Chapitre 37

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Six jours c’était écoulé. Les garçons restaient silencieux dans leurs cages, ils tournaient en rond, observaient les gardes qui passaient. Sur la pointe des pieds, ils pouvaient atteindre l’ouverture en haut du mur qui leur permettait d’entrevoir le monde extérieur. Accrocher aux barreaux, Earl rêvait de retrouver sa liberté et San de suivre ses pas.

La journée était rythmée par les pas synchroniser des soldats et la nuit par les rondes de gardes de ces derniers. Peu d’entre eux descendaient surveiller les prisonniers, ils ne passaient que pour les heures de repas. Des verres d’eau et des mies de pain étaient déposés devant leurs grilles, simple repas pour la journée.

Pour tuer l’ennui, Earl essayé avec difficultés de s’entrainer. Par chance, un des soldats avait laissé le seau d’eau au coin du mur, celui qu’il apportait pour remplir les verres. Il se concentrait et respira calmement. La main tendue, les yeux clos, il vida son esprit de toutes les pensées qui le hantait. Il ne devait penser à rien.

Les minutes s’écoulèrent et il se sentit partir légèrement en arrière avant de flotter. C’était la même sensation que sur le lac d’Anouk, un sentiment de bien-être s’empara de lui et l’engloutit dans un tumulte de lumière. Ce ne fut que lorsque la main de San se posa sur son épaule qu’il ouvrit les yeux.

— Tu as réussi.

Une boule d’eau lévitait au-dessus du sceau, parfaitement symétrique, petite et translucide. Mais le garçon n’était pas satisfait. Tout en gardant son regard rivé sur sa création, il se concentra. Des fourmillements apparurent dans son bras, mais il ne s’en soucia pas. La bulle commença à grossir, mais devenait instable.

— Earl.

Son ami lui attraper la main pour l’arrêter. Il ne fut pas surpris de constater les lignes bleutées serpenter son épiderme, comme toujours. San le força à se reposer, lui indiquant que la maîtrise de leurs pouvoirs était compliquée et demandait énormément d’énergie. Bien que déterminé, il l’écouta et ne s’entraîna que par tranche d’heure séparée.

C’était devenu en quelques sortes leurs quotidiens. Mais ils eurent le droit à une visite que le plus vieux des deux n’apprécia pas.



À l’aube du septième jour de leur captivité, des pas résonnèrent dans les escaliers en pierre. Earl distingua trois voix masculines, dont une qu’il reconnut que trop bien. Il se releva d’un bond au fond de sa cage, s’approchant lentement des barreaux tandis qu’il observait les ombres s’avancer dans le couloir. Son corps se raidit lorsque le trio s’arrêta devant sa geôle. Deux soldats accompagnaient un haut gradé qui lui faisait face, un sourire collé au visage.

— Mon fils.

La voix du commodore résonnait dans les cachots, stupéfiant San dans le dos de son ami. Il ne pouvait pas voir l’expression qu’arborait son compagnon de cellule, mais il savait qu’il n’appréciait guère cette visite en observant les poings serrés de son camarade.

— Ne vas-tu pas saluer ton pauvre père ?

— Cela fait une éternité que je ne vous considère plus comme tel.

L’animosité présente dans sa voix laissa perplexe le commandant. Le regard sombre que lui offrait son enfant ne lui plaisait pas, mais il pouvait le comprendre.

— Allons. Comprends-moi, je n’avais pas le choix.

— Oh vraiment ? Vendre votre femme et votre fils pour de l’argent n’est pas un choix ? Qu’est-ce donc dans ce cas ?

— Earl—

— Ne prononcez pas mon nom. Vous n’en avez plus le droit.

Les prisonniers présents dans la prison écoutaient attentivement la conversation qui se déroulait devant eux, et purent constater le changement présent dans le regard du garçon. Au fil de la discussion, ses yeux se teintèrent étrangement en un ton écarlate.

— Tu ne connais rien au monde auxquels nous appartenons. Par le passé, Leurs Majestés ont ordonné l’éradication des Mannred dans le but de protéger la population, et cette loi est toujours en rigueur.

— Donc vous avez préféré vendre votre famille plutôt que de la protégée.

— Je n’ai fait que mon devoir.

— Non. Vous n’êtes qu’un lâche.

Earl fit un pas vers les barreaux. Les soldats anticipèrent ses actions et posèrent leurs mains sur les poignées de leurs armes.

— Vous êtes un lâche méprisable comme la plupart des soldats de la marine royale. Vous dites suivre des ordres, mais la réalité est que vous avez peur de nous.

Un autre pas. La mâchoire serrée, le regard meurtrier.

— Vous êtes effrayés de connaître l’étendue de nos pouvoirs et de voir ce que nous sommes capables de faire.

— Ce n’est pas—

— Vous avez eu peur de moi et de l’héritage que m’a fourni ma mère.

San s’était redressé au fond de la cellule et appréhendait la scène qui se déroulait devant lui. Contemplant l’épiderme changeant de son ami, il savait que le commodore regretterait ses prochains mots ou les choisirait avec le plus grand soin.

— Tu es une aberration mon fils, déclara l’homme en laissant tomber son masque paternel. Un monstre capable d’anéantir des villes entières et l’homme que tu aides n’est qu’un requin qu’il faut abattre !

Une main surgit d’entre les barreaux et attrapa le commodore au col, le tirant vers la grille pour aplatir son visage sur le métal froid. Les soldats dégénèrent leurs armes et pointèrent le canon vers le prisonnier. Le haut gradé fut effrayé par la force que possédait son fils et du regard rougeâtre qui le fusillait.

— Lâche-le ! s’écria l’un des officiers.

Mais le concerné n’en fit rien. Sa poigne se resserrait sur le tissu froissé de son père, les dents serrées, la respiration forte et la peau luisant d’une fine couche bleutée.

— Vous avez raison, souffla-t-il après quelques secondes. Je ne suis qu’un monstre destructeur et imprévisible. Une bête sauvage qu’il faut abattre.

Au-delà de la force physique qu’il exerçait sur son père, le commodore déglutit lorsqu’il ressentit l’aura de son garçon. Une force mystérieuse qui émanait de sa rage et envahissait les alentours.

— Mais sachez que vous regretterez vos paroles. Je ne mourrais pas ici, et je vous traquerais jusqu’à avoir assouvi ma vengeance.

Il lâcha prise et regarda son géniteur s’effondrer à terre, la respiration saccadée et le visage paniqué. Earl l’observa calmement reprendre ses esprits et se relever avec l’aide de ses gardes. Il n’était pas satisfait de l’effet qu’il avait eu sur son paternel.

— Vous feriez mieux de surveiller la mer commodore.

Puis n’ajouta rien d’autre. Son vis-à-vis l’examina de haut en bas en grimaçant puis tourna le dos.

— Tu as rendez-vous avec la corde demain dans la matinée. Profite de ta dernière nuit.

Il quitta les cachots et disparus en haut des escaliers. Le Mannred ne prit pas ses mots au sérieux. La corde ne lui enlèvera pas la vie à l’aube, il en était certain.

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