule, nue, dans un grand lit qui n’est pas le mien.

Quand je repense à l’apriori que nous avions l’une sur l’autre, je me demande si notre relation est naturelle. Est-ce que je n’aurais pas récupéré le pouvoir de séduire d’un simple baiser ? Est-ce que des vilains de Batman, en plus du côté Double Face, je n’aurais pas hérité du côté Poison Ivy ?

Cela me met mal à l’aise. Et si l’influence que j’ai sur Élisa ou Marion est artificielle ? Je ne compte pas la tatoueuse, car elle a avoué que je n’étais pas une unique aventure.

Nue, je visite l’appartement luxueux, emmêlée dans mes réflexions. Giulia a du goût, un côté maniaque, le genre idéal pour dissimuler ce qui pourrait m’apprendre des choses sur elle. Le soleil baigne l’ensemble de l’espace de vie et met en valeur une collection DVD de comédies romantiques. Quatre sont saphiques, quatre rares œuvres d’un cinéma à majorité hétéro, ce qui signifie que Giulia n’était inconsciemment pas réfractaire à une relation avec une autre fille.

Dans un petit aquarium rempli d’algues, un poisson combattant bleu nage sereinement pendant qu’au fond un petit tout gris tacheté fouille le sol. Une compagnie animale qui ne laisse ni poils ni litière à nettoyer. Malgré ses airs félins, elle serait trop maniaque pour s’encombrer d’un chat. L’espace respire en vérité la sérénité, la même que je peux trouver chez le psychiatre.

Consciencieusement rangées dans un coin, un tapis de gymnastique et des élastiques, qui indiquent qu’elle s’entraîne. Avec un sourire, je me dis qu’au moins nous aurons un loisir commun.

La cuisine regorge de produits bios, de graines et de condiments qui prouvent qu’elle cuisine elle-même et surveille son alimentation. Même les yaourts sont bios, le lait de soja est bio. Pour quelqu’un qui s’autorise un kebab, c’est presque curieux.

N’arrivant à rien apprendre de plus sur elle. Je revêts mes vêtements sales, enregistre le numéro de Giulia, puis quitte l’appartement.

Je ne l’ai pas contactée de la journée, malgré la tentation, émissaire de mon cœur, qui est venue frapper au centre nerveux de mes décisions chaque minute. Mon esprit a rejeté ses requêtes incessantes, et à minuit, je m’assois dans le fauteuil de Docteur Leroy, face au triptyque.

— Comment allez-vous par rapport à la dernière fois ?

— Je ne sais pas. Donnez-moi un whisky, et je vous raconte tout.

Il rit en mettant du Tchaïkovski. À force de venir ici, je saurais reconnaître nombreux compositeurs. Une fois mon verre entre les mains, je déballe mon histoire avec Marion, ainsi que mes espoirs balayés en une soirée par Giulia. Et je lui confie que je pense avoir un pouvoir d’attraction anormal.

— Je ne pense pas que vous ayez un pouvoir d’attraction anormal. Pensez à la jeune femme qui a sculpté votre masque, elle ne vous a pas rappelé malgré votre baiser.

— Ouais…

— Vous savez, plus on prend confiance en soi, plus on vit d’aventures, et plus on en vit, plus on prend confiance en soi. En ce moment, votre vie est dans un cercle vertueux. Ne ressentez-vous pas ça ?

— Ouais… C’est vrai. Mais je veux dire, Giulia et moi… Ce n’est pas normal. Elle me détestait.

— Elle avait peut-être juste besoin de vous connaître. Vous traîniez avec deux filles avec qui elle ne s’entend pas. Les amies de ses ennemies sont ses ennemies.

— Non, mais même ! Je veux dire, c’est une fille parisienne comme d’autres, habillée comme une bourgeoise. Elle n’a rien d’un garçon manqué, ni une originalité qui m’attire particulièrement.

— Réfléchissons deux minutes. Vous étiez attirée par les femmes tatouées, les femmes sportives, parce qu’elles vous complétaient, qu’elles représentaient ce que vous n’étiez pas : une femme libre et déterminée. Maintenant que vous êtes devenu cet idéal, qu’est-ce que ces filles peuvent vous apporter ?

— Je suis toujours attirée par les filles sexy et…

— Au-delà de toute apparence physique. Vous avez-vous-même réduit le filtre des personnes susceptibles de vous plaire. Les critères d’hier ne sont que des options, aujourd’hui.

Il marque un point, un point énorme. Je lui tends mon verre vide :

— C’est vous le psy. Mais je ne veux pas être amoureuse !

Il rit en prenant le contenant pour aller le remplir et il me dit :

— Ça c’est votre tête qui vous dit qu’aimer c’est dangereux. Mais quel est le moteur le plus puissants, celui qui peut commander aux deux autres ?

— Le cœur ?

— Vous pouvez vous demander pourquoi Giulia plaît tant à votre cœur. Et si vous aviez le pouvoir de séduire n’importe quelle femme par un baiser, seriez-vous vous-même amoureuse ?

