4. Esclaves

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Arn les conduisit jusque dans une immense cuisine. Il les installa à la grande table en bois qui tronaît au milieu de la pièce. Un homme débonnaire les accosta, un plateau rempli de nourriture à la main.

- Aaaah, les nouveaux du jour ! Mais... ce ne sont que des momes ! Je parie qu'ils ont faim ! Ils n'ont que la peau sur les os ces gamins. déclara-t-il en riant tout en déposant devant les enfants un assortiment de pain, de fromage et un pichet de lait frais.

Les deux enfants ne se firent pas prier pour manger. Ovräm regardait furtivement autour de lui tout en machonnant son repas. Il se sentait perdu, dans cet univers qu'il ne comprenait pas. Ce repas était l'un des meilleurs qu'il ait mangé depuis plusieurs semaines, les gens riaient, souriaient, semblaient heureux. Est-ce qu'Idda et lui étaient les seuls esclaves ici ? Ou bien ces gens s'étaient fait à leur sort ? Cela lui semblait impensable. Sombrement, il se promit de ne jamais renoncer à sa liberté. Le pain lui sembla prendre un goût de cendre et il ne put en avaler plus. À ces cotés, Idda finissait de picorer sa propre part. Dès qu'ils eurent fini Arn leur fit signe de le suivre et les emmena dans un dortoir où étaient installés une dizaine de paillasse. La pièce était propre, les couchages pourvu de draps semblaient confortables, surtout pour un enfant des rues. Ovräm suivit Arn, la main d'Idda logée dans la sienne. L'homme aperçut le regard incrédule du garçon.

- Tout le monde ne maltraite pas ses esclaves, Gamin. Ici, vous aurez à manger tous les jours, un toit, un lit, des vêtements propres. Et notre Maîtresse n'est pas du style à maltraiter ses servants par lubie ou sur un mouvement d'humeur. Je parie que c'est bien plus que ce que vous avez connu jusque là, non ?

Ovräm détourna le regard, n'osant pas répondre. Idda, de son coté, regardait les deux paillasses devant elle, presque émerveillée.

-Maintenant, écoutez moi bien tous les deux, reprit Arn tout en sortant quelque chose de sa poche, c'est là où vous dormirez. La cantine, c'est d'où on arrive. Maintenant, on va aller aux bains. Vous devrez vous laver tous les jours. Je vais vous donner une tenue, Il faudra aller à la laverie apporter votre linge sale et demander des vêtements propres tous les deux ou trois jours. Et surtout... SURTOUT, vous devrez porter ceci. En permanence.

A ces mots, il tendit la main vers les enfants. Dans sa paume brillaient deux chaînes porteuses d'un pendentif. Les deux colliers étaient identiques.

-Ceci, c'est la marque que vous appartenez à cette maison.

En entendant celà, Ovräm se raidit. Idda, qui commençait à tendre la main pour saisir un des bijoux, hésita en voyant la réaction du garçon. Ce dernier regardait les chaînes comme s'il s'agissait de serpents venimeux, tremblant de rage, les mâchoires crispées.

-Ecoute Gamin, que ça te plaise ou pas, je m'en fous. Tu porteras ce collier. Comme nous tous ici. affirma calmement Arn. Et dis toi bien que ta sécurité en dépend. Sors d'ici sans ce pendentif, sans cette preuve que tu appartiens à la Maitresse, et tu risques de très gros ennuis. Tu te retrouverais recapturé et revendu à un autre maître ou une autre maitresse. Et peu sont aussi patients qu'elle, peu prennent autant soin de leurs propriétés. De plus, avec ceci, personne ne te cherchera de noises. S'attaquer à toi, c'est s'attaquer à Elle. Et c'est risqué. Vous n'avez pas été acheté par n'importe qui et il est fort probable qu'Elle vous ai sauvé la vie au passage. Alors tu vas ravaler ta fierté et passer ça autour de ton cou !

N'osant pas s'opposer à l'adulte, Idda se saisit d'une des chainettes et la passa autour de son cou. Ovräm, toujours tremblant, restait là, le regard fixé sur le bijou au creux de la large main calleuse. Au fond de lui, il savait qu'il n'avait pas le choix, qu'il lui faudrait porter le pendentif. Mais tout son être se révulsait à cette idée, il se sentait à la limite de la nausée et était incapable d'esquisser le moindre geste. Avec un soupir, Arn lui passa le bijou autour du cou. Les mailles de métal lui semblèrent peser un poids immense et mordre dans sa chair. Ovräm ne bougea pas, tremblant, impuissant, incapable de retenir les larmes de rage qui commençaient à ruisseler le long de ses joues. Arn lui tapota l'épaule maladroitement, sans rien dire, avant de les faire ressortir de la pièce. Il emmena les enfants dans les salles d'eau. Là, deux femmes prirent Idda en charge avec de grands sourires tandis que l'homme entrainait Ovräm vers la salle réservée aux hommes. Le garçon observait toutes ces personnes qui souriaient, riaient, semblaient amicales et bienveillantes. Il se demandait combien de temps ces adultes garderaient ainsi leurs masques de gentils individus, combien de temps avant les premières gifles, les premiers coups, le premier passage à tabac. Il ne croyait pas une seconde à leur amabilité. Le gamin était persuadé que leur apparente bienveillance n'était qu'un masque qui se craquelerait et disparaitrait dès qu'il ne se montrerai pas docile. C'était sûrement idiot de sa part, il le savait, mais il n'avait aucunement l'intention de céder, de ployer le genou sans résistance. Tout en écoutant Arn lui expliquer le fonctionnement des bains, il se préparait à s'opposer à tous ceux qui tenteraient de faire plier sa volonté, quitte à en payer le prix. Les adultes n'étaient pas fiables. Les adultes n'étaient jamais fiables. C'était une des rares certitudes qu'il avait.

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