Les Îles Sombres : Suite IV.

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La pointe des lames nous poussant vers l’avant, nous longeâmes les couloirs sombres où régnait une forte odeur d’humidité et de renfermé, jusqu’à un escalier qui nous mena dans la pièce la plus redoutée. Là, les gobelins s’empressèrent de nous attacher Heinrich, Druss, moi-même et trois des hommes qui nous accompagnaient sur des chaises en fer, tandis que les autres furent enchaînés à même le mur.

- Tu te souviens de cet endroit, n’est-ce pas ?, me murmura Harguz de son souffle fétide tout en refermant l’un des bracelets de fer.

Comment pourrais-je l’oublier ? Lors de notre dernière bataille dans les Îles Sombres, j’avais atterri dans cette salle et été torturée pendant des heures, ou peut-être des jours. Je ne sais pas ce qui avait retenu Harguz de me tuer alors … Il n’avait jamais été en quête d’informations à soutirer, mais il pouvait le faire pour chercher à atteindre quelqu’un d’autre. Je n’étais cependant pas assez influente pour être liée à quelque personnage important. Ce devait donc être une affaire personnelle. Mais pourquoi m’avoir laissée en vie ? Quand il en avait eu assez, il m’avait juste détachée et s’était enfui, me laissant dans une mare de sang. Je me souvenais avoir dû me traîner pour sortir de cet endroit, et mes amis m’avaient trouvée à demi-inconsciente au détour d’un couloir après avoir finalement réussi à infiltrer la tour. Ils avaient deviné que j’avais été torturée, mais je ne leur avais jamais dit ce qui avait pu se passer.

- Par qui on commence ? gronda Harguz.

Il s’approcha de l’un des trois hommes qui étaient immobilisés sur une chaise, lequel eût un soubresaut et tenta en vain de contenir les larmes qui faisaient briller ses yeux.

 - Je ne te connais pas toi… À quel point peux-tu résister à la douleur ?

L’envie de supplier passa dans le regard de la victime désignée comme une lueur furtive, mais il savait que c’était inutile et, ne cherchant plus à retenir ses larmes, il regarda un gobelin muni d’une pince venir vers lui. Heinrich hurla d’arrêter, tandis que Druss déversait un langage des plus fleuris, mais Harguz était trop fier pour les écouter. Et puis, c’était sa façon de commencer à nous torturer, en nous rendant impuissants face à la douleur d’un innocent. Il voulait nous faire culpabiliser.

 - Arrache-lui la langue, dit-il au gobelin-bourreau. C’est donnant-donnant. Et je ne suis pas d’humeur à l’entendre marmonner pendant qu’on le met en pièces.

Il s’était assis sur un énorme siège en bois, fin prêt à admirer le spectacle. Son regard en flamboyait d’avance. La créature à la pince saisit le visage de l’homme pour lui ouvrir la bouche sous les cris de protestations des prisonniers, approcha l’instrument et, resta ainsi, son geste suspendu.

 - Qu’est-ce-que t’attends vermine ? hurla Harguz avec impatience.

Sa question resta sans réponse pendant quelques secondes, jusqu’à que le gobelin murmure qu’il n’y arrivait pas, que quelque chose le bloquait.
Le doute s’installa. Le géant se leva pour s’approcher de la créature qui semblait avoir perdu la tête. Puis, brusquement, il se retourna et d’un geste étonnamment vif pour sa carrure, bondit vers moi et me frappa, me faisant ainsi lâcher la force qui empêchait le gobelin de mutiler le pauvre malheureux. Le choc de l’énorme main me sonna complètement, brouillant ma vue, me faisant suffoquer, et je dus me mordre la lèvre car un goût métallique de sang m’emplissait désormais la bouche. Des cris résonnèrent dans ce qui me parut être le lointain.

 - Ne fais pas la maligne avec tes pouvoirs petite garce !, tonna la voix d’Harguz face à moi.

Un bourdonnement résonnait dans ma tête et, au-delà, un cri horrible couvrant d’autres cris, suivi d’un gargouillis indistinct. Reprenant un peu mes esprits, j’aperçus l’homme qui vomissait du sang, le visage livide sous les éclaboussures écarlates. L’un de ceux enchaînés était lui aussi en train de vomir, alors que le gobelin agitait la langue fraîchement arrachée sous leur nez. Deux autres créatures s’étaient autorisées à les menacer avec une lame et plusieurs présentaient des entailles au flanc et sur les bras. L’un des hommes paraissait même avoir un œil crevé.
Cris et menaces se mêlaient, et même Harguz ne parvenait plus autant à se faire entendre dans le brouhaha. L’air était saturé de rage et de douleur. Me concentrant sur ces énergies, je fis sauter les verrous qui nous immobilisaient. Les plus réactifs se jetèrent sur les gobelins pour les mettre hors-jeu, attrapant au passage tout ce qui pouvait faire office d’arme. Quant à moi, je ne pus éviter un nouveau coup de l’énorme poigne. N’étant plus attachée, je fus projetée hors du chevalet et m’étalai à terre, le côté gauche de la tête irradiant de douleur. À présent je ne voyais plus que des ombres s’agiter autour de moi.

Je reculai jusqu’à sentir le mur contre mon dos. Le monde se renversait autour de moi. Des silhouettes se mouvaient, s’envolaient, et des fracas retentissaient de tous côtés. Je sentais une pulsation me remplir la tête à mesure que l’obscurité grandissait, mais luttai pour rester consciente. Une ombre gigantesque s’éleva soudain non loin de moi, côtoyée par des ombres plus petites. Ce ne pouvait être qu’Harguz. Dans le vague, je me concentrai sur sa silhouette, sur son esprit, essayant de l’engourdir, de le rendre faible. Mais dans sa tête, il n’y avait que du froid, du néant, et je mis à penser au Chaos. Venait-il de là-bas ? À cette pensée son esprit réagi, puis, plus rien.

Je perçus l’ombre du géant s’étaler lourdement sur le sol. Tout semblait si silencieux tout à coup, malgré quelques gémissements. J’essayai de me lever, mais retombai sur le sol, encore trop sonnée pour rester debout. La douleur irradiait dans ma tête, et je me demandai si l’énorme paluche d’Harguz ne m’avait pas fracturé le crâne. Des mains vinrent m’aider à me soulever et j’entendis en écho la voix de mon ami me dire que le monstre était mort.

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