Je regarde la peinture sans trouver de réponse. La vérité et qu’il ne s’est rien passé sous la douche, juste un petit échange imprévu. Là où le coup de foudre est tombé, c’est au kebab. Pourtant nous avons discuté de choses banales, et je ne connais d’elle que son passé avec sa meilleure amie. Alors pourquoi mon cœur s’éprend-il d’elle ? À cause de son adorable accent latin ?

Tout en me tendant un nouveau verre de whisky, il me dit amusé :

— Ne cherchez pas trop avec votre tête. Il existe des liens invisibles qui se forment entre les gens, une alchimie d’hormones et d’ADN qui font que nous sommes plus attirés par certaines personnes que par d’autres. Vous vous apercevrez que votre cœur avait ses raisons lorsque vous apprendrez à la connaître.

— Vous croyez ?

— Ou peut-être que de l’avoir battue, vous êtes passée de rivale à dominante.

— Rivale ? Défigurée ? En plus c’est son cousin…

— Il n’y a pas qu’un mâle dans une salle de sport. Et même si ni elle, ni vous ne cherchiez un reproducteur, les règles de la nature forgent nos relations sociales. Hélas, il s’agit uniquement d’hypothèses dont vous n’aurez pas la réponse.

— Je préfère la version Disney. On va dire que c’est le coup de foudre. J’aimerais trop la présenter à mes parents. Elle a la classe, ça calmerait les réactions pendant mon coming-out.

— C’est pour bientôt ?

J’opine du menton en trempant mes lèvres.

La séance se termine et je rejoins en tailleur l’immeuble de Giulia. Il est presque deux heures du matin, mais je lui envoie un texto :

— Tu dors ? Élodie.

— Je dormais. Je pensais avoir de tes nouvelles plus tôt.

— J’ai ma séance de psy tous les mercredis à minuit et je voulais le consulter avant de te revoir. Je n’ai pas l’habitude de tomber amoureuse.

Je relis mon message trois fois avant de lui envoyer, pour m’excuser de la contacter à cette heure-ci, et surtout pour lui faire comprendre jusqu’où ça peut aller. C’est peut-être malsain de parler d’amour de sitôt, mais je ne veux pas lui mentir. Si elle veut tenter l’aventure, il faut qu’elle sache qu’elle peut faire mal. Elle répond :

— J’ai pensé à toi toute la journée.

— Je suis devant ton immeuble.

— B4235.

Je tape le code puis pénètre dans le hall. Je monte au septième étage, la porte est entrouverte. Giulia est en nuisette, noire, belle comme une grande actrice de cinéma qu’on aurait décoiffée. Ses yeux se posent sur mon tailleur.

— La classe !

— Ma tenue de travail.

— Tu n’entres pas ?

— Je me sens un peu conne. Je ne pensais pas que t’attendrais un message et… je voulais attendre demain, mais si y avait moyen de te revoir, je voulais être là.

Elle prend ma main délicatement, me fait entrer, ferme la porte, puis m’embrasse sur la bouche :

— Je ne suis pas rancunière, mon joli monstre.

— Pourtant, tu es Italienne.

— Fais-moi un striptease et on sera quitte.

Elle s’installe dans son canapé, croise une jambe sur l’autre, puis attend. Je n’ai jamais fait ça, mais pourquoi pas. De la télécommande, elle cherche de la musique douce sur son téléviseur. Alors tout doucement, j’effeuille mon tailleur, pour découvrir ma lingerie fine bicolore. Je danse en sous-vêtements devant-elle, pieds nus, ses yeux pétillent. Je dévoile ma poitrine, puis dos à elle, je me penche pour bomber mes fesses et dévoiler mon abricot. Lorsque je reviens à elle en posant une jambe sur le canapé, ses mains ne résistent pas à l’envie de me toucher. Elle murmure :

— Il y a une position que je ne trouve pas sur ton tatouage. — J’écarquille les yeux. — Mais on l’essaiera demain, il est tard.

Elle se redresse contre moi en levant les bras. Ne résistant pas à l’invitation je la dévêts de sa nuisette, puis baisse sa culotte. Elle me supplie :

— S’il te plaît, il est tard.

Un baiser nous unit, et elle me conduit doucement à la chambre. Je lui confie dans un souffle :

— Je ne peux pas dormir !

— Allonge-toi sur le ventre.

Elle grimpe à califourchon, couvre mon échine de baisers brûlants, de caresses de la pointe des cheveux, puis finit par glisser sur mes fesses. Ses mains écartent mes cuisses, y cherchent l’humidité, puis sa langue descend à l’intérieur de mes jambes. Après un passage sur mes pétales, elle excite mon anus. Je sursaute et je sens le souffle de son rire sur ma peau. Je lui avoue :

— T’es dégueu !

— Occupe-toi de ce que tu ressens.

Je ferme les yeux, la laisse jongler entre le bas de mon dos et mon cratère le plus intime. L’effet est brûlant, puissant, mêlant la confusion et le plaisir crasseux. Mais lorsque mon excitation devient brulante, sa main passe son mon pubis pour le presser délicatement, comme une orange dont on veut apprécier le jus. Son pouce à l’orée de ma vulve, sa langue toujours dans mon œillet, elle guette l’approche des spasmes, annonciateur d’un véritable tsunami.

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